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30/03/2012 | FRANCE | N°349628

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 30 mars 2012, 349628


Vu, 1°) sous le n° 349628 la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 25 mai et le 30 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Raymond A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 26 novembre 2010 par lequel le Président de la République a prononcé son exclusion de l'ordre de la Légion d'honneur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 349629 la requête e

t le mémoire complémentaire, enregistrés le 25 mai 2011 et 30 septembre 2011 au secré...

Vu, 1°) sous le n° 349628 la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 25 mai et le 30 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Raymond A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 26 novembre 2010 par lequel le Président de la République a prononcé son exclusion de l'ordre de la Légion d'honneur ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 349629 la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 25 mai 2011 et 30 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Raymond A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 26 novembre 2010 par lequel le Président de la République a prononcé son exclusion de l'ordre national du Mérite ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la légion d'honneur et de la médaille militaire;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 63-1196 du 3 décembre 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que M. A, général d'armée, demande l'annulation pour excès de pouvoir des décrets du 26 novembre 2010 par lesquels le Président de la République a prononcé son exclusion d'une part de l'ordre de la légion d'honneur, d'autre part de l'ordre national du mérite ; que ces exclusions, fondées sur les mêmes faits et les mêmes motifs, sont intervenues consécutivement à sa condamnation par jugement du tribunal correctionnel de Paris à une peine, devenue définitive, de dix mois d'emprisonnement avec sursis du chef de détention d'images de mineurs présentant un caractère pornographique ;

Considérant que l'article 34 du décret du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite rend applicables aux membres de cet ordre les sanctions et la procédure disciplinaire prévues pour la légion d'honneur ; que les dispositions applicables sont ainsi les mêmes s'agissant des sanctions infligées aux membres de l'ordre de la légion d'honneur et de l'ordre national du mérite ; que les deux décisions contestées ont été prises au terme de la procédure disciplinaire prévue aux articles 103 et 104 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire, et en application de l'article 92 de ce code, lequel dispose : " Peut être exclue de l'ordre toute personne qui a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle. " ;

Sur la légalité externe des décisions contestées :

Considérant que les décrets litigieux mentionnent avec précision les faits commis par M. A ainsi que la condamnation dont il a été l'objet et les textes dont ils font application ; que dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que les décrets attaqués sont insuffisamment motivés ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 103 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire : " L'intéressé est averti par le Grand chancelier de l'ouverture d'une action disciplinaire à son encontre. Il lui est donné connaissance des pièces de son dossier. / Il est invité, à cette occasion, à produire, dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois, ses explications et sa défense au moyen d'un mémoire établi par lui ou par son avocat. (...) " ; qu'il ressort des pièces des dossiers que le Grand chancelier de la légion d'honneur, ainsi qu'il y était tenu, a informé M. A, par lettre du 21 mai 2010, de l'ouverture de procédures disciplinaires engagées à son encontre ; que M. A a produit en réponse un mémoire du 22 juin 2010 ; que cet échange contradictoire s'est poursuivi par une seconde lettre du 6 juillet 2010 adressée à M. A, lequel a répondu par un second mémoire du 27 août 2010 ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu présenter ses observations écrites en défense dans le délai prévu à l'article R. 103 du même code ;

Considérant qu'il ressort également des pièces des dossiers, d'une part, que les avis des conseils au vu desquels le Président de la République a pris les décisions contestées ont été rendus à la majorité des deux tiers requise par les dispositions de l'article R. 104 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire; que, d'autre part, si M. A ne disposait pas encore, comme il le soutient, du jugement du tribunal correctionnel de Paris lors de l'engagement de la procédure disciplinaire, il a été informé de son intervention par la lettre du Grand chancelier de la légion d'honneur, chancelier de l'ordre national du mérite, en date du 21 mai 2010, procédant précisément à l'ouverture d'une double action disciplinaire à son encontre ; que le jugement était au dossier de ces deux procédures disciplinaires menées conjointement et que le général A avait été mis à même d'en prendre communication ;

Sur la légalité interne des décisions contestées :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit, M. A ayant été condamné par un jugement du 13 avril 2010 du tribunal correctionnel de Paris à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis, le Président de la République a pu légalement décider de l'exclure des ordres de la légion d'honneur et du mérite en application des dispositions ci-dessus citées de l'article R. 92 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire ;

Considérant que par ce jugement du 13 avril 2010 devenu définitif, le juge pénal a constaté que M. A avait, entre 2004 et 2008, téléchargé sur son ordinateur personnel près de trois mille quatre cents images à caractère pornographique mettant en scène des enfants de six mois à dix ans ; que si M. A soutient que ce comportement était imputable à la tumeur cérébrale dont il était alors affecté, il ressort des termes mêmes des conclusions d'un des spécialistes, professeur de médecine, cité par le requérant, que si cette tumeur a été " un élément désinhibant ", elle n'explique son comportement que " dans une certaine mesure " ; que si M. A remet également en cause l'appréciation du juge pénal, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, tenu par la seule autorité de la chose jugée s'attachant à la constatation matérielle des faits de ce juge, de se prononcer sur le bien fondé de la qualification qu'il leur a donné et de la sanction qu'il a prononcée ; qu'eu égard à leur gravité, au comportement qu'ils révèlent, quand bien même M. A a souffert, ainsi qu'il a été dit, d'une grave affection médicale et avait jusque là servi son pays au sein de l'armée française avec honneur et exemplarité, le Président de la République n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation en procédant à son exclusion des deux ordres nationaux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation des requêtes de M. A doivent être rejetées, ainsi, que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. A sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond A et au Grand chancelier de l'ordre de la légion d'honneur.

Copie pour information sera adressée au Président de la République.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 349628
Date de la décision : 30/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2012, n° 349628
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rémy Schwartz
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:349628.20120330
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