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23/06/2009 | FRANCE | N°328678

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 juin 2009, 328678


Vu 1), sous le n° 328678, la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, dont le siège est B.P. 48 à Pernes les Fontaines (84210), représentée par son mandataire désigné ; l'ASSOCIATION PROMOUVOIR demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 2 juin 2009 de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa

d'exploitation au film Antichrist avec interdiction aux mineurs de seize ...

Vu 1), sous le n° 328678, la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, dont le siège est B.P. 48 à Pernes les Fontaines (84210), représentée par son mandataire désigné ; l'ASSOCIATION PROMOUVOIR demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 2 juin 2009 de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist avec interdiction aux mineurs de seize ans, ou, à titre subsidiaire, de suspendre certains effets de cette décision en subordonnant la poursuite de la projection du film au retrait des scènes les plus choquantes;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'urgence résulte de la violence extrême de plusieurs scènes du film, mêlant mutilation sexuelle et scènes de sexe non simulées ; que ce film est déjà diffusé dans plus d'une centaine de salles en France ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa d'exploitation; qu'en effet elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; que les dispositions de cette loi n'ont pas pour objet de protéger les seuls mineurs mais également de refuser toute aide de l'État à des films pornographiques ou d'incitation à la violence ; que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulées et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ; qu'à tout le moins le visa aurait dû être assorti d'un avertissement ; que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 227-24 du code pénal ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2009, présenté par la ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet de la requête; la ministre soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le visa délivré n'affecte pas les intérêts des mineurs de seize à dix-huit ans, puisqu'il autorise seulement la diffusion du film en salles et ne le rend donc pas accessible directement aux mineurs ; que le film a fait l'objet d'un degré élevé d'information quant à sa nature et son contenu ; que le nombre de spectateurs pour ce film est limité et circonscrit à un public de cinéphiles ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence mentionnés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film violent au sens de ces dispositions ; que la seule présence de scènes de sexe ou de violence ne saurait justifier un tel classement ; que ce classement est exclu pour les films présentant une dimension esthétique ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la possibilité prévue à l'article 3-1 du décret du 23 février 1990 doit être utilisée dans le respect du principe de proportionnalité ; que les scènes de sexe et de violence sont brèves et peu nombreuses ; que la décision d'interdiction n'avait pas à être assortie d'un avertissement, dès lors que le public du film est constitué de cinéphiles et a été averti par la communication qui a entouré le film ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article 227-24 du code pénal ; qu'elle concilie les exigences de la liberté d'expression avec celles de l'ordre public, en tenant compte de l'évolution des moeurs et de la société ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour la société SLOT MACHINE, qui conclut au rejet de la requête; elle soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le film Antichrist est diffusé depuis le 3 juin 2009, que sa sortie en salles avait été annoncée et était attendue dès sa présentation au festival de Cannes le 18 mai 2009 ; que la requête de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR a été déposée plusieurs jours après la sortie en salles, alors que la fréquentation prévisible d'un film ayant obtenu un prix dans le cadre du festival de Cannes est plus forte dans les premiers jours ; qu'il s'agit d'un film d'auteur, dont le public est limité, et dont la fréquentation a baissé la deuxième semaine d'exploitation par rapport à la première ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit statué sur la requête au fond dans les plus brefs délais ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa d'exploitation ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence visés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film incitant à la violence au sens de ces dispositions ; que les scènes de sexualité