Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre 2008 et 18 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Daniel A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 août 2008 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a mis à la disposition du ministère des affaires étrangères et européennes pour servir sous l'autorité de l'ambassadeur de France à Moscou, Mme Hélène B, épouse C, et à cette fin se faire communiquer l'intégralité des documents relatifs à la procédure de recrutement au poste de conseiller juridique auprès de cette ambassade, y compris le dossier de chacun des candidats ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la même autorité n'a pas retenu sa candidature du requérant pour ce poste ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
Considérant que M. A, vice-procureur près le tribunal de grande instance de Nanterre, s'est porté candidat en mars 2008, à la suite d'un appel à candidatures rendu public par le ministère de la justice, à un emploi de conseiller juridique auprès de l'ambassade de France à Moscou ; que, par un arrêté du 14 août 2008, Mme B, vice-présidente placée auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a été mise à disposition du ministère des affaires étrangères et européennes pour occuper le poste en question ; que M. A demande l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant sa candidature ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'à la suite d'un avis rendu le 9 octobre 2008 par la commission d'accès aux documents administratifs précédemment saisie par M. A, le ministre de la justice lui a communiqué, après en avoir occulté les informations personnelles, la note du 23 juin 2008 du service des affaires européennes et internationales du ministère exprimant un avis sur les différentes candidatures enregistrées pour ce poste, de même que le tableau des notes attribuées à chacun des candidats à l'issue des tests linguistiques ; que ces pièces sont de nature à éclairer les choix opérés par l'administration ; que par suite, et en admettant même que d'autres documents réclamés par M. A ne lui auraient pas été communiqués, ce dernier n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, faute pour le ministre d'avoir fait connaître les motifs de sa décision, les principes du procès équitable n'auraient en l'espèce pas été respectés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : / 1°En activité ; / 2° En service détaché ; / 3° En disponibilité ; / 4° Sous les drapeaux ; / 5° En congé parental (...) ... ; qu'aux termes de l'article 68 de la même ordonnance : Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire... ; que son article 72 énumère limitativement les positions des magistrats dont l'affectation à des fonctions non juridictionnelles doit être précédée d'une consultation de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du magistrat, selon que celui-ci exerce des fonctions du siège ou du parquet ; que la mise à disposition, qui constitue l'une des modalités d'exercice de ses fonctions par un magistrat placé en position d'activité, ne figure pas parmi les positions ainsi énumérées ; que, s'agissant des fonctionnaires, l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 définit la mise à disposition comme étant la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir et l'article 1er du décret du 16 septembre 1985 prévoit qu'elle est prononcée par arrêté du ministre dont relève le fonctionnaire, après accord de l'intéressé et du ou des organismes d'accueil ;
Considérant qu'il ne résulte ni de la combinaison de ces dispositions, ni d'aucune autre règle que l'arrêté pris par le garde des sceaux, ministre de la justice, concernant la mise à disposition d'un magistrat doit être précédé de la consultation du Conseil supérieur de la magistrature ; que par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que Mme B, magistrate précédemment nommée en qualité de vice-président placée auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature en application des dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ne pouvait faire l'objet d'une mesure de mise à disposition sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que M. A, en raison de sa connaissance de la langue et des institutions judiciaires russes, détenait les qualifications nécessaires pour occuper le poste de conseiller juridique auprès de l'ambassade de France en Russie auquel il s'était porté candidat, il n'en résulte pas pour autant que le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant pour ce poste la candidature de Mme B, alors qu'il n'est pas même allégué que cette dernière ne possédait pas elle-même les qualifications requises ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les décisions attaquées ont méconnu en l'espèce le principe d'égalité de traitement des magistrats, dès lors qu'il était demandé aux candidats de justifier d'environ dix ans d'ancienneté dans la magistrature et que M. A, à la différence de Mme B, n'était pas en mesure de faire état d'une telle expérience dans l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la nomination de Mme B, ni de la décision qui n'a pas retenu sa propre candidature ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel A et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.