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26/07/2011 | FRANCE | N°337412

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 26 juillet 2011, 337412


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Isata A demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants Saliou et Ahmed B ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako (Mali) a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en

France à ses fils, Saliou et Ahmed B, en leur qualité d'enfants mineurs d...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Isata A demeurant ..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants Saliou et Ahmed B ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako (Mali) a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à ses fils, Saliou et Ahmed B, en leur qualité d'enfants mineurs d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre aux autorités compétentes de délivrer à ses enfants, Saliou et Ahmed B, les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, au besoin sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante sierra léonaise, entrée en France en 2004 et à qui la commission de recours des réfugiés a reconnu la qualité de réfugié par une décision du 9 mars 2005, demande l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Bamako refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à ses fils, Saliou et Ahmed B, nés respectivement les 22 mai 1995 et 16 janvier 2001, en qualité d'enfants mineurs d'un réfugié statutaire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser les visas sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le fait que l'authenticité des actes de naissances produits pour les enfants Saliou et Ahmed B pouvait être mise en doute, au motif notamment que les numéros des actes de naissance n'étaient pas signés de la requérante et ne concordaient pas chronologiquement ; qu'il ressort toutefois de l'ensemble des pièces du dossier, que compte tenu des difficultés de tenue de l'état-civil en Sierra-Léone, les erreurs matérielles qui entachent les documents fournis n'affectent pas, à elles seules, compte tenu de leur nature, la valeur probante de ces documents ; que, dans ces circonstances, la commission de recours contre les décisions de refus de visa a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fondant les refus opposés sur l'absence d'authenticité du lien de filiation entre Mme A et ses enfants Saliou et Ahmed B ;

Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, les éléments figurant au dossier attestent l'existence d'une relation suivie entre l'intéressée et les enfants ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que Saliou et Ahmed B ont vécu avec leur mère au Sierra Leone et au Mali jusqu'au départ de celle-ci pour la France au mois d'octobre 2004 ; qu'ils ont résidé depuis cette date chez une amie de leur mère, leurs pères respectifs n'ayant participé ni à leur entretien, ni à leur éducation ; que par ailleurs, sans qu'elle soit contredite par le ministre, Mme A soutient qu'elle a entrepris des démarches pour faire venir ses fils auprès d'elle dès son arrivée en France et leur adresse régulièrement des sommes d'argent ; que, dans ces conditions, la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur des enfants, protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à M. Saliou B et M. Ahmed B un visa d'entrée et de long séjour en France, en qualité d'enfants mineurs d'un réfugié statutaire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de l'intéressée, de la somme de 2000 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par Mme A contre la décision du consul général de France à Bamako est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer à M. Saliou B et à M. Ahmed B un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de Mme A, la somme de 2000 euros sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Isata A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 337412
Date de la décision : 26/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2011, n° 337412
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:337412.20110726
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