ne sont ni nombreuses ni longues, qu'elles s'inscrivent dans une démarche esthétique et d'illustration d'un sentiment de culpabilité maternelle ; que les scènes de violence, qui ne sont jamais gratuites et s'inscrivent dans une démarche esthétique, ne peuvent être considérées comme des scènes incitant à la violence ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la commission de classification des oeuvres cinématographiques a émis un avis selon lequel le film devait être interdit aux mineurs de moins de seize ans ; que les scènes de sexualité et de violence ne sont ni longues ni nombreuses et ne mettent pas en scène des adolescents ; qu'il n'existe aucun risque d'imitation, dès lors que le film ne s'adresse pas à un jeune public ; que le film comporte une dimension esthétique et que la mise en scène révèle l'intention artistique de l'auteur du film, qui ne saurait être réduit à une succession de scènes choquantes ; que les scènes litigieuses sont destinées à montrer la douleur éprouvée par les personnages et ne s'enchaînent pas sans signification ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 18 juin 2009, présenté par l'Union départementale des associations familiales du Rhône, dont le siège est 12 bis rue Jean-Marie Chavant à Lyon Cedex 07 (69361), représentée par sa présidente en exercice ; l'Union départementale des associations familiales du Rhône demande au juge des référés du Conseil d'État d'une part d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist , d'autre part d'enjoindre à l'État, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative de prendre toute mesure pour assurer le retrait du film des salles ; elle soutient que son objet social, la défense des intérêts matériels et moraux des familles, lui donne qualité pour intervenir ; que l'urgence est constituée par le fait que le film est déjà distribué dans de nombreuses salles, sans être assorti d'un avertissement ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée; qu'elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulées et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 juin 2009, présenté pour l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; elle soutient en outre que la requête en référé a été déposée dans les plus brefs délais possibles ; que l'urgence est constituée, dès lors que le film reste diffusé dans plus d'une centaine de salles ; que l'avis rendu par la commission de classification des oeuvres cinématographiques est contestable et la décision qui le reprend inadaptée ; que la circonstance que le film ait été primé dans le cadre du festival de Cannes accentue l'urgence qu'il y a à en suspendre l'exploitation ; que le classement d'un film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence doit s'effectuer dès qu'il comporte des scènes pornographiques ou d'incitation à la violence, sans considération de la mise en scène ou de la dimension esthétique de celui-ci ; que l'interdiction du film aux mineurs de moins de dix-huit ans est justifiée par son climat malsain, et la violence et la crudité de plusieurs de ses scènes ; que l'absence d'interdiction aux mineurs de moins de dix-huit ans serait de nature à constituer une méconnaissance de l'article 227-24 du code pénal ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2009, présenté pour la ministre de la culture et de la communication, qui reprend les conclusions de son mémoire en défense, et demande en outre au juge des référés du Conseil d'État de mettre à la charge de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 19 juin 2009, présenté par le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine, dont le siège est 32 rue des perdreaux BP 70261 à Strasbourg Cedex 1 (67021), représentée par son délégué général ; le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine déclare s'associer aux conclusions de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, de l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE et de l'union départementale des associations familiales du Rhône ; il soutient que son objet social lui donne qualité pour intervenir ; que l'urgence est constituée par le fait que le film est déjà distribué dans de nombreuses salles, sans être assorti d'un avertissement ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulé et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2009, présenté pour la société SLOT MACHINE, qui conclut à la non admission de l'intervention de l'Union départementale des associations familiales du Rhône ; elle soutient que l'Union nationale des associations familiales était représentée à la commission de classification des oeuvres cinématographiques et n'a pas proposé l'interdiction du film Antichrist aux mineurs de moins de dix-huit ans ;

