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19/07/2010 | FRANCE | N°334478

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 19 juillet 2010, 334478


Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Jean-Marc A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 22 octobre 2009 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours préalable dirigé contre la décision du 17 juin 2009 du chef du centre administratif territorial de la gendarmerie de la région de gendarmerie de Bretagne et celle du 28 août 2009 du commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité

de Rennes, lui refusant la prise en charge de droits à cubage sup...

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Jean-Marc A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 22 octobre 2009 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours préalable dirigé contre la décision du 17 juin 2009 du chef du centre administratif territorial de la gendarmerie de la région de gendarmerie de Bretagne et celle du 28 août 2009 du commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité de Rennes, lui refusant la prise en charge de droits à cubage supplémentaire et d'indemnités pour changement de résidence au titre de sa partenaire de pacte civil de solidarité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu la loi n°99-944 du 15 novembre 1999, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n°99-419 DC du 9 novembre 1999 ;

Vu la loi n°2004-1484 du 30 décembre 2004 ;

Vu le décret n°90-437 du 28 mai 1990 ;

Vu le décret n°2007-640 du 30 avril 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Considérant que M. A, capitaine de gendarmerie, a souscrit un pacte civil de solidarité le 27 avril 2009 ; que, par ordre de mutation du 18 mars 2009, il a fait l'objet d'une mutation d'office dans l'intérêt du service à compter du 1er août 2009 ; que, par une décision du 17 juin 2009, le chef du centre administratif territorial de la gendarmerie de la région de gendarmerie de Bretagne a rejeté sa demande de prise en charge de frais supplémentaires de transport de mobilier au titre de sa partenaire de pacte civil de solidarité ; que, par une décision du 28 août 2009, le commandant du centre territorial d'administration et de comptabilité de Rennes lui a accordé le remboursement de ses frais de changement de résidence relatifs au transport de mobilier, aux indemnités kilométriques et aux frais d'hôtel et de restaurant, mais a refusé la prise en charge de ces divers frais au titre de sa partenaire de pacte civil de solidarité ; que M. A demande l'annulation de la décision du 22 octobre 2009 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours préalable dirigé contre ces deux décisions de refus ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 30 avril 2007 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les changements de résidence des militaires sur le territoire métropolitain de la France : Pour l'application du présent décret sont considérés comme membres de la famille, à condition qu'ils vivent habituellement sous le toit du militaire, le conjoint, le cocontractant d'un pacte civil de solidarité depuis trois années, les enfants lorsqu'ils sont à charge au sens de la législation fiscale, les ascendants du militaire, de son conjoint ou de son partenaire d'un pacte civil de solidarité depuis trois années qui, en application de la législation fiscale, ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu ; que la décision de refus de prise en charge de frais de changement de résidence supplémentaires au titre de sa partenaire de pacte civil de solidarité opposée à M. A est fondée sur le motif que celui-ci ne remplit pas la condition de durée de trois ans du pacte civil de solidarité posée par ces dispositions dont il invoque l'illégalité;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

Considérant que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne peuvent, du seul fait de l'intervention de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, être regardés comme des conjoints pour l'application des textes réglementaires qui réservent des droits ou des avantages au profit de ceux qui ont cette dernière qualité ; que l'ensemble de ces textes réglementaires ne sont pas devenus illégaux, en ce qu'ils seraient contraires au principe d'égalité, dès l'entrée en vigueur de cette loi ; que, cependant, lorsque, sans pour autant rendre par elle même inapplicables des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, une loi crée une situation juridique nouvelle, il appartient au pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi, de tirer toutes les conséquences de cette situation nouvelle en apportant, dans un délai raisonnable, les modifications à la réglementation applicable qui sont rendues nécessaires par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et, en particulier, aux principes généraux du droit tels que le principe d'égalité ; que, dans le cas du pacte civil de solidarité, cette obligation impose au pouvoir réglementaire de mettre à jour l'ensemble des textes qui ouvrent des droits, créent des avantages ou, plus généralement, fixent une règle en se fondant sur la qualité de célibataire, de concubin ou de conjoint, de manière à rapprocher, en fonction de l'objet de chacun de ces textes, la situation du signataire d'un pacte civil de solidarité de celle applicable à l'une des trois qualités énumérées ci-dessus ; que tel est l'objet des dispositions de l'article 6 du décret du 30 avril 2007, lesquelles ont prévu, pour le calcul de l'indemnité de remboursement des frais de changement de résidence, la prise en compte du partenaire du pacte civil de solidarité conclu par un militaire, comme est pris en compte le conjoint, sous réserve d'une condition particulière de durée de ce pacte; que M. A ne peut utilement invoquer une disproportion manifeste qui en résulterait entre la situation des fonctionnaires civils, qui bénéficient, au titre de cette indemnité, d'une prise en compte du partenaire de leur pacte civil de solidarité sans condition de durée, et celle des militaires ; qu'en effet, s'agissant d'agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou même, comme en l'espèce, de fonctions publiques différentes, leur rémunération ne peut être appréciée que globalement ; que les régimes indemnitaires, y compris ceux portant sur des remboursements de frais, peuvent nécessairement différer selon les corps, cadres d'emplois et fonctions publiques et ne peuvent être pris en considération isolément ;

