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03/12/2010 | FRANCE | N°306752

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 03 décembre 2010, 306752


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juin, 19 septembre et 1er octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LATTES, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LATTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 avril 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction du dédoublement de l'autoroute A9 au droit de Montpellier, compris entre Lunel-Viel, à l'est, et Fabrègues, à l'ouest, et sur le territoire des communes de Baillargues

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Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juin, 19 septembre et 1er octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LATTES, représentée par son maire ; la COMMUNE DE LATTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 avril 2007 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction du dédoublement de l'autoroute A9 au droit de Montpellier, compris entre Lunel-Viel, à l'est, et Fabrègues, à l'ouest, et sur le territoire des communes de Baillargues, Castries, Fabrègues, Lattes, Lunel-Viel, Mauguio, Montpellier, Saint-Aunès, Saint-Brès, Saint-Geniès-des-Mourgues, Saint-Jean-de-Védas, Valergues et Vendargues dans le département de l'Hérault et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Baillargues, Castries, Fabrègues, Lattes, Lunel-Viel, Mauguio, Monpellier, Saint-Aunès, Saint-Brès, Saint-Geniès-des-Mourgues, Saint-Jean-de-Védas, Valergues et Vendargues dans le département de l'Hérault ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;

Vu le décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE LATTES,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE LATTES ;

Sur les interventions ;

Considérant, en premier lieu, que l'association de défense de la qualité de la vie et de l'environnement à Baillargues (ADQVEB) a, compte tenu de son objet, intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme A, M. B, M. C et M. D, habitants de la COMMUNE DE LATTES qui est traversée par le projet déclaré d'utilité publique, ainsi que, compte tenu de leur objet, les deux associations intervenant à leur côté, dont le mémoire constitue une intervention à l'appui de la requête de la commune de Lattes, ont intérêt à l'annulation du décret attaqué ; que le désistement d'office de Mme A et autres dans l'instance n° 307107 qu'ils avaient engagée, doit, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de ce qu'il a été la conséquence de l'introduction de la requête de la commune de Lattes à laquelle les requérants ont décidé de s'associer, être regardé non comme un désistement d'action mais comme un désistement d'instance, qui ne fait pas obstacle à leur intervention ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;

Considérant, en revanche, en troisième lieu, que l'intervention de Mme E, qui n'est assortie d'aucune conclusion, n'est pas recevable ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Sur les moyens relatifs aux consultations préalables obligatoires à la déclaration d'utilité publique :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'environnement et de l'article 2 du décret du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public, alors applicable et désormais codifié à l'article R. 121-2 du même code, que la Commission nationale du débat public doit être saisie de tous les projets de création d'autoroutes d'une longueur supérieure à quarante kilomètres et d'un coût supérieur à trois cents millions d'euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux crée une autoroute d'une longueur d'environ dix-neuf kilomètres ; qu'ainsi, il n'avait pas à être soumis préalablement à l'avis de la Commission nationale du débat public ;

Considérant que les consultations du ministre chargé des sites et du ministre de l'agriculture prévues par les articles R. 11-15 et R. 11-16 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont requises que si l'expropriation concerne, dans le premier cas, des monuments historiques classés ou proposés pour le classement au titre des monuments historiques et, dans le second cas, des parcelles plantées de vignes soumises au régime des appellations contrôlées et antérieurement déclarées d'intérêt public par arrêté du ministre ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux ne concerne ni de tels monuments, ni de telles parcelles ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les consultations prévues aux articles précités n'auraient pas été effectuées doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-7 du code de l'urbanisme : La réalisation de nouvelles routes est organisée par les dispositions du présent article. / Les nouvelles routes de transit sont localisées à une distance minimale de 2 000 mètres du rivage. Cette disposition ne s'applique pas aux rives des plans d'eau intérieurs. / La création de nouvelles routes sur les plages, cordons lagunaires, dunes ou en corniche est interdite. / Les nouvelles routes de desserte locale ne peuvent être établies sur le rivage, ni le longer. / Toutefois, les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas ne s'appliquent pas en cas de contraintes liées à la configuration des lieux ou, le cas échéant, à l'insularité. La commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites est alors consultée sur l'impact de l'implantation de ces nouvelles routes sur la nature (...) ; qu'il ressort du dossier soumis à l'enquête publique que le projet litigieux, y compris à son extrémité sud, la plus proche du rivage, est situé à plus de 2 000 mètres du rivage ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la consultation de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites n'aurait pas été consultée, ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens relatifs au dossier de mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme soumis à enquête publique :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme : La déclaration d'utilité publique (...) d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / a) L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / b) L'acte déclaratif d'utilité publique (...) est pris après que les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public (...), de la région, du département et des organismes mentionnés à l'article L. 121-4, et après avis du conseil municipal. / La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan (...) ; qu'il résulte des dispositions des articles R. 123-23 du code de l'urbanisme et R. 11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que cet examen conjoint s'effectue à partir du dossier de mise en compatibilité des plans locaux d'urbanismes, lesquels sont accompagnés d'un rapport de présentation ; qu'aux termes de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme : Le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au premier alinéa de l'article L. 123-1 ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement ; / 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur. / En cas de modification ou de révision, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier de mise en compatibilité des plans d'occupation des sols soumis à enquête publique comportait une notice explicative pour chacune des communes concernées, précisant l'impact du projet autoroutier envisagé sur les plans locaux d'urbanisme de ces communes et les adaptations qu'il était nécessaire d'y apporter ; que, dans ces conditions, les notices explicatives peuvent être regardées comme tenant lieu de rapport de présentation et satisfont ainsi aux obligations prévues par les articles R. 123-2 et R. 123-23 du code de l'urbanisme ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le dossier de mise en compatibilité serait différent de celui soumis à l'examen conjoint prévu par l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme manque en fait ;

