Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, enregistré le 9 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 15 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, d'une part, sa décision du 19 juillet 2006 retirant trois points du capital affecté au permis de conduire de M. Jean A et constatant sa perte de validité, et, d'autre part, la décision du 4 août 2006 du préfet d'Indre-et-Loire enjoignant à M. A de restituer son permis de conduire ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, à l'encontre duquel ont été relevées, de juillet 2002 à novembre 2005, quatre infractions au code de la route entraînant le retrait d'un total de 12 points de son permis de conduire, a demandé l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, des décisions du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales procédant aux retraits de points consécutifs aux quatre infractions mentionnées ci-dessus, de la décision du ministre du 19 juillet 2006 l'informant de la perte de validité de son permis et de la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 4 août 2006 lui enjoignant de le restituer ; que, par un jugement du 15 novembre 2007, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du ministre réduisant de trois points le nombre de points affectés au permis de conduire de M. A à la suite de l'infraction relevée le 22 avril 2005 ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du ministre en date du 19 juillet 2006 et du préfet d'Indre-et-Loire en date du 4 août 2006 ; que la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt du 25 juin 2008, rejeté le recours du ministre dirigé contre ce jugement ainsi que les conclusions incidentes de M. A ; que le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt ; que M. A présente des conclusions incidentes ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 223-1 du code de la route, le nombre de points dont est affecté le permis de conduire est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue ; qu'il résulte du même article que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 223-3 du même code, lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'information remise ou adressée par le service verbalisateur doit porter, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 223-3, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juin 2003 sur la sécurité routière et de l'article R. 223-3 du code de la route, d'une part, sur le fait que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale établit la réalité de l'infraction dont la qualification est précisée et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction et, d'autre part, sur l'existence d'un traitement automatisé de points et la possibilité d'exercer le droit d'accès ;
Sur le pourvoi incident de M. A :
Considérant que les conclusions présentées par M. A par la voie du pourvoi incident sont dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions d'appel dirigées contre les décisions de retrait de points consécutives aux infractions relevées à l'encontre de M. A les 29 juillet 2002 et 14 octobre 2003 ; que ces conclusions présentent à juger un litige distinct de celui que présente à juger le pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; que ces conclusions ont été enregistrées en dehors du délai de recours en cassation et sont, par suite, irrecevables ;
Sur le pourvoi principal :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion de l'infraction relevée à son encontre le 22 avril 2005, M. A a procédé au paiement de l'amende forfaitaire entre les mains de l'agent verbalisateur au moment de la constatation de l'infraction ; qu'à cette occasion, il s'est vu remettre une quittance de paiement qui comportait, au recto, les éléments relatifs à la constatation de l'infraction et sa qualification ainsi que la mention oui dans la case retrait de points et, au verso, les informations prévues par l'article L. 223-3 du code de la route ; qu'il a signé la quittance sous la mention précisant que le paiement entraîne reconnaissance définitive de la réalité de l'infraction et, par là même, la réduction du nombre de points correspondant ; qu'à supposer même que l'intéressé n'ait pas été informé par l'agent verbalisateur, préalablement au paiement de l'amende, des conséquences du paiement de cette dernière, il pouvait encore renoncer à la modalité du paiement immédiat entre les mains de cet agent avant de procéder à la signature de la quittance ou, le cas échéant, inscrire sur celle ci une réserve sur les modalités selon lesquelles l'information lui avait été délivrée ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A n'a pas renoncé au paiement immédiat de l'amende ni émis de réserve ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, M. A n'avait pas bénéficié de l'information prévue par les dispositions du code de la route ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur le recours du ministre ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que M. A n'a pas reçu l'information prévue par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route du fait que, ayant procédé au paiement de l'amende forfaitaire entre les mains de l'agent verbalisateur au moment de la constatation de l'infraction, l'information ne lui aurait été apportée qu'après le paiement de l'amende, doit être écarté ; qu'il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du ministre réduisant de trois points le nombre de points affectés au permis de conduire de M. A à la suite de l'infraction relevée à son encontre le 22 avril 2005 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif d'Orléans et la cour administrative d'appel de Nantes à l'encontre de la décision du ministre réduisant de trois le nombre de points affectés à son permis de conduire à la suite de l'infraction relevée à son encontre le 22 avril 2005, de la décision du ministre du 19 juillet 2006 l'informant de la perte de validité de son permis et de la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 4 août 2006 lui enjoignant de le restituer ;
Considérant que, lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire comme en l'espèce, l'information remise ou adressée par le service verbalisateur doit, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, porter en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juin 2003, d'une part sur l'existence d'un traitement automatisé des points et la possibilité d'exercer le droit d'accès et, d'autre part, sur le fait que le paiement de l'amende établit la réalité de l'infraction dont la qualification est précisée et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction ; que ni l'article L. 223-3, ni l'article R. 223-3 n'exigent que le conducteur soit informé du nombre exact de points susceptibles de lui être retirés, dès lors que la qualification de l'infraction qui lui est reprochée est dûment portée à sa connaissance ; qu'en l'espèce, la qualification de l'infraction relevée à l'encontre de M. A est précisée dans le cadre constatation d'une infraction qui figure sur le recto de la quittance établie le jour de l'infraction, au-dessus de la signature de l'intéressé ; que si M. A soutient, par ailleurs, que le verso de ce document ne comportait pas toutes les informations exigées par le code de la route, il n'apporte pas, en s'abstenant de produire le document en cause, d'éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision réduisant de trois points le nombre de points affectés au permis de conduire de M. A à la suite de l'infraction relevée à son encontre le 22 avril 2005 ;
Considérant qu'il était loisible à M. A de demander l'annulation de la décision du ministre du 19 juillet 2006 l'informant de la perte de validité de son permis et de la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 4 août 2006 lui enjoignant de restituer son titre de conduite en excipant de l'illégalité des décisions de retrait de points consécutives aux infractions relevées à son encontre les 29 juillet 2002 et 14 octobre 2003 ; qu'il s'est toutefois borné à demander cette annulation par voie de conséquence de l'annulation des décisions du ministre procédant aux retraits de points de son permis de conduire ; qu'il résulte cependant de ce qui a été dit ci-dessus que les décisions de retrait de points consécutives aux infractions relevées à l'encontre de M. A les 29 juillet 2002 et 14 octobre 2003 sont devenues définitives du fait du rejet par la cour administrative d'appel de Nantes des conclusions incidentes de M. A dirigées contre elles et que les conclusions de M. A dirigées contre la décision de retrait de points consécutive à l'infraction relevée à son encontre le 22 avril 2005 doivent être rejetées ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans, d'une part, a annulé la décision du ministre du 19 juillet 2006 et la décision du préfet d'Indre-et-Loire du 4 août 2006 et, d'autre part, a enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de restituer son titre de conduite à M. A et au ministre de l'intérieur de restituer trois points au capital de son permis de conduire ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi incident de M. A et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 25 juin 2008 est annulé en tant qu'il rejette le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.
Article 3 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 15 novembre 2007 sont annulés et la demande présentée par M. A devant le tribunal est rejetée.
Article 4 : Les conclusions du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à M. Jean A.