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09/02/2011 | FRANCE | N°329584

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 09 février 2011, 329584


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Claire A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du conseil d'administration de l'université de Rouen du 15 janvier 2009 portant absence de proposition et refus de la recruter sur le poste n° 150 de professeur des universités, la décision du 15 janvier 2009 du président de l'université transmettant au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche cette délibération et la décision du 5 juin

2009 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche rejetan...

Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Claire A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du conseil d'administration de l'université de Rouen du 15 janvier 2009 portant absence de proposition et refus de la recruter sur le poste n° 150 de professeur des universités, la décision du 15 janvier 2009 du président de l'université transmettant au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche cette délibération et la décision du 5 juin 2009 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche rejetant son recours administratif ;

2°) d'enjoindre au conseil d'administration de l'université de Rouen de statuer sur sa candidature et au président de cette université de transmettre l'ensemble des délibérations au ministre, aux fins de proposer sa nomination par le Président de la République ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'université de Rouen une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984, modifié notamment par le décret n° 2008-333 du 10 avril 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, maître de conférences des universités, seule candidate au poste de professeur des universités ouvert à l'université de Rouen, sous le n° 150 7ème et 11ème sections : anglais-didactique des langues , a fait l'objet d'un avis motivé favorable du 12 janvier 2009 du comité de sélection ; que, par délibération du 15 janvier 2009, le conseil d'administration de l'université, siégeant en formation restreinte aux professeurs et personnalités de rang assimilé, a décidé de ne pas proposer sa nomination ; que par lettre du 15 janvier 2009, le président de l'université a transmis cette décision au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que Mme A a formé deux recours administratifs tendant à l'annulation de la délibération du conseil d'administration, l'un devant le président de l'université, qui lui a opposé une décision implicite de refus, l'autre devant le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Considérant que le ministre, qui n'exerce pas de pouvoir hiérarchique sur l'université, ne pouvait en tout état de cause faire droit à la demande d'annulation de la délibération du conseil d'administration dont il était saisi par la requérante ; que, n'étant pas saisi d'une proposition du conseil d'administration, il ne pouvait que s'abstenir de transmettre au Président de la République la candidature de Mme A ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, les conclusions dirigées contre sa lettre du 5 juin 2009 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du président de l'université :

Considérant que la lettre par laquelle le président de l'université a transmis au ministre la délibération attaquée du conseil d'administration n'est pas une décision susceptible de recours ; que les conclusions tendant à son annulation ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du conseil d'administration en formation restreinte :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'appui de ces conclusions ;

Considérant que, selon l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation et l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984, les candidatures, lors de chaque concours de recrutement de professeur des universités, sont d'abord examinées par le comité de sélection, qui a la qualité de jury, et auquel il incombe de choisir le ou les candidats présentant des mérites, notamment scientifiques, suffisants ; qu'au vu de l'avis motivé émis par le comité de sélection, le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et aux personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, qui n'a pas la qualité de jury, décide des propositions à transmettre au ministre, en appréciant l'adéquation des candidatures à la stratégie de l'établissement, mais sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection ;

Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le motif de refus du conseil d'administration est fondé sur l'insuffisance des travaux de recherche de Mme A ; qu'un tel motif, qui a trait aux mérites scientifiques de la candidate, n'est pas au nombre de ceux que le conseil d'administration pouvait légalement prendre en compte pour ne pas donner suite à l'avis motivé favorable du comité de sélection ; que, par suite, la requérante est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de la délibération attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'annulation de la délibération attaquée implique que le conseil d'administration de l'université de Rouen examine à nouveau la candidature de Mme A, mais pas nécessairement qu'il la retienne pour la transmettre au ministre en vue de sa nomination ; qu'il y a donc seulement lieu, pour le Conseil d'Etat, d'ordonner au conseil d'administration de l'université de procéder à cet examen dans un délai de trois mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Rouen, par application de ces dispositions, une somme de 2 000 euros à verser à Mme A ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du conseil d'administration de l'université de Rouen du 15 janvier 2009 est annulée.

Article 2 : L'université de Rouen versera une somme de 2 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint au conseil d'administration de l'université de Rouen d'examiner à nouveau la candidature de Mme A dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Claire A, à l'université de Rouen et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329584
Date de la décision : 09/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-01-06-01-02 ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE. QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET GRANDES ÉCOLES. UNIVERSITÉS. GESTION DES UNIVERSITÉS. GESTION DU PERSONNEL. RECRUTEMENT. - ENSEIGNANTS-CHERCHEURS (ART. L. 952-6-1 DU CODE DE L'ÉDUCATION) - POSSIBILITÉ POUR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE REMETTRE EN CAUSE L'APPRÉCIATION DES MÉRITES SCIENTIFIQUES DES CANDIDATS RETENUS PAR LE COMITÉ DE SÉLECTION - ABSENCE [RJ1].

30-02-05-01-06-01-02 Le conseil d'administration de l'université, qui a pour rôle de proposer un nom au ministre sur la base d'une appréciation de l'adéquation des candidatures à la stratégie de l'établissement et n'agit pas en qualité de jury, ne peut pas apprécier les mérites scientifiques des candidats pour ne pas donner suite à l'avis motivé favorable du comité de sélection.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 15 décembre 2010, Syndicat national de l'enseignement supérieur et autres (SNESUP), n°s 316927-316986, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2011, n° 329584
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:329584.20110209
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