Considérant que la circonstance que le I de l'article 8 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 a supprimé des termes de l'article 6 du code général des impôts la condition de durée de trois ans du pacte civil de solidarité et imposé une déclaration fiscale commune des deux partenaires dès la première année de la conclusion du pacte est sans incidence sur la légalité des dispositions de l'article 6 du décret du 30 avril 2007, lesquelles relèvent d'une réglementation distincte ; que de même, la circonstance que les dispositions de ce décret seraient intervenues tardivement est sans incidence sur leur légalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le refus de prise en charge de frais de changement de résidence supplémentaires au titre de sa partenaire de pacte civil de solidarité est fondé sur une disposition réglementaire illégale; que sa requête doit être rejetée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marc A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334478
Date de la décision : 19/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LE SERVICE PUBLIC - ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES AGENTS PUBLICS - INOPÉRANCE - COMPARAISON DES CONDITIONS D'ACCÈS À UNE INDEMNITÉ ENTRE AGENTS PUBLICS RELEVANT DE CORPS OU DE FONCTIONS PUBLIQUES DIFFÉRENTS - APPLICATION À L'INDEMNITÉ DE REMBOURSEMENT DES FRAIS DE CHANGEMENT DE RÉSIDENCE.

01-04-03-03-02 La rémunération d'agents publics relevant de corps, de cadres d'emploi voire de fonctions publiques différents ne peut être appréciée que globalement. Les régimes indemnitaires, y compris ceux portant sur des remboursements de frais, peuvent nécessairement différer selon les corps, cadres d'emplois et fonctions publiques et ne peuvent être pris en considération isolément. Par conséquent, un agent public ne peut utilement contester la rupture d'égalité qui existerait entre lui et des agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou fonctions publiques différents au regard des conditions d'accès à une indemnité particulière. En l'espèce, un militaire ne peut utilement se plaindre que la durée de trois années d'antériorité d'un pacte civil de solidarité (PACS), exigée des militaires pour le bénéfice de l'indemnité de remboursement des frais de changement de résidence, est constitutive d'une violation du principe d'égalité au motif que la même condition n'est pas prévue pour les fonctionnaires civils.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - QUESTIONS D'ORDRE GÉNÉRAL - COMPARAISON DES CONDITIONS D'ACCÈS À UNE INDEMNITÉ ENTRE AGENTS PUBLICS RELEVANT DE CORPS OU DE FONCTIONS PUBLIQUES DIFFÉRENTS - PRINCIPE D'ÉGALITÉ - INOPÉRANCE - APPLICATION À L'INDEMNITÉ DE REMBOURSEMENT DES FRAIS DE CHANGEMENT DE RÉSIDENCE.

36-08-01 La rémunération d'agents publics relevant de corps, de cadres d'emploi voire de fonctions publiques différents ne peut être appréciée que globalement. Les régimes indemnitaires, y compris ceux portant sur des remboursements de frais, peuvent nécessairement différer selon les corps, cadres d'emplois et fonctions publiques et ne peuvent être pris en considération isolément. Par conséquent, un agent public ne peut utilement contester la rupture d'égalité qui existerait entre lui et des agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou fonctions publiques différents au regard des conditions d'accès à une indemnité particulière. En l'espèce, un militaire ne peut utilement se plaindre que la durée de trois années d'antériorité d'un pacte civil de solidarité (PACS), exigée des militaires pour le bénéfice de l'indemnité de remboursement des frais de changement de résidence, est constitutive d'une violation du principe d'égalité au motif que la même condition n'est pas prévue pour les fonctionnaires civils.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2010, n° 334478
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:334478.20100719
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