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26/07/2011 | FRANCE | N°325853

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26 juillet 2011, 325853


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 mars, 15 avril et 27 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE DE COMMUNICATION ET DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE (SCPA), dont le siège est 1, immeuble Général Bricolage, Petit-Pérou, aux Abymes (97139), et par M. Alex A, demeurant ..., son gérant ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 janvier 2009, par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Radio Culture Zouk à exploit

er le service dénommé "Zouk Radio" en catégorie B dans les zones de Morne-...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 mars, 15 avril et 27 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE DE COMMUNICATION ET DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE (SCPA), dont le siège est 1, immeuble Général Bricolage, Petit-Pérou, aux Abymes (97139), et par M. Alex A, demeurant ..., son gérant ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 janvier 2009, par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Radio Culture Zouk à exploiter le service dénommé "Zouk Radio" en catégorie B dans les zones de Morne-à-Louis et de Basse-Terre ;

2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel de produire le dossier de candidature au vu duquel il a accordé les autorisations en litige et, après annulation de ces décisions, de réattribuer les fréquences 94.6 MHz à Basse-Terre et 103 MHz à Morne-à-Louis en procédant à un nouvel appel à candidatures dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à venir ;

3°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 juillet 2011, présentée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux décisions du 26 octobre 1993, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Tridom Régie K.Danse, gérée par M. Philippe B, à diffuser un service de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé K.Danse FM dans les zones de Basse-Terre et de Morne-à-Louis (Guadeloupe) ; que par une convention passée avec M. B le 1er juin 1997, la SOCIETE DE COMMUNICATION ET DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE (SCPA), gérée par M. Alex A, a obtenu l'exclusivité de la régie publicitaire et commerciale de ce service ; que par une décision du 2 septembre 1997, le conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé le changement de dénomination du service K.Danse FM en Zouk Radio ; que par une décision du 20 novembre 2007, il a autorisé l'acquisition de 60% des parts du capital social de la société Tridom Régie K.Danse, éditrice du service Zouk Radio, par la SCPA ; que, le 13 novembre 2007, le conseil supérieur a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques en modulation de fréquence dans les départements de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique ; qu'au lieu de demander le renouvellement de l'autorisation accordée à la société Tridom Régie K.Danse pour la diffusion de l'ancien service Zouk Radio, M. B a demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'autoriser la société Radio Culture Zouk, qu'il a créée à cette fin, à diffuser dans les mêmes zones un nouveau service également dénommé Zouk Radio ; que M. A et la SCPA demandent l'annulation des décisions du 12 janvier 2009, publiées au Journal officiel le 6 février 2009, par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Radio Culture Zouk à exploiter le nouveau service dénommé "Zouk Radio" en catégorie B dans les zones de Morne-à-Louis et de Basse-Terre ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un dépôt du 27 février 1998, renouvelé le 21 février 2008, M. A, en sa qualité de gérant de la SCPA, a procédé à l'enregistrement de la marque complexe ou semi-figurative " Zouk Radio " auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle ; qu'eu égard tant à cette circonstance qu'aux conditions dans lesquelles les autorisations litigieuses ont été sollicitées, les requérants justifient, alors même qu'ils n'ont pas participé à l'appel aux candidatures lancé le 13 novembre 2007, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation des décisions par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Radio Culture Zouk à diffuser un service dénommé Zouk Radio ; que la fin de non-recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit, par suite, être écartée ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " (...) l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article (...) / Les déclarations de candidature (...) indiquent notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d'émission, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus (...) / Le Conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (...) 2 ° Du financement et des perspectives d'exploitation du service (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du dépôt de son dossier de candidature, le 29 février 2008, M. B détenait, en son nom propre et par l'intermédiaire de la société Régie Culture Zouk dont il était actionnaire, 50% du capital social de la société Radio Culture Zouk, éditrice du nouveau service Zouk Radio ; que, par une ordonnance du 16 novembre 2008, le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a autorisé M. A à procéder à une saisie conservatoire sur l'ensemble des comptes bancaires, parts sociales, valeurs mobilières et actions appartenant à M. B, " pour sûreté et conservation de la somme de 255 726, 98 euros ", somme à laquelle la créance de M. A était évaluée en principal ; que la dénonciation de cette saisie a été régulièrement signifiée par exploit d'huissier à M. B le 18 novembre 2008, à la société Régie Culture Zouk le 14 novembre 2008 et à la société Radio Culture Zouk le 25 novembre 2008 ; qu'en omettant d'informer le Conseil supérieur de l'audiovisuel de ces circonstances, qui étaient de nature à remettre en cause à brève échéance le contrôle de la société Radio Culture Zouk et, par là même, à modifier de manière substantielle les données au vu desquelles le conseil supérieur était appelé à examiner sa candidature, M. B n'a pas mis cette autorité en mesure de porter en connaissance de cause les appréciations qui lui appartenaient en vertu des dispositions de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, dès lors, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler les décisions intervenues dans ces conditions ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il incombe en principe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la suite de l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'autorisation d'exploiter un service radiophonique, de statuer à nouveau au vu des candidatures présentées dans la zone concernée, dans le cadre de la procédure ayant conduit à la délivrance cette autorisation ; que toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard aux conditions, rappelées ci-dessus, dans lesquelles les autorisations litigieuses ont été sollicitées par la société Radio Culture Zouk et qui ont été constitutives d'une manoeuvre ayant empêché la SCPA de se porter candidate à l'attribution des fréquences, l'organisation d'un nouvel appel à candidatures apparaît nécessaire pour recréer les conditions d'une concurrence effective ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au Conseil supérieur de l'audiovisuel de procéder à un nouvel appel à candidatures pour attribuer les fréquences 94.6 MHz à Basse-Terre et 103 MHz à Morne-à-Louis dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Radio Culture Zouk et M. B ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser, au même titre, à M. A et à la SOCIETE DE COMMUNICATION ET DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les décisions du 12 janvier 2009 du Conseil supérieur de l'audiovisuel sont annulées.

