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31/03/2010 | FRANCE | N°337007

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 31 mars 2010, 337007


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 février 2010, présentée par M. Mohamed A, élisant domicile chez Mme B, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 21 octobre 2009 du consul général de France à Tunis (Tunisie),

lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissa...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 février 2010, présentée par M. Mohamed A, élisant domicile chez Mme B, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 21 octobre 2009 du consul général de France à Tunis (Tunisie), lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le visa sollicité ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de visa, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

il soutient que l'urgence est caractérisée, dès lors que les époux sont séparés, que son épouse souffre d'un handicap rendant indispensable sa présence à ses côtés et qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour se rendre régulièrement en Tunisie ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle est insuffisamment motivée ; que la communauté de vie est réelle et qu'il n'y ni menace à l'ordre public, ni fraude ; que la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la vie familiale est réelle et sincère et que M. A contribue à l'entretien de la famille ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le juge des référés ne peut enjoindre à l'administration de procéder à la délivrance du visa sollicité ; qu'il n'existe pas de doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; que la décision du 21 octobre 2009 expose clairement les motifs ayant justifié le refus de visa ; que par un jugement du 19 mars 2009, revêtu de l'autorité de chose jugée, le tribunal administratif de Versailles a retenu l'absence de communauté de vie entre les époux et que M. A n'apporte aucun élément établissant la communauté de vie avec son épouse depuis cette date ; que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'union matrimoniale n'est pas sincère ; que M. A n'établissant pas participer à l'entretien de son fils, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ; que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors que M. A ne justifie pas d'un préjudice grave et immédiat résultant de la durée de la séparation des époux ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 mars 2010, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire et produit de nouvelles pièces ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 30 mars 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A;

- Mme B ;

- le représentant du ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, s'est marié en France le 3 février 2007, avec une ressortissante française ; que, pour justifier le refus opposé à sa demande de visa au motif du caractère insincère de ce mariage, l'administration se borne à soutenir que le requérant ne produit aucune pièce établissant la réalité du mariage depuis que le tribunal administratif de Versailles a, par jugement du 19 mars 2009 revêtu de l'autorité de chose jugée, relevé l'absence de communauté de vie entre les époux ; que cependant, d'une part, ainsi qu'il a été soutenu à l'audience de référé, ce jugement statuant sur un recours dirigé contre un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'est pas, en l'absence d'identité d'objet, revêtu de l'autorité de la chose jugée à l'égard du présent recours, dirigé contre une décision de refus de visa ; que d'autre part, les éléments produits par M. A en vue d'établir la réalité et la sincérité de l'union sont, en l'état de l'instruction et alors qu'aucune action en nullité du mariage n'a été engagée, propres à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé des motifs de la décision de refus de visa ; qu'enfin, eu égard au délai de séparation des époux écoulé depuis la demande de visa, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours et qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration, non de délivrer le visa sollicité, mais de procéder à un nouvel examen de la demande de visa, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l'autorité administrative de réexaminer le recours de M. A, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4: La présente ordonnance sera notifiée à M. Mohamed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337007
Date de la décision : 31/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2010, n° 337007
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337007.20100331
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