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17/03/2010 | FRANCE | N°336710

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mars 2010, 336710


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 février et 8 mars 2010, présentés par M. Christophe A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la délibération du conseil d'administration de la société France Télévisions du 3 février 2010 mandatant son président-directeur général pour ouvrir des négociations exclusives avec le consortium formé de la Fin

ancière LOV et de Publicis pour la privatisation partielle de la société Franc...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 février et 8 mars 2010, présentés par M. Christophe A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la délibération du conseil d'administration de la société France Télévisions du 3 février 2010 mandatant son président-directeur général pour ouvrir des négociations exclusives avec le consortium formé de la Financière LOV et de Publicis pour la privatisation partielle de la société France Télévisions Publicité ;

2°) d'enjoindre à France Télévisions de produire cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de France Télévisions le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il a intérêt à agir en tant qu'usager du service public de la télévision, assujetti à la redevance audiovisuelle, et qu'il est dans l'impossibilité matérielle et juridique de produire la décision attaquée ; que la condition d'urgence est remplie, dès lors que les négociations avec le consortium ont débuté et qu'il est gravement porté atteinte à l'indépendance et à la mission de service public de France Télévisions ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle méconnaît le principe de libre concurrence, dès lors que seul le président de Publicis a été reçu par le président-directeur général de France Télévisions, que le ministre de l'économie et des finances aurait donné des informations exclusives au consortium et que la privatisation litigieuse suscite des conflits d'intérêts qui ne peuvent être résolus ; que le contrat de régie du 31 juillet 2009 aurait dû être passé après une procédure d'appel d'offre, dès lors que France Télévisions Publicités amorçait sa privatisation partielle ; qu'il est porté atteinte aux intérêts du service public, dans la mesure où le prix de valorisation sur la base duquel a été prise la délibération est sans commune mesure avec la juste valeur de la société et où les recettes publicitaires seront reversées à hauteur de 70 % à une entreprise privée ; que la décision a été prise de manière précipitée, alors que l'avenir du contexte législatif et règlementaire est incertain ; que les membres du conseil d'administration de France Télévisions n'ont pu prendre une décision éclairée par une information suffisante ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la délibération contestée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2010, présenté pour la société France Télévisions qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la juridiction administrative est incompétente, son conseil d'administration n'ayant pas agi dans le cadre de ses missions de service public, ni mis en oeuvre aucune prérogative de puissance publique ; que la requête est irrecevable, la décision contestée ne mettant pas en cause de manière directe l'intérêt du requérant en tant qu'usager du service public et ayant le caractère d'une mesure préparatoire qui ne fait pas grief ; que l'urgence n'est pas constatée, dès lors que l'ouverture de négociations ne porte pas atteinte à un intérêt public ou privé ; qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision ; que le respect du principe d'égalité n'exclut pas que des négociations soient engagées avec l'un des candidats, dont la sélection est issue d'un processus ouvert et transparent ; que la délibération contestée ne permettant que l'ouverture de négociations, aucune atteinte à la concurrence ne peut être établie ; qu'elle n'a aucune incidence sur les relations financières et commerciales entre France Télévisions et France Télévisions Publicité ni, a fortiori, sur les conditions d'affectation du produit de la redevance audiovisuelle ; que le moyen tiré du manque d'information des membres du conseil d'administration n'est pas non plus fondé ; que l'absence d'analyse de distorsions potentielles de concurrence ne peut être invoqué, dès lors que la décision n'a pour effet que de permettre l'engagement de négociations ; qu'enfin, la délibération est sans rapport avec le contrat de régie entre France Télévisions et France Télévisions Publicité et n'a pas fixé de prix de cession, ce qui ne peut être fait que par le décret de privatisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, la société France Télévisions ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 15 mars 2010 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- M. A ;

- la représentante de M. A ;

- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de France Télévisions ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 : La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