Sur les moyens relatifs au dossier soumis à enquête publique :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : (...) / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; / 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret (...) ;

Considérant qu'au stade de l'enquête publique, les documents soumis à l'enquête ont pour objet non de décrire en détail les ouvrages envisagés mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus ainsi que les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants ; qu'en l'espèce, le plan de situation permet de visualiser le fuseau soumis à l'étude ; que le dossier décrit avec une précision suffisante les objectifs du projet, les contraintes liées notamment à la création d'une nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse et à la présence d'un aéroport, les options envisagées, les études entreprises, les ouvrages d'art prévus, dont il n'est pas établi que certains auraient été omis, et donne une estimation sommaire des dépenses ; que le dossier n'avait pas à comporter le périmètre des immeubles à exproprier dès lors que la déclaration publique n'était pas demandée en vue de l'acquisition d'immeubles au sens du II de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que, par suite, le dossier d'enquête ne peut être regardé comme insuffisamment détaillé ;

Sur les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact :

Considérant qu'aux termes du II de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; / 6° Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter ;

Considérant que si l'étude d'impact ne comporte pas d'étude détaillée relative aux jardins familiaux implantés au sud du site de Garosud , en revanche, elle évalue, en premier lieu, les conséquences du démantèlement du vignoble et le périmètre affecté situé sur les terres AOC Côteaux du Languedoc-la Méjanelle , soit 17 hectares de vignes, en deuxième lieu, le risque hydraulique, notamment les effets du projet sur le niveau des crues et les mesures envisagées pour y remédier, en troisième lieu, les effets indirects du projet, y compris son impact sonore, en quatrième lieu, les conséquences du projet sur les espèces protégées, notamment dans les zones naturelles présentant un intérêt particulier, en cinquième lieu, les variantes envisagées ; qu'il n'appartient pas à l'étude d'impact de définir les modalités pratiques de mise en oeuvre des expropriations et des mesures d'accompagnement envisagées, dont les principes sont clairement exposés ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact au regard des dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation de l'incidence de certains projets publics et privés sur l'environnement doit également être écarté ;

En ce qui concerne l'évaluation socio-économique :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 relatif à l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs : L'évaluation des grands projets d'infrastructure comporte : / 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; (...) / L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. Ce bilan comporte l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent aux transports, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbains et ruraux. Il est établi sur la base de grandeurs physiques et monétaires ; ces grandeurs peuvent ou non faire l'objet de comptes séparés (...) ;

Considérant qu'il ressort de l'évaluation socio-économique figurant au dossier d'enquête que les conditions de réalisation et les coûts de construction et d'exploitation du projet ont été analysés dans le bilan prévisionnel ; que ce bilan précise que le taux de rentabilité interne pour la collectivité est compris entre 9,36 et 9,48 % selon les hypothèses envisagées et est plus de deux fois supérieur au taux d'actualisation de 4 % défini par le Commissariat général du Plan, au-delà duquel un projet peut être considéré comme utile à la collectivité ; que sont également étudiés les gains de sécurité et de temps en fonction de l'évolution des prévisions de trafic ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'étude socio-économique du dossier soumis à enquête publique comporterait des insuffisances au regard des dispositions de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 doit être rejeté ;

Sur le moyen relatif à l'appréciation sommaire des dépenses :

