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05/07/2010 | FRANCE | N°308615

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 juillet 2010, 308615


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 15 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE (CCI) DE L'INDRE, dont le siège est 24, place Gambetta à Châteauroux (36028 Cedex), représentée par sa présidente ; la CCI DE L'INDRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses requêtes contre trois jugements du 3 juin 2004 par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses

demandes tendant à l'annulation des décisions des 4 avril, 9 avril et ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 15 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE (CCI) DE L'INDRE, dont le siège est 24, place Gambetta à Châteauroux (36028 Cedex), représentée par sa présidente ; la CCI DE L'INDRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses requêtes contre trois jugements du 3 juin 2004 par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 4 avril, 9 avril et 27 juin 2002, par lesquelles les autorités exécutives des communes de Tournon-Saint-Martin et d'Argenton-sur-Creuse et de la communauté de communes du Pays d'Issoudun lui ont demandé de rembourser les subventions respectivement de 1 676,94 euros, 9 604,29 euros et 19 818,37 euros qu'elles lui avaient allouées dans le cadre des conventions conclues en vue de la réalisation de l'opération dite Objectif Entreprises ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays d'Issoudun et des communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon Saint-Martin la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'INDRE et de la SCP Monod, Colin, avocat de la commune d'Argenton-sur-Creuse et autres,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'INDRE et à la SCP Monod, Colin, avocat de la commune d'Argenton-sur-Creuse et autres ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin ainsi que la communauté de communes du Pays d'Issoudun ont accordé des subventions à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE (CCI) DE L'INDRE en vue de contribuer à une action, menée par cette dernière dans le cadre d'une opération dite Objectif Entreprises , de recherche d'investisseurs français et étrangers ; que ces subventions ont fait l'objet de trois conventions signées les 27 décembre 1995 et 31 janvier 1996, qui en ont précisé les conditions d'octroi ; que, par décisions des 4 avril, 9 avril et 27 juin 2002, ces personnes publiques ont demandé à la CCI DE L'INDRE de rembourser les sommes versées au motif qu'elle n'avait pas respecté les règles de passation des marchés publics pour recruter le prestataire de services chargé de réaliser l'action subventionnée ; que la CCI DE L'INDRE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après jonction des affaires, a rejeté les requêtes d'appel qu'elle avait formées contre les trois jugements du 3 juin 2004 par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions mentionnées ci-dessus ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention ;

Considérant qu'en jugeant que, pour contester la légalité des décisions par lesquelles les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin ainsi que la communauté de communes du Pays d'Issoudun lui ont demandé le remboursement des subventions versées, la CCI de l'INDRE ne pouvait se prévaloir des règles relatives au retrait des décisions créatrices de droits, au seul motif qu'elle avait signé avec ces personnes publiques des conventions précisant les conditions de versement des aides, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que par suite, la CCI de l'INDRE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu en défense, la CCI de l'INDRE ne saurait être regardée, eu égard aux circonstances de l'espèce, comme ayant obtenu le versement des subventions litigieuses par fraude ; qu'en outre, la communauté de communes du Pays d'Issoudun et les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin ne sauraient utilement soutenir, pour justifier leurs décisions de demande de remboursement des subventions litigieuses, que la CCI de l'INDRE aurait commis une faute en leur présentant de façon erronée ou fallacieuse les conditions dans lesquelles elle avait recruté le prestataire choisi pour mener à bien l'opération subventionnée ;

Considérant par ailleurs que les conventions que la CCI a signées avec la communauté de communes du Pays d'Issoudun et les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin ne sauraient être regardées comme subordonnant l'octroi des subventions que ces personnes publiques avaient décidé de lui verser au respect des règles de passation des marchés publics, pour le choix du prestataire avec lequel elle entendait mener à bien les actions subventionnées ; qu'en particulier, une telle condition ne saurait être déduite des stipulations figurant dans les conventions en cause, aux termes desquelles pour mener à bien cette action, la CCI de l'Indre s'est associée à une agence de communication et de développement, DDB-Needham France, sélectionnée après appel d'offres ; qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le versement des subventions litigieuses aurait été, d'une quelconque autre manière, explicitement subordonné à une condition de respect des règles de passation des marchés publics ; qu'en outre, une telle condition ne peut être regardée comme découlant implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention, qui visait à la réalisation d'une action de recherche d'investisseurs qui a d'ailleurs été menée à bien ; qu'ainsi, en l'absence de toute condition de respect des règles de passation des marchés publics, la communauté de communes du Pays d'Issoudun et les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin ne pouvaient, au motif que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'INDRE avait recruté le prestataire de services auquel elle avait fait appel en méconnaissance des règles applicables aux appels d'offres, demander à celle-ci, par les décisions attaquées, de reverser les subventions qu'elles lui avaient octroyées ;

Considérant, par suite, que la CCI de l'INDRE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 4 avril, 9 avril et 27 juin 2002 par lesquelles la communauté de communes du Pays d'Issoudun et les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin lui ont demandé le reversement des subventions qu'elles lui avaient versées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la CCI DE L'INDRE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la communauté de communes du pays d'Issoudun et des communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon Saint-Martin, une somme de 2 000 euros chacune, à verser à la CCI de l'INDRE au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et les juges du fond et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juin 2007 et les jugements du tribunal administratif de Limoges n° 02666, 02668 et 02914 du 3 juin 2004 sont annulés.

Article 2 : Les décisions des 4 avril, 9 avril et 27 juin 2002 par lesquelles les communes de Tournon-Saint-Martin et d'Argenton-sur-Creuse et la communauté de communes du Pays d'Issoudun, ont demandé à la CCI de l'INDRE de rembourser les subventions respectivement de 1 676,94 euros, 9 604,29 euros et 19 818,37 euros qu'elles lui avaient allouées en vue de la réalisation de l'opération dite Objectif Entreprises sont annulées.

Article 3 : La communauté de communes du pays d'Issoudun et les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin verseront la somme de 2 000 euros chacune à la CCI de l'INDRE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du pays d'Issoudun et par les communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'INDRE, à la communauté de communes du pays d'Issoudun et aux communes d'Argenton-sur-Creuse et de Tournon-Saint-Martin.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308615
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-06-02-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES. ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION. ACTES INDIVIDUELS OU COLLECTIFS. ACTES CRÉATEURS DE DROITS. - ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION PAR UNE PERSONNE PUBLIQUE - EXISTENCE, DANS LA MESURE OÙ LE BÉNÉFICIAIRE RESPECTE LES CONDITIONS MISES À SON OCTROI - CONDITIONS PRÉVUES PAR CONVENTION - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

01-01-06-02-01 L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2010, n° 308615
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:308615.20100705
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