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24/04/2012 | FRANCE | N°346651

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 24 avril 2012, 346651


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 13 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Nadine E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 décembre 2010 du Président de la République portant nomination de magistrats en tant qu'il nomme Mme Brigitte C épouse F vice-présidente du tribunal de grande instance de Toulon, M. Didier B vice-président chargé de l'instruction près du même tribunal, Mme Carine D et Mme Sophie G, vice-procureures de la République prè

s du même tribunal et en tant qu'il ne procède pas à sa nomination ;...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 13 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Nadine E, demeurant ... ; Mme E demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 décembre 2010 du Président de la République portant nomination de magistrats en tant qu'il nomme Mme Brigitte C épouse F vice-présidente du tribunal de grande instance de Toulon, M. Didier B vice-président chargé de l'instruction près du même tribunal, Mme Carine D et Mme Sophie G, vice-procureures de la République près du même tribunal et en tant qu'il ne procède pas à sa nomination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant que Mme E, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon, demande l'annulation du décret du 17 décembre 2010 portant nomination de magistrats en tant qu'il nomme Mme Brigitte C épouse F vice-présidente du tribunal de grande instance de Toulon, M. Didier B vice-président chargé de l'instruction près du même tribunal, Mme Carine D et Mme Sophie G, vice-procureures de la République près du même tribunal, au motif que sa propre candidature aurait été illégalement écartée ;

Considérant, en premier lieu, que le refus du garde des sceaux, ministre de la justice de proposer la nomination d'un magistrat n'a à être motivé ni sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979, laquelle impose la motivation des seules décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auxquels ils ont droit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ni sur le fondement d'aucune autre disposition législative ou réglementaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Nul magistrat ne peut être promu au premier grade dans la juridiction où il est affecté depuis plus de cinq années, à l'exception de la Cour de cassation " ; que le ministre de la justice a pu légalement, parmi l'ensemble des éléments permettant d'apprécier la situation personnelle de Mme Barret, prendre notamment en compte la circonstance qu'elle demandait une élévation de grade sur place et refuser d'y faire suite sans méconnaître les dispositions de l'article 2 citées ci-dessus ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant le décret contesté le ministre aurait pris la décision de refuser de proposer la nomination de Mme Barret à un poste de premier grade au tribunal de grande instance de Toulon pendant une période de cinq ans afin de la priver de toute possibilité d'élévation sur place ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 29 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l'organisation judiciaire, les nominations des magistrats tiennent compte de leur situation de famille " ; qu'il ne résulte toutefois pas de ces dispositions que seule doive être prise en compte la situation de famille des intéressés pour choisir entre les candidatures compatibles avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l'organisation judiciaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait intervenue sans qu'ait été prise en compte la situation familiale de l'intéressée ; que par suite, l'auteur de la décision attaquée n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 29 citées ci-dessus ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en admettant même que comme le fait valoir Mme E, sa candidature était compatible avec l'intérêt du service et les particularités de l'organisation judiciaire, et que son parcours professionnel et ses évaluations la qualifiaient pour les postes litigieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation qu'il appartient à l'autorité de nomination de porter sur les différentes candidatures déclarées à un même poste au regard de l'intérêt du service ait été entachée d'une erreur manifeste ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les nominations contestées auraient été prises en méconnaissance du principe d'égalité ;

Considérant, en dernier lieu, que si Mme E soutient que le refus de la nommer dans un poste de premier grade près le tribunal de grande instance de Toulon est empreint de discrimination, elle n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément de fait susceptible de faire présumer une atteinte au principe à valeur constitutionnelle de l'égalité de traitement des personnes ; que, dans ces conditions, le décret attaqué doit être regardé, en tant qu'il nomme Mme Brigitte C épouse F, M. Didier B, Mme Carine D et Mme Sophie G dans des postes de premier grade près le tribunal de grande instance de Toulon, comme ne reposant pas sur des motifs entachés de discrimination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme E est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Nadine E, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, au Premier ministre, à Mme Brigitte C, à M. Didier B, à Mme Carine D et à Mme SophieA.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 346651
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2012, n° 346651
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Eric Aubry
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:346651.20120424
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