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23/12/2011 | FRANCE | N°340330

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 23 décembre 2011, 340330


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 5 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Brigitte A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC01056 du 8 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0801297 du 19 mai 2009 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2008 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recher

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 5 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Brigitte A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC01056 du 8 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0801297 du 19 mai 2009 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2008 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche confirmant sa décision du 25 juillet 2007 refusant de renouveler son contrat en qualité de maître de conférences associée à mi-temps à l'université de Mulhouse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-733 du 17 juillet 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, exerçant à temps partiel des fonctions de comptable salariée, a été recrutée à partir de 1994 en qualité de maître de conférences associée à mi-temps à l'institut universitaire de technologie de Colmar, rattaché à l'université de Mulhouse, pour des périodes de trois ans renouvelables ; qu'elle a déféré au juge de l'excès de pouvoir la décision du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en date du 8 janvier 2008, confirmant, contrairement au souhait de l'université concernée, le non-renouvellement de son contrat d'association, au motif que son activité de comptable salariée ne pouvait plus être regardée comme son " activité principale " au sens de l'article 9 du décret du 17 juillet 1985 relatif aux maîtres de conférences et professeurs des universités associés ou invités ; que ses conclusions ont été rejetées par le tribunal administratif de Strasbourg, puis par un arrêt du 8 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Nancy, contre lequel elle se pourvoit en cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, repris à l'article L. 952-1 du code de l'éducation : " (...) Les enseignants associés ou invités assurent leur service à temps plein ou à temps partiel. Ils sont recrutés pour une durée limitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 17 juillet 1985 relatif aux maîtres de conférences et professeurs des universités associés ou invités : " I. Des personnalités françaises ou étrangères justifiant depuis au moins trois ans d'une activité professionnelle principale, autre que d'enseignement, et d'une expérience professionnelle directement en rapport avec la spécialité enseignée peuvent être recrutées en qualité de professeur des universités ou de maître de conférences associés à mi-temps. / II. Les intéressés sont tenus d'effectuer un service d'enseignement et de recherche d'une durée égale à la moitié de celle qui s'applique aux personnels titulaires de même catégorie. / La cessation de leur activité principale entraîne de plein droit la cessation du contrat d'association au terme de l'année universitaire en cours (...). " ; que ces dispositions ont pour objet de permettre aux universités d'accueillir des enseignants à temps partiel disposant d'une expérience professionnelle pouvant directement bénéficier à l'université et à ses étudiants ; que, pour apprécier si l'activité professionnelle concernée peut être qualifiée de principale, l'autorité compétente pour recruter l'enseignant associé doit prendre en compte tout à la fois le temps qui est consacré à cette activité et la rémunération qui y est attachée ; que, par suite, en jugeant que, pour apprécier au titre du décret du 17 juillet 1985, le caractère principal de l'activité professionnelle, le niveau de rémunération était le critère " déterminant ", la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a notifié le 25 juillet 2007 au président de l'université de Mulhouse la décision de ne pas renouveler le contrat de maître de conférences associée à mi-temps de Mme A à compter du 1er septembre 2007 ; que, par lettre du 25 septembre 2007 de son avocat au ministre, sollicitant " l'intervention du ministre dans le dossier ", puis par courriel du 18 octobre 2007 auquel se réfère la lettre du même ministre en date du 8 janvier 2008, Mme DEVIN a entendu contester cette décision ; que la lettre contestée du ministre en date du 8 janvier 2008 constitue donc une décision de rejet du recours gracieux exercé par Mme DEVIN à l'encontre de la décision du 25 juillet 2007 intervenu dans les délais du recours contentieux dont pouvait bénéficier Mme A ; que si la lettre datée du 8 janvier 2008 comporte la mention des voies et délais de recours, aucune pièce du dossier n'établit la date de sa notification à l'intéressée ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, tirée de ce que l'enregistrement de la demande le 10 mars 2008 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg est survenu après l'expiration du délai de recours, doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 janvier 2008 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, qui exerce une activité de comptable salariée au sein de la société Saint-Rémy, est titulaire d'un contrat à durée indéterminée de 20 heures par semaine et perçoit pour ses activités une rémunération voisine du traitement correspondant à l'indice brut 253 ; qu'ainsi Mme A est fondée à soutenir que l'activité de comptable qu'elle exerce, tout à la fois par le temps qu'elle y consacre, supérieur à un mi-temps, et par la rémunération qu'elle perçoit, constitue son " activité professionnelle principale " au sens des dispositions de l'article 9 du décret du 17 juillet 1985 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en refusant à Mme A le renouvellement de son contrat de maître de conférences associée à mi-temps à l'université de Mulhouse, au seul motif que sa rémunération en qualité de comptable salariée était insuffisante car " inférieure à celle perçue en qualité de maître de conférences associée à mi-temps ", le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a inexactement appliqué les textes précités ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête présentée devant la cour administrative d'appel de Nancy, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 8 janvier 2008 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, Mme A présente des conclusions tendant à ce que le juge administratif enjoigne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de la réintégrer dans ses fonctions de maître de conférences associée à mi-temps à l'université de Mulhouse ; que la présente décision, qui accueille ses conclusions aux fins d'annulation, n'implique pas nécessairement que son contrat, qui a pris fin le 1er septembre 2007, soit reconduit sans que l'autorité compétente pour recruter un enseignant associé statue à nouveau sur une demande présentée par l'intéressée ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A d'une somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2010 et le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mai 2009 sont annulés.

Article 2 : La décision du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 8 janvier 2008 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Brigitte A et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 340330
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-01-06-01-02 ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE. QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET GRANDES ÉCOLES. UNIVERSITÉS. GESTION DES UNIVERSITÉS. GESTION DU PERSONNEL. RECRUTEMENT. - RECRUTEMENT D'ENSEIGNANTS ASSOCIÉS - I DE L'ARTICLE 9 DU DÉCRET DU 17 JUILLET 1985 - CONDITION DE L'ACTIVITÉ PRINCIPALE - CRITÈRES.

30-02-05-01-06-01-02 En vertu du I de l'article 9 du décret n° 85-733 du 17 juillet 1985 relatif aux maîtres de conférences et professeurs des universités associés ou invités, des personnalités françaises ou étrangères justifiant depuis au moins trois ans d'une « activité professionnelle principale », autre que d'enseignement, et d'une expérience professionnelle directement en rapport avec la spécialité enseignée peuvent être recrutées en qualité de professeur des universités ou de maître de conférences associés à mi-temps. Pour apprécier si l'activité professionnelle concernée peut-être qualifiée de « principale », l'autorité compétente pour recruter l'enseignant associé doit prendre en compte tout à la fois le temps qui est consacré à cette activité et la rémunération qui y est attachée.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 340330
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:340330.20111223
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