Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL CFDT, dont le siège est 4 boulevard de la Villette à Paris Cedex 19 (75955), représentée par son secrétaire général adjoint, la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL CGT, dont le siège est 263 rue de Paris à Montreuil (93516), représentée par M. A, membre du bureau fédéral, la CONFEDERATION FRANCAISE DE L'ENCADREMENT CFE-CGC, dont le siège est 59-63 rue du Rocher à Paris (75008), représentée par son président, la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE CGT-FO, dont le siège est 141 avenue du Maine à Paris Cedex 14 (75680), représentée par son secrétaire général, la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS CFTC, dont le siège est 13 rue des Ecluses Saint-Martin à Paris Cedex 10 (75483), représentée par son président, et la FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, dont le siège est 47 rue des Alliés à Saint-Etienne Cedex 2 (42030), représentée par son secrétaire général ; la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2007-1754 du 13 décembre 2007 révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, en tant qu'il institue un temps de latence, ou dans sa totalité s'il est considéré comme indivisible ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des organisations requérantes de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL et autres,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL et autres ;
Considérant qu'aux termes des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau./ Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime./ Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (...) ; qu'en vertu de l'article L. 461-2 du même code : Des tableaux annexés aux décrets énumèrent les manifestations morbides d'intoxications aiguës ou chroniques présentées par les travailleurs exposés d'une façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par lesdits tableaux, qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents. Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelle./ Des tableaux spéciaux énumèrent les infections microbiennes mentionnées qui sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été occupées d'une façon habituelle aux travaux limitativement énumérés par ces tableaux./ D'autres tableaux peuvent déterminer des affections présumées résulter d'une ambiance ou d'attitudes particulières nécessitées par l'exécution des travaux limitativement énumérés (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les conditions qui définissent, en application du deuxième alinéa de l'article L. 461-1, la manière dont sont contractées les maladies, et qui sont susceptibles de figurer à ce titre dans les tableaux qui désignent les maladies présumées d'origine professionnelle, ne peuvent légalement porter que sur le délai maximum de constatation d'une maladie, la durée d'exposition ou la liste limitative des travaux à même de provoquer une maladie ; que ces conditions ne sauraient, par ailleurs, méconnaître le principe de présomption d'imputabilité posé par le premier alinéa de l'article L. 461-2 ;
Considérant que les dispositions de l'article 1er du décret attaqué, qui introduit en annexe du livre IV du code de la sécurité sociale un tableau n° 61 bis relatif au cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières ou de fumées renfermant du cadmium, posent, outre les trois conditions rappelées ci-dessus, celle d'un temps écoulé depuis le début de l'exposition de vingt ans pour que cette maladie puisse être présumée d'origine professionnelle ; que cette condition, qui ne porte ni sur le délai maximum de constatation du cancer broncho-pulmonaire, ni sur la durée d'exposition au cadmium, ni sur les travaux à même de provoquer la maladie, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; qu'au demeurant, en soumettant la reconnaissance de l'imputation à l'exposition au cadmium du cancer broncho-pulmonaire à l'existence d'un certain délai avant la survenue de la maladie, cette condition méconnaît également le principe de présomption d'imputabilité posé par l'article L. 461-2 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, les organisations requérantes sont fondées à demander l'annulation du décret litigieux en tant qu'il comporte, dans la partie du tableau relative au délai de prise en charge, les mots : et d'un temps écoulé depuis le début de l'exposition de vingt ans ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des organisations requérantes d'une somme de 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le décret attaqué est annulé en tant qu'il comporte, dans la partie du tableau relative au délai de prise en charge, les mots : et d'un temps écoulé depuis le début de l'exposition de vingt ans .
Article 2 : L'Etat versera à la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL CGT, à la CONFEDERATION FRANCAISE DE L'ENCADREMENT CFE-CGC, à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL FORCE OUVRIERE CGT-FO, à la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS CFTC et à la FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE la somme de 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, premier requérant dénommé, au Premier ministre, à la ministre de la santé et des sports et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.