Considérant que le moyen tiré du défaut de précision de l'appréciation sommaire des dépenses de l'opération projetée n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Sur le moyen tiré de la modification substantielle du projet :

Considérant que la modification après enquête publique du tracé et de l'organisation des voies, qui, en maintenant le projet dans la bande soumise à l'enquête publique, a principalement pour objet de tenir compte des recommandations de la commission d'enquête ainsi que des observations d'autres instances et des riverains et qui n'a pas eu pour effet de modifier sensiblement la nature et la localisation des emplacements des équipements, n'a pas, en l'espèce, été de nature à porter atteinte à l'économie générale du projet ;

Sur les moyens relatifs à l'acte déclaratif d'utilité publique :

Considérant que le moyen tiré de ce que le document justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération n'aurait pas été joint au décret, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, manque en fait ;

Considérant qu'en l'absence de précision donnée par un acte déclaratif d'utilité publique, le bénéficiaire d'éventuelles expropriations est l'Etat ; qu'il suit de là qu'aucune irrégularité ne résulte en l'espèce du défaut de mention du bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 146-7 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'il ressort du dossier soumis à l'enquête publique, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le projet litigieux, y compris à son extrémité sud, la plus proche du rivage, est situé à plus de 2 000 mètres du rivage ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 146-7 du code de l'urbanisme, qui prohibe la construction de routes de transit à moins de 2 000 mètres du rivage, ne peut qu'être écarté ;

Sur le moyen relatif à la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que s'il est soutenu que les dispositions du protocole exigent que les atteintes au droit au respect des biens soient prévues par la loi et poursuivent un but d'intérêt public, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le moyen relatif à la méconnaissance du code des marchés publics :

Considérant que l'illégalité dont serait entaché le décret du 1er mars 2002 approuvant un avenant au cahier des charges annexé à la convention passée entre l'Etat et les Autoroutes du Sud de la France est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'acte déclarant d'utilité publique le projet litigieux ;

Sur l'utilité publique du projet :

Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social et les atteintes à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant que le projet déclaré d'utilité publique, qui dédouble l'autoroute A9 afin de séparer le trafic de desserte locale et le trafic de transit, a pour objet d'adapter le réseau routier au droit de Montpellier à la forte croissance observée et prévisible du trafic, liée tant au développement de l'agglomération montpelliéraine qu'à la place de l'autoroute A9 dans les flux de trafic nationaux et internationaux, tout en améliorant notablement la sécurité routière sur cette portion du réseau ; que, si le projet a des incidences négatives sur les habitations, les jardins familiaux, les zones agricoles, notamment les vignes classées en appellation d'origine contrôlée, ainsi que les zones naturelles situées sur le tracé ou à proximité du projet, il ressort des pièces du dossier que ces atteintes sont limitées et font l'objet de mesures de protection et de compensation ; que si, eu égard à la configuration des lieux à traverser et aux mesures prises pour compenser les inconvénients du projet, celui-ci présente un coût élevé, ni cet élément ni les inconvénients mentionnés ci-dessus ne sont de nature à lui faire perdre son caractère d'utilité publique ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut d'utilité publique de l'opération doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'écologie de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, que la COMMUNE DE LATTES et les intervenants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 30 avril 2007 déclarant d'utilité publique les travaux de dédoublement de l'autoroute A9 au sud de Montpellier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle à ce que l'Etat verse à l'association de défense de la qualité de la vie et de l'environnement à Baillargues, à Mme A, à MM. B, C et D, à l'association Saint Jean Environnement et à l'association pour la défense de notre patrimoine menacé par le doublement de l'A9, qui n'ont pas la qualité de parties au sens de ces dispositions, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de Mme Aurélie E n'est pas admise.

Article 2 : Les interventions de l'association de défense de la qualité de la vie et de l'environnement à Baillargues (ADQVEB), de Mme A, M. B, M. C, M. D, l'association Saint Jean Environnement et l'association pour la défense de notre patrimoine menacé par le doublement de l'A9 sont admises.

Article 3 : La requête de la COMMUNE DE LATTES est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées en intervention sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LATTES, à l'association de défense de la qualité de la vie et de l'environnement à Baillargues (ADQVEB), à Mme Aline A, à M. Michel B, à M. Jean-Louis C, à M. Michel D, à l'association Saint Jean Environnement, à l'association pour la défense de notre patrimoine menacé par le doublement de l'A9, à Mme Aurélie E, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306752
Date de la décision : 03/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2010, n° 306752
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Gargoullaud
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:306752.20101203
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