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20/03/2009 | FRANCE | N°305953

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 20 mars 2009, 305953


Vu 1°), sous le n° 305953, la requête, enregistrée le 25 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE, dont le siège est 26, rue Damrémont à Paris (75018), M. Pascal B, demeurant ..., M. Alain E, demeurant ..., M. Eric D, demeurant ..., M. Stéphane F, demeurant ..., M. Olivier H, demeurant ..., M. Régis G, demeurant ..., M. Paul C, demeurant ... ; l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2007 du ministre de la santé et des sol

idarités modifiant l'arrêté du 22 février 1990 et classant les plantes...

Vu 1°), sous le n° 305953, la requête, enregistrée le 25 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE, dont le siège est 26, rue Damrémont à Paris (75018), M. Pascal B, demeurant ..., M. Alain E, demeurant ..., M. Eric D, demeurant ..., M. Stéphane F, demeurant ..., M. Olivier H, demeurant ..., M. Régis G, demeurant ..., M. Paul C, demeurant ... ; l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2007 du ministre de la santé et des solidarités modifiant l'arrêté du 22 février 1990 et classant les plantes tabernanthe iboga et tabernanthe manii parmi les stupéfiants ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 306054, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 30 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION ADAMUS, dont le siège est Pré Moulinet à Saint-Laurent-le-Minier (30440) et Mme Christine A, demeurant ... ; l'ASSOCIATION ADAMUS et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 12 mars 2007 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 8 et 10 ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment ses articles 18 et 19 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2005-661 du 9 juin 2005 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu l'arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de l'ASSOCIATION ADAMUS et autre ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de l'ASSOCIATION ADAMUS et autre,

Considérant que les requêtes nos 305953 et 306954 sont dirigées contre le même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique : « Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 5132-74 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sont interdits, à moins d'autorisation expresse, la production, la mise sur le marché, l'emploi et, d'une manière générale, les opérations agricoles, artisanales, commerciales et industrielles relatifs aux substances ou préparations classées comme stupéfiantes, sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis de la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes, par arrêté du ministre chargé de la santé » ; qu'ainsi, le ministre de la santé était compétent pour inscrire sur la liste des substances stupéfiantes les plantes dénommées « Tabernanthe iboga » et « Tabernanthe manii », ainsi que l'ibogaïne, substance psychotrope présente dans ces plantes, ses isomères, esters, éthers et leurs sels ; qu'aucun principe non plus qu'aucune disposition n'imposait que l'arrêté attaqué fût signé par un autre ministre ; que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'incompétence qui entacherait l'arrêté du 22 février 1990 dans sa version initiale ne peut qu'être écarté, dès lors que l'arrêté attaqué complète la liste annexée à cet arrêté mais n'est pas pris pour son application ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 que le directeur général de la santé, nommé par décret du 31 mars 2005, avait qualité pour signer au nom du ministre de la santé et des solidarités l'arrêté attaqué ;

Sur la légalité interne de la décision de classement :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les plantes « Tabernanthe iboga » et « Tabernanthe manii », connues sous le nom d'iboga, produisent des effets psychotropes sur l'homme lorsque, sous forme de racine râpée ou en lamelles, elles sont consommées à des fins stimulantes ou dans le cadre de pratiques du rite africain « Bwiti » ; que, pour classer ces plantes comme stupéfiants, le ministre de la santé, citant les travaux d'experts, justifie également que la consommation d'extrait total de racines d'iboga peut aboutir à des convulsions, une paralysie et finalement un arrêt respiratoire, plusieurs décès intervenus en Europe ou aux Etats Unis survenus plus de vingt heures après la prise d'iboga, pouvant être dus aux effets de l'ibogaïne, seule ou associée à d'autres substances chimiques, stupéfiants ou psychotropes ; que les pièces du dossier établissent également que la consommation d'iboga entraîne des troubles digestifs précoces et intenses accompagnés de vertiges, sueurs, tremblements et ataxie, suivis d'hallucinations visuelles et auditives ; que l'ibogaïne présente dans l'iboga peut occasionner des complications cardio-vasculaires telles que l'augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, ainsi que des effets bradycardisants ; que l'enquête diligentée par le réseau des centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance à la demande de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé établit enfin que l'iboga, par sa composition, présente des effets psycho-actifs et un risque d'abus et de dépendance avéré, qu'elle entraîne des effets somatiques importants et qu'elle est neurotoxique chez l'animal ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en classant les plantes « Tabernanthe iboga » et « Tabernanthe manii » au nombre des stupéfiants, le ministre chargé de la santé a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, d'autre part, que si les requérants font valoir qu'en rendant illégal l'usage de l'iboga, élément central des cérémonies liées au rite « Bwiti », l'arrêté attaqué porte atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie tant par la Constitution que par l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 18 et 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ces atteintes ne sont ni excessives ni disproportionnées au regard des préoccupations de santé publique rappelées ci-dessus ;

Considérant, enfin, que l'arrêté attaqué n'ayant pas pour objet de définir les éléments constitutifs d'une infraction pénale, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, les requêtes de l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE et autres et de l'ASSOCIATION ADAMUS et autre doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE et autres et de l'ASSOCIATION ADAMUS et autre sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION SAVOIRS D'AFRIQUE, à M. Pascal B, à M. Alain E, à M. Eric D, à M. Stéphane F, à M. Olivier H, à M. Régis G, à M. Paul C, à l'ASSOCIATION ADAMUS, à Mme Christine A et à la ministre de la santé et des sports.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 305953
Date de la décision : 20/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2009, n° 305953
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Christine Grenier
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:305953.20090320
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