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14/06/2010 | FRANCE | N°305671

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 14 juin 2010, 305671


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 6 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD, dont le siège est 27, Old Gloucester street, WC1N 3XX à Londres (Royaume-Uni) ; la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 19 décembre 2006 par laquelle le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement lui a opposé qu'elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la reconnaissance mutuelle des agrément

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 6 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD, dont le siège est 27, Old Gloucester street, WC1N 3XX à Londres (Royaume-Uni) ; la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 19 décembre 2006 par laquelle le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement lui a opposé qu'elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la reconnaissance mutuelle des agréments entre pays membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen en vue d'exercer l'activité de transfert de fonds et lui a indiqué que l'agrément comme établissement financier en France était notamment soumis à l'exigence d'un capital propre de 2,2 millions d'euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique ;

Vu la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006, reprenant la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après plusieurs échanges de courriers avec la société de droit suisse Osmose Finances, société de prestations financières, et sa filiale britannique, la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD, qui exerce une activité de transferts de fonds au Royaume-Uni, la Banque de France a indiqué à cette dernière société, par une lettre du 7 août 2006, que si elle pensait remplir les conditions pour bénéficier en tant qu'établissement financier de la reconnaissance mutuelle des agréments entre pays membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen pour exercer son activité en France au titre de la libre prestation de service, elle devait saisir l'autorité compétente du pays dans lequel elle était déjà agréée afin que celle-ci transmette à la France l'intention de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD, les textes ne prévoyant pas de notification par les établissements eux-mêmes ; que, saisi d'un recours contre cette lettre, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement a, le 19 décembre 2006, confirmé la réponse de la Banque de France au sujet de la reconnaissance mutuelle des agréments et indiqué à la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD qu'elle devait pour exercer l'activité de transfert de fonds depuis la France, à défaut de pouvoir bénéficier du régime de la libre prestation de services ou du libre établissement, engager une procédure d'agrément en tant qu'établissement financier en France ; que la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD conteste en ces deux aspects la position exprimée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et portée à sa connaissance par la Banque de France le 17 janvier 2007 ;

Considérant qu'en tant que le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement a refusé à MONEY CASH WORLDWIDE LTD le bénéfice de la reconnaissance mutuelle des agréments, la position exprimée par ce comité comporte une décision faisant grief ; que par suite, la fin de non recevoir opposée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi à la requête de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD doit être, sur ce point, écartée ; qu'en revanche la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD n'ayant pas présenté de demande d'agrément en France, les indications apportées par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement sur ce point se bornent à donner des renseignements et ne constituent pas une décision susceptible de recours ; que par suite, les conclusions dirigées contre cette partie de la lettre du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement sont irrecevables ;

Considérant, en premier lieu, qu'en application du code monétaire et financier, l'activité de transfert de fonds relève des opérations de gestion des moyens de paiement, lesquelles ne peuvent être exercées que par des établissements de crédit ou des établissements financiers habilités à intervenir en France ; que cette activité entre dès lors dans le champ d'application de la directive du 20 mars 2000 visée ci-dessus, et désormais reprise par la directive du 14 juin 2006 visée ci-dessus, concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice ; que l'activité de transfert de fonds pratiquée par la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD suppose que le client se rende à une agence de cette société pour y déposer des fonds et que le bénéficiaire du transfert aille dans une autre agence de cette société pour réceptionner les fonds, le cas échéant dans une autre monnaie que celle du dépôt ; que cette activité, si elle fait l'objet d'une promotion publicitaire par voie électronique, n'est pas exercée par la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD comme une prestation de service financier électronique, les paiements ne pouvant être effectués en ligne ; que, dès lors, la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD n'est pas fondée à soutenir que l'exercice de cette activité relèverait du champ d'application de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-23 du code monétaire et financier dans sa version applicable à la décision attaquée et relatif aux établissements financiers, catégorie dont la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD reconnaît relever : Dans la limite des services qu'il est habilité à fournir sur le territoire d'un Etat membre autre que la France où il a son siège social, tout établissement financier ayant obtenu des autorités compétentes de cet Etat membre une attestation certifiant qu'il remplit les conditions requises à cet effet par ces autorités peut, sur le territoire de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, établir des succursales pour fournir des services bancaires et intervenir en libre prestation de services (...) sous réserve que le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ait préalablement été informé par l'autorité compétente de l'Etat membre, dans des conditions fixées par le ministre chargé de l'économie. ; que cet article transpose les dispositions de l'article 21 de la directive du 20 mars 2000 et reprises désormais à l'article 28 de la directive du 14 juin 2006 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté par la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD que la procédure ainsi prévue et rappelée par la Banque de France puis par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement n'a pas été suivie par la société intéressée, celle-ci ayant notifié elle-même directement aux autorités françaises son intention de bénéficier de la reconnaissance mutuelle des agréments ; que, par suite et en tout état de cause, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ne pouvait, comme il l'a fait, qu'opposer à la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD ce constat pour faire obstacle à son intention d'exercer l'activité de transfert de fonds en France sur le fondement de la reconnaissance mutuelle des agréments ; qu'il s'en suit que le moyen tiré de ce que la société requérante remplissait les conditions lui permettant de bénéficer de la reconnaissance mutuelle pour l'exercice d'une activité de transfert de fonds posées par la directive du 20 mars 2000 ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société MONEY CASH WORLDWIDE LTD, au Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 305671
Date de la décision : 14/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAISSES D'ÉPARGNE ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS - ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS - SOCIÉTÉ DE TRANSFERT DE FONDS - 1) DROIT APPLICABLE - CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE 2006/48/CE DU 14 JUIN 2006 - INCLUSION - CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE 2000/31/CE DU 8 JUIN 2000 - EXCLUSION - 2) BÉNÉFICE DU DISPOSITIF DE RECONNAISSANCE MUTUELLE (ART - L - 511-23 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) - NÉCESSITÉ DE FOURNIR AU CECEI UNE ATTESTATION DES AUTORITÉS D'AGRÉMENT D'UN ETAT MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE - CONSÉQUENCE - IRRÉGULARITÉ À NOTIFIER DIRECTEMENT AU CECEI UNE DEMANDE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE SANS PASSER PAR LES AUTORITÉS DE L'ETAT MEMBRE.

