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03/02/2012 | FRANCE | N°347717

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 03 février 2012, 347717


Vu le pourvoi, enregistré le 22 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ; le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0803818-1 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Charles A, sa décision du 6 août 2008, prise après avis de la commission des recours des militaires, rejetant le recours administratif préalable de M. A contre la décision du 8 avril 2008 ordonnant sa muta

tion à la base aérienne 702 d'Avord ;

2°) réglant l'affaire au fon...

Vu le pourvoi, enregistré le 22 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ; le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0803818-1 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. Charles A, sa décision du 6 août 2008, prise après avis de la commission des recours des militaires, rejetant le recours administratif préalable de M. A contre la décision du 8 avril 2008 ordonnant sa mutation à la base aérienne 702 d'Avord ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, adjudant-chef de l'armée de l'air breveté contrôleur aérien, a été muté par décision du 8 avril 2008 de la base aérienne d'Istres (Bouches-du-Rhône) à celle d'Avord (Cher) ; que M. A a demandé l'annulation de cette décision au motif qu'elle faisait obstacle à la mise en oeuvre d'une décision de justice fixant la résidence des enfants de son couple divorcé en alternance hebdomadaire au domicile de chacun des parents ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours administratif préalable contre la décision de mutation ; que le tribunal administratif d'Orléans, à la demande de M. A, a annulé la décision ministérielle par son jugement en date du 27 janvier 2011 ; que le MINISTRE se pourvoit en cassation à l'encontre de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ; qu'aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée: Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés : / 1° De leur conjoint ; / 2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu'ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ; / La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service. / Lorsque les circonstances l'exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte. ;

Considérant, d'une part, qu'en jugeant que la décision de mutation en date du 8 avril 2008 concernant M. A portait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nonobstant le statut de M. A et les conditions de service propres à l'exercice de la qualité militaire, sans rechercher si l'intérêt du service invoqué par l'administration, eu égard aux besoins en personnel de la base aérienne d'Avord, était susceptible de modifier cette appréciation, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le jugement du 18 novembre 2008 du juge des affaires familiales de Tarascon fixant, à titre temporaire, la résidence alternée des enfants du couple au domicile de chacun des parents ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges qu'à la date à laquelle le ministre a pris la décision de mutation attaquée, l'arrangement de dates pour la garde alternée des enfants résultait d'un accord amiable, qui pouvait être ajusté à la situation nouvelle créée par la mutation de M. A ; qu'en se fondant sur une décision du juge judiciaire intervenue postérieurement à la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et en jugeant qu'elle s'imposait à l'autorité militaire, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le MINISTRE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, si M. A soutient que la décision de mutation attaquée est de nature à faire obstacle à la garde alternée hebdomadaire de ses enfants au domicile de chacun des parents, cette conséquence ne suffit pas, compte tenu notamment des obligations statutaires de l'intéressé, des conditions de service propres à l'exercice de la fonction militaire et de ce que le MINISTRE justifie que l'intérêt du service rendait nécessaire la présence de

sous-officiers contrôleurs aériens à la base aérienne d'Avord, à faire regarder la mutation dont il a fait l'objet, pour les besoins du service, comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'une autre organisation de la garde des enfants, tenant compte de l'éloignement géographique des deux parents, peut être mise en place et se substituer à la précédente ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS rejetant son recours administratif préalable, tendant à l'annulation de la décision ordonnant sa mutation sur la base aérienne d'Avord ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 27 janvier 2011 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de M. A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à Monsieur Charles A.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 347717
Date de la décision : 03/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2012, n° 347717
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rémy Schwartz
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Nuttens
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:347717.20120203
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