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08/07/2011 | FRANCE | N°330450

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 08 juillet 2011, 330450


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M.Yannick A, représenté par sa mère, Mme Kilambue B, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mai 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 14 février 2008 par laquelle le consul général de France à Kinshasa (République Démocratique du Congo) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en

France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internatio...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M.Yannick A, représenté par sa mère, Mme Kilambue B, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mai 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 14 février 2008 par laquelle le consul général de France à Kinshasa (République Démocratique du Congo) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la directive 2003/86 CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité congolaise, a sollicité un visa d'entrée et de long séjour pour rejoindre en France sa mère et l'époux de celle-ci, lesquels ont été reconnus réfugiés statutaires en 2002 ; que, par une décision du 21 mai 2009, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus opposé le 14 février 2008 par le consul général de France à Kinshasa et a rejeté la demande de M. A ;

Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa, pour confirmer le refus des autorités consulaires de délivrer le visa sollicité, a estimé que les documents d'état civil de M. A étaient dénués de valeur probante ; qu'il ressort des pièces du dossier que si des discordances existent à propos de la filiation paternelle du jeune homme entre les déclarations faites par sa mère, Mme Kilambue B, à l'Office de protection des réfugiés et apatrides et les documents d'état civil de M. A, il ressort en revanche de ces déclarations et documents que Mme Kilambue B doit être regardée comme la mère du requérant, ce que d'ailleurs le ministre ne conteste pas ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a estimé la commission, l'identité et la filiation maternelle du requérant doivent être considérées comme établies ;

Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que le ministre invoque dans son mémoire en défense communiqué à M. A, pour justifier la décision attaquée, un autre motif tiré des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant à un enfant de rejoindre, au titre de la procédure de regroupement familial, l'un seulement de ses parents en France, dès lors que l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ; que le ministre fait valoir qu'en l'espèce aucun élément du dossier ne vient établir que M. A se trouverait dans cette situation ;

Mais considérant, d'une part, que les enfants d'un réfugié statutaire doivent se voir reconnaître de la même manière la qualité de réfugié et ont droit à ce titre, lorsqu'ils ont moins de dix-huit ans, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue d'y rejoindre un de leurs parents réfugié, sous la seule réserve que la délivrance du visa ne porte pas atteinte à l'ordre public et que le lien de filiation à l'égard de ce parent soit établi ; que M. A était âgé de moins de dix-huit ans à la date à laquelle sa mère a déposé pour lui une demande de visa, dans le cadre de la procédure de famille rejoignante de réfugié statutaire auprès du consul général de France à Kinshasa ;

Considérant, d'autre part, que la mère de M. A ainsi que l'époux de celle-ci et l'ensemble de ses frères et soeurs résident en France ; qu'il demeure ainsi seul dans son pays d'origine ; que dès lors, eu égard aux liens familiaux dont pouvait justifier le requérant et de son isolement dans son pays d'origine, le rejet de sa demande de visa porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, et méconnaîtrait, par suite, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée ;

Considérant qu'il suit de là que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 21 mai 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yannick A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 330450
Date de la décision : 08/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2011, n° 330450
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: Mme Marie-Françoise Lemaître
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:330450.20110708
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