La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2011 | FRANCE | N°329372

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 14 octobre 2011, 329372


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 2 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Ghislaine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0702227 du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 24 septembre 2007 du recteur de l'académie de Dijon rejetant son recours gracieux formé contre l'arrêté du 30 août 2007 l'affectant, pour l'année 2007-2008, au poste d'ens

eignant remplaçant au lycée Janot de Sens ainsi que sa demande de pris...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 2 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Ghislaine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0702227 du 16 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 24 septembre 2007 du recteur de l'académie de Dijon rejetant son recours gracieux formé contre l'arrêté du 30 août 2007 l'affectant, pour l'année 2007-2008, au poste d'enseignant remplaçant au lycée Janot de Sens ainsi que sa demande de prise en charge des frais de déplacement et, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 ;

Vu le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de Mme A,

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré : Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation, titulaires et stagiaires, peuvent être chargés, dans le cadre de l'académie et conformément à leur qualification, d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant. ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : Pour l'application du présent décret, le recteur détermine au sein de l'académie, par arrêté pris après avis du comité technique paritaire académique, les différentes zones dans lesquelles les personnels mentionnés à l'article 1er ci-dessus exercent leurs fonctions. ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : L'arrêté d'affectation dans l'une des zones prévues à l'article 2 ci-dessus des personnels mentionnés à l'article 1er indique l'établissement public local d'enseignement ou le service de rattachement de ces agents pour leur gestion. Le territoire de la commune où est implanté cet établissement ou ce service est la résidence administrative des intéressés. / Le recteur procède aux affectations dans les établissements ou les services d'exercice des fonctions de remplacement par arrêté (...) / Ces établissements ou services peuvent être situés, lorsque l'organisation du service l'exige, dans une zone limitrophe de celle mentionnée à l'alinéa 1er ci-dessus. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par arrêté du 30 août 2007 pris sur le fondement de ces dispositions, le recteur de l'académie de Dijon a affecté Mme A, pour l'année 2007-2008, au lycée Janot de Sens, situé en zone de remplacement limitrophe, en qualité de professeur d'économie et de gestion administrative remplaçant ; que, par un courrier du 24 septembre 2007, le recteur a, d'une part, rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre cet arrêté et, d'autre part, refusé de faire droit à sa demande tendant au règlement de ses frais de déplacements temporaires ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme A dirigée contre ces décisions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la décision d'affectation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, invoqué par Mme A à l'encontre de l'arrêté d'affectation litigieux, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce que l'époux de l'intéressée était fréquemment en déplacement professionnel, que ses deux filles majeures poursuivaient leurs études à Paris et Saint-Etienne et que sa dernière fille était scolarisée à Dijon ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à son examen que Mme A, dont la résidence familiale était à Dijon où elle vivait notamment avec sa fille mineure alors âgée de quinze ans, était affectée par l'arrêté du 30 août 2007, prenant effet dès la rentrée scolaire de septembre et pour une année scolaire entière, en zone de remplacement limitrophe à Sens, à plus de 220 kilomètres de son domicile, sans que l'administration ait fait valoir l'existence d'exigences de nature à justifier une telle mesure, le tribunal administratif de Dijon a inexactement qualifié l'atteinte portée par cet arrêté au respect de la vie privée et familiale de la requérante en jugeant que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'avaient pas été méconnues ;

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la décision rejetant la demande de règlement des frais de déplacements temporaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat : Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : (...) / 3° Agent assurant un intérim : agent qui se déplace pour occuper un poste temporairement vacant, situé hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale (...) / 6° Résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté ou l'école où il effectue sa scolarité. Lorsqu'il est fait mention de la résidence de l'agent, sans autre précision, cette résidence est sa résidence administrative ; / 7° Résidence familiale : le territoire de la commune sur lequel se situe le domicile de l'agent (...) ;

Considérant que, s'il découle de ces dispositions qu'en règle générale, la résidence administrative de l'agent est déterminée par le lieu du service auquel il est affecté, il résulte des termes mêmes de l'article 3, cité plus haut, du décret du 17 septembre 1999 précisant les conditions d'exercice particulières applicables aux enseignants chargés d'assurer des remplacements dans les établissements du second degré, que la résidence administrative de ces derniers pour leur gestion est le territoire de la commune où est implanté leur établissement de rattachement au sein de leur zone de remplacement ; que cet établissement de rattachement doit ainsi être regardé, pour l'application du décret du 3 juillet 2006, comme celui auquel l'enseignant remplaçant a été affecté, pendant toute sa durée d'exercice au sein d'une même zone de remplacement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A dont, ainsi qu'il a été dit, la résidence familiale était située à Dijon, avait été affectée à la zone de remplacement Côte d'Or et rattachée administrativement au lycée Montchapet de Dijon par un arrêté du recteur du 11 juillet 2007 ; qu'ainsi, en jugeant qu'en raison de l'affectation de l'intéressée au lycée Catherine et Raymond Janot de Sens, elle devait être regardée comme ayant, pendant toute la durée de cette mission de remplacement, sa résidence administrative à Sens et comme ne pouvant, dès lors, bénéficier à ce titre du règlement de ses frais de déplacements temporaires en application de l'article 2 du décret du 3 juillet 2006, le tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme A est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à demander l'annulation de cet arrêté, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision du 24 septembre 2007 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A est fondée à soutenir qu'en refusant de lui accorder le règlement de ses frais de déplacements temporaires liés à l'exercice de ses fonctions d'enseignant remplaçant au lycée Catherine et Raymond Janot de Sens, le recteur de l'académie de Dijon a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles 2 du décret du 3 juillet 2006 et 3 du décret du 17 septembre 1999 ; que la requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation de cette décision de refus ;

Sur les conclusions de Mme A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 avril 2009 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 30 août 2007 du recteur de l'académie de Dijon et sa décision du 24 septembre 2007 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ainsi que la demande de règlement des frais de déplacements temporaires de Mme A sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Ghislaine A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329372
Date de la décision : 14/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2011, n° 329372
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:329372.20111014
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award