Article 2 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel procèdera à un nouvel appel à candidatures pour attribuer les fréquences 94.6 MHz à Basse-Terre et 103 MHz à Morne-à-Louis (Guadeloupe) dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A et à la Société de Communication et de Production Audiovisuelle une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. Philippe B et la société Radio Culture Zouk au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société de Communication et de Production Audiovisuelle, à M. Alex A, à la société Radio Culture Zouk, à M. Philippe B et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325853
Date de la décision : 26/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - INTÉRÊT LIÉ À UNE QUALITÉ PARTICULIÈRE - AUTORISATION D'USAGE DE FRÉQUENCES POUR LA DIFFUSION DE SERVICES DE RADIODIFFUSION SONORE PAR VOIE HERTZIENNE TERRESTRE - SOCIÉTÉ AYANT ÉTÉ EMPÊCHÉE DE PARTICIPER À L'APPEL À CANDIDATURES ET DÉTENANT DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE SUR LE NOM DU SERVICE AUTORISÉ.

54-01-04-02-01 Bien qu'elle n'ait pas participé à l'appel à candidature lancé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en vue de l'attribution de fréquences pour la diffusion d'un service de radiodiffusion, une société qui détient des droits de propriété intellectuelle sur le nom du service autorisé et qui a été empêchée de participer à l'appel à candidatures par une manoeuvre de la société attributaire justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision d'autorisation.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXÉCUTION - ANNULATION PAR LE JUGE D'UNE DÉCISION AUTORISANT L'EXPLOITATION D'UN SERVICE DE RADIODIFFUSION SONORE PAR VOIE HERTZIENNE - CONSÉQUENCE - EN PRINCIPE - REPRISE DE LA PROCÉDURE POUR QUE LE CSA STATUE À NOUVEAU SUR LES CANDIDATURES [RJ1] - EXCEPTION - CAS OÙ UNE MANŒUVRE DE LA SOCIÉTÉ ATTRIBUTAIRE A EMPÊCHÉ UNE SOCIÉTÉ DE SE PORTER CANDIDATE - INJONCTION D'ORGANISER UN NOUVEL APPEL À CANDIDATURES.

54-06-07-008 S'il incombe en principe au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), à la suite de l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'autorisation d'exploiter un service radiophonique, de statuer à nouveau au vu des candidatures présentées dans la zone concernée, dans le cadre de la procédure ayant conduit à la délivrance cette autorisation, il en va différemment dans le cas particulier où, des manoeuvres ayant empêché une société de participer à l'appel à candidatures, l'organisation d'un nouvel appel à candidatures apparaît nécessaire pour recréer les conditions d'une concurrence effective. Possibilité, dans ce cas de figure, de faire droit à des conclusions à fin d'injonction de recommencer la procédure.

RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION - SERVICES PRIVÉS DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TÉLÉVISION - RADIOS LOCALES - OCTROI DES AUTORISATIONS - 1) INTÉRÊT POUR ATTAQUER L'AUTORISATION - SOCIÉTÉ AYANT ÉTÉ EMPÊCHÉE DE PARTICIPER À L'APPEL À CANDIDATURES ET DÉTENANT DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE SUR LE NOM DU SERVICE AUTORISÉ - EXISTENCE - 2) ANNULATION DE L'AUTORISATION PAR LE JUGE - CONSÉQUENCE - EN PRINCIPE - REPRISE DE LA PROCÉDURE POUR QUE LE CSA STATUE À NOUVEAU SUR LES CANDIDATURES [RJ1] - EXCEPTION - CAS OÙ UNE MANŒUVRE DE LA SOCIÉTÉ ATTRIBUTAIRE A EMPÊCHÉ UNE SOCIÉTÉ DE SE PORTER CANDIDATE - INJONCTION D'ORGANISER UN NOUVEL APPEL À CANDIDATURES.

56-04-01-01 1) Bien qu'elle n'ait pas participé à l'appel à candidatures lancé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en vue de l'attribution de fréquences pour la diffusion d'un service de radiodiffusion, une société qui détient des droits de propriété intellectuelle sur le nom du service autorisé et qui a été empêchée de participer à l'appel à candidatures par une manoeuvre de la société attributaire justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision d'autorisation. 2) S'il incombe en principe au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), à la suite de l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'autorisation d'exploiter un service radiophonique, de statuer à nouveau au vu des candidatures présentées dans la zone concernée, dans le cadre de la procédure ayant conduit à la délivrance cette autorisation, il en va différemment dans le cas particulier où, des manoeuvres ayant empêché une société de participer à l'appel à candidatures, l'organisation d'un nouvel appel à candidatures apparaît nécessaire pour recréer les conditions d'une concurrence effective. Possibilité, dans ce cas de figure, de faire droit à des conclusions à fin d'injonction de recommencer la procédure.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 2 juin 2010, Association Radio Horizon, n° 335073, p. 189.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2011, n° 325853
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Jean-Philippe Thiellay

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:325853.20110726
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