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22/07/2011 | FRANCE | N°330481

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 22 juillet 2011, 330481


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX00816 du 2 juin 2009 par lequel, sur la requête de M. A, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir partiellement annulé le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 janvier 2008, a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques d

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX00816 du 2 juin 2009 par lequel, sur la requête de M. A, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir partiellement annulé le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 janvier 2008, a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 15 septembre 2005 en tant qu'il procède au transfert à la commune des biens, droits et obligations de la section du hameau d'Exave ;

2°) réglant l'affaire au fond, de déclarer irrecevable l'appel de M. A et subsidiairement de déclarer irrecevable la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif et de rejeter cette demande ;

3°) de mettre à la charge de M. A le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la décision du 28 janvier 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;

Vu la décision n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA et de Me Spinosi, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA et à Me Spinosi, avocat de M. A,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 15 septembre 2005, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prononcé, sur la demande du conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA, le transfert à cette dernière, en application de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales, des biens appartenant aux sections des hameaux d'Exave et d'Eyharce ; que, par un jugement du 24 janvier 2008, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, la demande de M. A tendant à l'annulation de cet arrêté ; que la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande de M. A pour ce qui concerne les biens de la section du hameau d'Exave, a annulé l'arrêté préfectoral du 15 septembre 2005 en tant qu'il procède au transfert à la commune des biens de la section de ce hameau ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales : Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d'une section de communes est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département sur demande du conseil municipal dans l'un des trois cas suivants : / - lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ; / - lorsque les électeurs n'ont pas demandé la création d'une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu'elles sont définies aux articles L. 2411-3 et L. 2411-5, sont réunies ; / - lorsque moins d'un tiers des électeurs a voté lors d'une consultation ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA critique l'arrêt attaqué pour avoir jugé ces dispositions législatives incompatibles avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui stipule : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant que les membres de la section ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur les biens ou droits de la section, qui est une personne publique titulaire elle-même de ce droit, mais d'un droit de jouissance ; que, toutefois, le droit de jouissance peut être regardé comme un droit patrimonial protégé par les stipulations rappelées ci-dessus du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, d'une part, que l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales ne permet le transfert à la commune des biens, droits et obligations d'une section de commune, prononcé par le représentant de l'Etat dans le département sur demande du conseil municipal, que dans trois cas qui correspondent à des situations dans lesquelles les ayants droit de la section ont manifestement cessé de porter intérêt à son fonctionnement et à la gestion de ses biens ; que le législateur a ainsi entendu permettre, pour un motif d'intérêt général, le transfert à titre gratuit à la commune de l'ensemble des biens, droits et obligations de la section afin de mettre un terme soit au blocage de ce transfert en raison de l'abstention d'au moins deux tiers des électeurs, soit au dysfonctionnement administratif ou financier de la section ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de cet article ne font pas obstacle à ce qu'un ayant droit de la section prétende à une indemnisation de la perte de son droit de jouissance dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété de la section à la commune des biens ou droits dont la première est titulaire entraînerait pour cet ayant droit une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

Considérant, par suite, qu'en jugeant que l'absence de toute procédure d'indemnisation prévue par l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales rompait le juste équilibre devant être ménagé entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens, et que les dispositions de cet article étaient, dès lors, incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans rechercher si ces dispositions excluaient toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété de la section à la commune des biens ou droits dont la première est titulaire entraînerait pour des membres de la section une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 3 000 euros à la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 08BX00816 du 2 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : M. A versera la somme de 3 000 euros à la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-MARTIN D'ARROSSA et à M. Lucien A.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 330481
Date de la décision : 22/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2011, n° 330481
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:330481.20110722
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