13-05-02 1) L'activité de transfert de fonds rentre dans le champ d'application de la directive 2006/48/CE du 14 juin 2006, reprenant la directive 2000/12/CE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice. Société dont l'activité suppose que le client se rende à une agence de cette société pour y déposer des fonds et que le bénéficiaire du transfert aille dans une autre agence pour réceptionner les fonds, le cas échéant dans une autre monnaie que celle du dépôt. Cette activité, si elle fait l'objet d'une promotion publicitaire par voie électronique, n'est cependant pas exercée comme une prestation de service financier électronique, les paiements ne pouvant être effectués en ligne. Par suite, elle ne relève pas du champ d'application de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.,,2) L'article L. 511-23 du code monétaire et financier - qui transpose les dispositions qui sont actuellement à l'article 28 de la directive du 14 juin 2006 - permet à tout établissement financier d'exercer en France s'il a obtenu des autorités compétentes d'un Etat membre une attestation certifiant qu'il remplit les conditions requises pour fournir des services bancaires. Il est nécessaire, pour qu'une telle reconnaissance mutuelle puisse avoir lieu, que les autorités de l'Etat membre où l'établissement est déjà agréé soient saisies par l'établissement pour assurer l'information du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI). Ce dernier ne peut qu'opposer l'absence de cette formalité dans le cas où l'établissement a lui-même directement notifié aux autorités françaises son intention de bénéficier de la reconnaissance mutuelle des agréments.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉ DE CIRCULATION - LIBRE PRESTATION DE SERVICES - SERVICES FINANCIERS - ETABLISSEMENT DE CRÉDIT - 1) SOCIÉTÉ DE TRANSFERT DE FONDS - DROIT APPLICABLE - CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE 2006/48/CE DU 14 JUIN 2006 - INCLUSION - CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE 2000/31/CE DU 8 JUIN 2000 - EXCLUSION - 2) BÉNÉFICE DU DISPOSITIF DE RECONNAISSANCE MUTUELLE (ART - L - 511-23 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER) - NÉCESSITÉ DE FOURNIR AU CECEI UNE ATTESTATION DES AUTORITÉS D'AGRÉMENT D'UN ETAT MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE - CONSÉQUENCE - IRRÉGULARITÉ À NOTIFIER DIRECTEMENT AU CECEI UNE DEMANDE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE SANS PASSER PAR LES AUTORITÉS DE L'ETAT MEMBRE.

15-05-01-04 1) L'activité de transfert de fonds rentre dans le champ d'application de la directive 2006/48/CE du 14 juin 2006, reprenant la directive 2000/12/CE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice. Société dont l'activité suppose que le client se rende à une agence de cette société pour y déposer des fonds et que le bénéficiaire du transfert aille dans une autre agence pour réceptionner les fonds, le cas échéant dans une autre monnaie que celle du dépôt. Cette activité, si elle fait l'objet d'une promotion publicitaire par voie électronique, n'est cependant pas exercée comme une prestation de service financier électronique, les paiements ne pouvant être effectués en ligne. Par suite, elle ne relève pas du champ d'application de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.,,2) L'article L. 511-23 du code monétaire et financier - qui transpose les dispositions qui sont actuellement à l'article 28 de la directive du 14 juin 2006 - permet à tout établissement financier d'exercer en France s'il a obtenu des autorités compétentes d'un Etat membre une attestation certifiant qu'il remplit les conditions requises pour fournir des services bancaires. Il est nécessaire, pour qu'une telle reconnaissance mutuelle puisse avoir lieu, que les autorités de l'Etat membre où l'établissement est déjà agréé soient saisies par l'établissement pour assurer l'information du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI). Ce dernier ne peut qu'opposer l'absence de cette formalité dans le cas où l'établissement a lui-même directement notifié aux autorités françaises son intention de bénéficier de la reconnaissance mutuelle des agréments.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2010, n° 305671
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Delphine Hédary
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL ; SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:305671.20100614
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