Considérant que, par la délibération contestée, le conseil d'administration de la société France Télévisions, dont l'Etat détient directement la totalité du capital en vertu de l'article 47 de la loi du 30 septembre 1986, a mandaté son président-directeur général pour ouvrir des négociations exclusives avec un consortium formé de deux sociétés, en vue de la cession de 70% de sa participation dans le capital de la société France Télévisions Publicité, qui assure sa régie publicitaire ; que cette délibération ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique ; que, si les décisions de France Télévisions qui affectent la garantie de ses ressources, lesquelles constituent un élément essentiel pour assurer la réalisation de ses missions de service public, touchent à l'organisation même du service public et relèvent à ce titre de la compétence de la juridiction administrative, tel n'est pas le cas des autres décisions que prend cette personne morale de droit privé, notamment de la délibération contestée qui est, par elle-même, sans incidence sur le financement de la société France Télévisions non plus que, de manière générale, sur l'organisation du service public dont elle a la charge ; qu'ainsi, la contestation de cette délibération, qui n'a pas le caractère d'un acte administratif, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. A ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société France Télévisions ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société France Télévisions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Christophe A et à la société France Télévisions.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 336710
Date de la décision : 17/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRÔLE ADMINISTRATIF SUR UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PRIVÉ - DÉLIBÉRATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION D'UNE SOCIÉTÉ PRIVÉE - DÉCISION DE LA SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISIONS DE MANDATER SON PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL POUR OUVRIR DES NÉGOCIATIONS EN VUE DE LA CESSION DE SA PARTICIPATION DANS LE CAPITAL DE LA SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISIONS PUBLICITÉ - DÉCISION NE METTANT PAS EN OEUVRE DE PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE ET NE TOUCHANT PAS À L'ORGANISATION MÊME DU SERVICE PUBLIC - INCOMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE [RJ1].

17-03-02-09 Le conseil d'administration de la société France Télévisions, dont l'Etat détient directement la totalité du capital en vertu de l'article 47 de la loi du 30 septembre 1986, a mandaté son président-directeur général pour ouvrir des négociations exclusives avec un consortium formé de deux sociétés, en vue de la cession de 70% de sa participation dans le capital de la société France Télévisions Publicité, qui assure sa régie publicitaire. Une telle délibération ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique. Si les décisions de France Télévisions qui affectent la garantie de ses ressources, lesquelles constituent un élément essentiel pour assurer la réalisation de ses missions de service public, touchent à l'organisation même du service public et relèvent à ce titre de la compétence de la juridiction administrative, tel n'est pas le cas des autres décisions que prend cette personne morale de droit privé, notamment de la délibération contestée qui est, par elle-même, sans incidence sur le financement de la société France Télévisions non plus que, de manière générale, sur l'organisation du service public dont elle a la charge. Par suite, la contestation de cette délibération, qui n'a pas le caractère d'un acte administratif, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative.

RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION - SERVICES PRIVÉS DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TÉLÉVISION - SERVICES DE TÉLÉVISION - SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISIONS - DÉCISION DE SON CONSEIL D'ADMINISTRATION DE MANDATER SON PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL POUR OUVRIR DES NÉGOCIATIONS EN VUE DE LA CESSION DE SA PARTICIPATION DANS LE CAPITAL DE LA SOCIÉTÉ FRANCE TÉLÉVISIONS PUBLICITÉ - DÉCISION NE METTANT PAS EN OEUVRE DE PRÉROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE ET NE TOUCHANT PAS À L'ORGANISATION MÊME DU SERVICE PUBLIC - INCOMPÉTENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE [RJ1].

56-04-03 Le conseil d'administration de la société France Télévisions, dont l'Etat détient directement la totalité du capital en vertu de l'article 47 de la loi du 30 septembre 1986, a mandaté son président-directeur général pour ouvrir des négociations exclusives avec un consortium formé de deux sociétés, en vue de la cession de 70% de sa participation dans le capital de la société France Télévisions Publicité, qui assure sa régie publicitaire. Une telle délibération ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique. Si les décisions de France Télévisions qui affectent la garantie de ses ressources, lesquelles constituent un élément essentiel pour assurer la réalisation de ses missions de service public, touchent à l'organisation même du service public et relèvent à ce titre de la compétence de la juridiction administrative, tel n'est pas le cas des autres décisions que prend cette personne morale de droit privé, notamment de la délibération contestée qui est, par elle-même, sans incidence sur le financement de la société France Télévisions non plus que, de manière générale, sur l'organisation du service public dont elle a la charge. Par suite, la contestation de cette délibération, qui n'a pas le caractère d'un acte administratif, ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative.


Références :

[RJ1]

Comp. 11 février 2010, Mme Borvo et autres, n°s 324233 324407, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2010, n° 336710
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:336710.20100317
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