Vu 2), sous le n° 328770, la requête, enregistrée le 10 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE, dont le siège est 48 rue de la charité à Lyon (69002), représentée par sa présidente en exercice habilitée ; l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist ;

2°) d'enjoindre à l'État, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative de prendre toute mesure pour assurer le retrait du film des salles ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'urgence résulte de la cruauté et de la violence perverse de plusieurs scènes du film et de sa diffusion dans plus d'une centaine de salles en France ; que ce film a fait l'objet d'une publicité particulièrement large ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa ; que le film comporte de nombreuses scènes pornographiques et de nombreuses scènes de très grande violence, qui véhiculent un message de mépris et de haine à l'égard des femmes et qui sont susceptibles d'avoir un impact sur les mineurs ; que la ministre, faute de classer le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence mentionnés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, a méconnu les dispositions de ces articles ainsi que celles de l'article 227-24 du code pénal ; que la décision contestée méconnaît les dispositions du décret du 12 juillet 2001, en ne faisant pas usage de la possibilité d'interdire la diffusion du film aux mineurs de dix-huit ans qui est ouverte pour la protection de l'ordre public et la protection de la jeunesse, sans que puisse être prise en considération la dimension artistique du film ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2009, présenté par la ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet de la requête; la ministre soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le visa délivré n'affecte pas les intérêts des mineurs de seize à dix-huit ans, puisqu'il autorise seulement la diffusion du film en salles et ne le rend donc pas accessible directement aux mineurs ; que le film a fait l'objet d'un degré élevé d'information quant à sa nature et son contenu ; que le nombre de spectateurs pour ce film est limité et circonscrit à un public de cinéphiles ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence mentionnés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film violent au sens de ces dispositions ; que la seule présence de scènes de sexe ou de violence ne saurait justifier un tel classement ; que ce classement est exclu pour les films présentant une dimension esthétique ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la possibilité prévue à l'article 3-1 du décret du 23 février 1990 doit être utilisée dans le respect du principe de proportionnalité ; que les scènes de sexe et de violence sont brèves et peu nombreuses ; que la décision d'interdiction n'avait pas à être assortie d'un avertissement, dès lors que le public du film est constitué de cinéphiles et a été averti par la communication qui a entouré le film ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article 227-24 du code pénal ; qu'elle concilie les exigences de la liberté d'expression avec celles de l'ordre public, en tenant compte de l'évolution des moeurs et de la société ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour la société SLOT MACHINE, qui conclut au rejet de la requête; elle soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le film Antichrist est diffusé depuis le 3 juin 2009, que sa sortie en salles avait été annoncée et était attendue dès sa présentation au festival de Cannes le 18 mai 2009 ; que la requête de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR a été déposée plusieurs jours après la sortie en salles, alors que la fréquentation prévisible d'un film ayant obtenu un prix dans le cadre du festival de Cannes est plus forte dans les premiers jours ; qu'il s'agit d'un film d'auteur, dont le public est limité, et dont la fréquentation a baissé la deuxième semaine d'exploitation par rapport à la première ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit statué sur la requête au fond dans les plus brefs délais ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa d'exploitation ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence visés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film incitant à la violence au sens de ces dispositions ; que les scènes de sexualité ne sont ni nombreuses ni longues, qu'elles s'inscrivent dans une démarche esthétique et d'illustration d'un sentiment de culpabilité maternelle ; que les scènes de violence, qui ne sont jamais gratuites et s'inscrivent dans une démarche esthétique, ne peuvent être considérées comme des scènes incitant à la violence ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la commission de classification des oeuvres cinématographiques a émis un avis selon lequel le film devait être interdit aux mineurs de moins de seize ans ; que les scènes de sexualité et de violence ne sont ni longues ni nombreuses et ne mettent pas en scène des adolescents ; qu'il n'existe aucun risque d'imitation, dès lors que le film ne s'adresse pas à un jeune public ; que le film comporte une dimension esthétique et que la mise en scène révèle l'intention artistique de l'auteur du film, qui ne saurait être réduit à une succession de scènes choquantes ; que les scènes litigieuses sont destinées à montrer la douleur éprouvée par les personnages et ne s'enchaînent pas sans signification ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 18 juin 2009, présenté par l'Union départementale des associations familiales du Rhône, dont le siège est 12 bis rue Jean-Marie Chavant à Lyon Cedex 07 (69361), représentée par sa présidente en exercice ; l'Union départementale des associations familiales du Rhône demande au juge des référés du Conseil d'État d'une part d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist , d'autre part d'enjoindre à l'État, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative de prendre toute mesure pour assurer le retrait du film des salles ; elle soutient que son objet social, la défense des intérêts matériels et moraux des familles, lui donne qualité pour intervenir ; que l'urgence est constituée par le fait que le film est déjà distribué dans de nombreuses salles, sans être assorti d'un avertissement ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée; qu'elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulées et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 19 juin 2009, présenté par le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine, dont le siège est 32 rue des perdreaux BP 70261 à Strasbourg Cedex 1 (67021), représentée par son délégué général ; le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine déclare s'associer aux conclusions de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, de l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE et de l'union départementale des associations familiales du Rhône ; il soutient que son objet social lui donne qualité pour intervenir ; que l'urgence est constituée par le fait que le film est déjà distribué dans de nombreuses salles, sans être assorti d'un avertissement ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulé et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'industrie cinématographique ;

Vu le code pénal, notamment son article 227-24 ;

Vu la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 ;

