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29/05/2009 | FRANCE | N°310418

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 29 mai 2009, 310418


Vu le pourvoi, enregistré le 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Marie-Rose B, épouse A, demeurant chez M. Melelas A, ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, d'une part, l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 22 septembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 200

5 décidant sa reconduite à la frontière, ensemble la décision du même jo...

Vu le pourvoi, enregistré le 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Marie-Rose B, épouse A, demeurant chez M. Melelas A, ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, d'une part, l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 22 septembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2005 décidant sa reconduite à la frontière, ensemble la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif et l'arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour provisoire et de réexaminer sous un délai de 3 mois sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Stéphane Hoynck, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de Mme A ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité haïtienne, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français ; qu'elle a fait l'objet, en application des dispositions précitées, d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis de reconduite à la frontière en date du 22 septembre 2005 ; que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande dirigé contre cet arrêté ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif et l'arrêté préfectoral ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme Marie-Rose B a épousé M. A en 2002 après trente années de vie commune en Haïti ; que les deux époux sont entrés en France en novembre de la même année, et que M. A y a obtenu en avril 2003 une carte de résident en qualité d'ascendant de français ; que ce dernier est âgé de quatre-vingt-trois ans et malade, et que si l'avis du médecin inspecteur de santé publique sollicité par le préfet, en date du 10 mars 2005, énonce que l'état de santé de M. A ne nécessite pas l'aide d'une tierce personne, cette appréciation est contredite par celle des praticiens assurant le suivi de l'intéressé, et dont les attestations sont de nature à être prises en considération alors même qu'elles sont postérieures à l'arrêté attaqué ; que dans ces circonstances, en jugeant, après avoir relevé que la requérante peut bénéficier du regroupement familial, que l'arrêté préfectoral litigieux ne portait pas au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Mme A est ainsi fondée à demander l'annulation de son arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2005 porte une atteinte excessive au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale ; que par suite cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions présentées par Mme A aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision annule le jugement rejetant le recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A et non pas contre une décision refusant de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire ; qu'ainsi l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ses motifs n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, les conclusions de la demande de Mme A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant toutefois qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prescrire au préfet de Seine-Saint-Denis de se prononcer sur la situation de Mme A dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées par Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A au titre des frais exposés par elle, tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 juin 2007 de la cour administrative d'appel de VERSAILLES est annulé.

Article 2 : Le jugement du 22 septembre 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis en date du 22 septembre 2005 sont annulés.

Article 3 : Le préfet de Seine-Saint-Denis se prononcera sur la situation de Mme A dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Rose A, au préfet de Seine-Saint-Denis et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 310418
Date de la décision : 29/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2009, n° 310418
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Schrameck
Rapporteur ?: M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:310418.20090529
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