Vu le décret n° 90-174 du 23 février 1990 modifié par le décret n° 2001-618 du 12 juillet 2001 et par le décret n° 2003-1163 du 4 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE et, d'autre part, le ministre de la culture et de la communication et la société Slot Machine ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 22 juin 2009 à 10h au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la ministre de la culture et de la communication ;

- Me Boutet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la société SLOT MACHINE ;

- la représentante de l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE ;

- les représentants de la ministre de la culture et de la communication ;

- la représentante la société SLOT MACHINE ;

Considérant que les requêtes de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR et de l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE tendent toutes deux à ce que soit suspendue l'exécution de la décision de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

Sur les interventions de l'Union départementale des associations familiales du Rhône et du Comité protestant évangélique pour la dignité humaine :

Considérant que l'Union départementale des associations familiales du Rhône et le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine ont intérêt à la suspension de l'exécution de la décision attaquée ; que la circonstance, invoquée par la société SLOT MACHINE, que l'Union nationale des associations familiales, composée notamment, en vertu de l'article L. 211-5 du code de l'action sociale et des familles, des unions départementales des associations familiales, soit membre de la Commission de classification des oeuvres cinématographiques et que son représentant ait participé à la séance à l'issue de laquelle cette commission a rendu son avis en vue de l'octroi du visa d'exploitation au film Antichrist sans manifester à cette occasion son opposition à une interdiction aux seuls mineurs de seize ans, est sans incidence sur l'intérêt dont se prévaut l'Union départementale des associations familiales du Rhône ; qu'ainsi les deux interventions susmentionnées sont recevables ;

Sur les conclusions des requêtes :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la ministre de la culture et de la communication a délivré, en date du 2 juin 2009, après avis de la Commission de classification des oeuvres cinématographiques, un visa d'exploitation avec interdiction aux mineurs de seize ans au film Antichrist réalisé par Lars Von Trier et produit par la société SLOT MACHINE ; que l'exploitation en salle de ce film a débuté le 3 juin 2009 et se poursuit à la date de la présente ordonnance ; que les associations requérantes soutiennent que, compte tenu des scènes de sexe non simulées et des scènes de violence qu'il contient, ce film, qui entre dans les prévisions de l'article 227-24 du code pénal, présente un caractère pornographique et d'incitation à la violence qui imposait son inscription sur la liste des films soumis aux dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976, ou à tout le moins son interdiction aux mineurs de dix-huit ans, en application des dispositions de l'article 3-1 du décret modifié du 23 février 1990 pris pour l'application des articles 19 à 22 du code de l'industrie cinématographique et relatif à la classification des oeuvres cinématographiques, ainsi qu'un avertissement au public tel que prévu à l'article 4 de ce décret ;

Considérant toutefois que si le film comporte quelques scènes de sexe non simulées et quelques scènes de violence entre les deux personnages principaux, ces scènes sont concentrées à la fin du film, d'une très faible durée par rapport à la durée totale de ce film, présentées en noir et blanc dans une atmosphère qui en relativise la portée, et ne constituent pas le thème principal du film ; que d'ailleurs il ressort des pièces du dossier et des observations présentées à l'audience qu'aucun membre de la Commission de classification des oeuvres cinématographiques n'a exprimé l'avis que ce film devrait faire l'objet d'une interdiction aux mineurs de dix-huit, ni, a fortiori, qu'il devrait être regardé comme présentant un caractère pornographique ; que par suite le moyen tiré de ce que la ministre aurait commis une erreur d'appréciation en ne retenant qu'une interdiction aux mineurs de seize ans n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que la ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'assortissant pas le visa d'exploitation d'un avertissement au public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative serait remplie, les conclusions des requêtes à fin de suspension doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent l'ASSOCIATION PROMOUVOIR et l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ministre de la culture et de la communication sur le fondement des mêmes dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions de l'Union départementale des associations familiales du Rhône et du Comité protestant évangélique pour la dignité humaine sont admises.

Article 2 : Les requêtes de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR et de l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE sont rejetées, ainsi que les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, à l'ASSOCIATION ACTION POUR LA DIGNITE HUMAINE, à l'Union départementale des associations familiales du Rhône, au Comité protestant évangélique pour la dignité humaine, à la société SLOT MACHINE et à la ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 328678
Date de la décision : 23/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2009, n° 328678
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Christophe Chantepy
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BOUTET ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:328678.20090623
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