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15/05/2012 | FRANCE | N°339833

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 15 mai 2012, 339833


Vu, 1° sous le n° 339833, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION INTERCO CFDT, dont le siège est 47/49, avenue Simon Bolivar à Paris (75950), représentée par sa secrétaire générale ; la FEDERATION INTERCO CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 0

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° ...

Vu, 1° sous le n° 339833, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION INTERCO CFDT, dont le siège est 47/49, avenue Simon Bolivar à Paris (75950), représentée par sa secrétaire générale ; la FEDERATION INTERCO CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 339835, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION INTERCO CFDT, dont le siège est 47/49, avenue Simon Bolivar à Paris (75950), représentée par sa secrétaire générale ; la FEDERATION INTERCO CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-344 du 31 mars 2010 tirant les conséquences au niveau réglementaire de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;

Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION INTERCO CFDT,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION INTERCO CFDT ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre chargé de la santé ;

Considérant que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la création des agences régionales de santé ; que le décret attaqué n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé a pour seul objet de fixer la date de création de ces établissements publics à sa date de publication, soit le 1er avril 2010 ; que le décret attaqué n° 2010-344 du 31 mars 2010 tire les conséquences au niveau réglementaire de l'intervention de la loi du 21 juillet 2009, et prévoit son entrée en vigueur à la date de publication du décret n° 2010-336, soit ce même 1er avril 2010 ;

Sur le moyen tiré du défaut de consultation du Conseil d'Etat sur le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé :

Considérant que l'article L. 1431-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 118 de la loi du 21 juillet 2009, dispose que " Les modalités d'application du présent titre sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat, sauf disposition contraire. " ; que ces dispositions se réfèrent au titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique " agences régionales de santé " ; que cependant, le I de l'article 131 de cette même loi prévoit que les dispositions relatives aux agences régionales de santé " entrent en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010 ", sans imposer que la date de cette entrée en vigueur soit fixée par décret en Conseil d'Etat ; que, par suite, le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010, qui se borne à fixer cette date, conformément au I de cet article 131, au titre du pouvoir général d'application des lois, a pu légalement intervenir sans avoir été préalablement soumis pour avis au Conseil d'Etat ;

Sur les moyens communs aux deux requêtes :

En ce qui concerne l'absence de consultation des comités techniques paritaires compétents :

Considérant que, d'une part, si la FEDERATION INTERCO CFDT soutient que le décret n° 2010-344 aurait dû être soumis à la consultation des comités techniques paritaires compétents, elle ne précise pas lesquelles des très nombreuses dispositions de ce décret auraient rendu nécessaire une telle consultation ;

Considérant que, d'autre part, le décret n° 2010-336, qui se borne à fixer la date de création des agences régionales de santé à sa date de publication, ne porte pas sur l'organisation ou le fonctionnement des services et ne comporte pas de dispositions statutaires relatives aux personnels ; qu'il pouvait donc être pris sans consultation préalable d'un des comités techniques paritaires évoqués par la requérante ;

En ce qui concerne l'absence de concertation préalable :

Considérant que l'article L. 1 du code du travail dispose que : " Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. " ;

Considérant que les décrets attaqués ne portent pas sur les relations individuelles et collectives de travail et ne relèvent pas du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1 du code du travail ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance des stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

Considérant que les stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui reconnaissent à toute personne le droit à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts, ainsi que le droit de mener des négociations collectives avec l'employeur, n'imposent aucune obligation de concertation ou de consultation des syndicats préalablement à l'adoption de textes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article est inopérant ;

Considérant que la méconnaissance de l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne relatif au droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts ne saurait être utilement invoquée à l'encontre des décrets attaqués, qui ne mettent pas en oeuvre le droit de l'Union ;

En ce qui concerne l'entrée en vigueur immédiate des décrets attaqués :

Considérant que le second alinéa de l'article 1er du code civil dispose que : " En cas d'urgence entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l'ordonne par une disposition spéciale " ;

Considérant, d'une part, que, compte tenu de la nécessité que cette création intervienne, pour des raisons administratives, le premier jour d'un mois et de l'urgence qui s'attachait à la création effective des agences régionales de santé, le décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 a pu légalement prévoir qu'il entrerait en vigueur le jour de sa publication ;

Considérant, d'autre part, que le décret n° 2010-344 prévoit, à son article 371, que ses dispositions " entrent en vigueur à la date de publication du décret portant création des agences régionales de santé et au plus tard le 1er juillet 2010 " ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'illégalité en ce qu'il prévoirait son entrée en vigueur à la date de sa publication sans qu'aucune nécessité absolue ne le justifie manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décrets attaqués ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION INTERCO CFDT sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION INTERCO CFDT, au Premier ministre, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 339833
Date de la décision : 15/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - ENTRÉE EN VIGUEUR - ENTRÉE EN VIGUEUR IMMÉDIATE - ENTRÉE EN VIGUEUR IMMÉDIATE POUR CAUSE D'URGENCE (ART - 1ER DU CODE CIVIL) - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR SUR LES MOTIFS JUSTIFIANT L'USAGE PAR LE GOUVERNEMENT DE CETTE FACULTÉ - CONTRÔLE NORMAL.

01-08-01-01 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation conduisant le Gouvernement à prendre, comme le permet l'article 1er du code civil en cas d'urgence, une disposition spéciale permettant l'entrée en vigueur immédiate d'une disposition.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - ENTRÉE EN VIGUEUR IMMÉDIATE POUR CAUSE D'URGENCE D'UN ACTE ADMINISTRATIF (ART - 1ER DU CODE CIVIL) - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR SUR LES MOTIFS JUSTIFIANT L'USAGE PAR LE GOUVERNEMENT DE CETTE FACULTÉ.

54-07-02-03 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation conduisant le Gouvernement à prendre, comme le permet l'article 1er du code civil en cas d'urgence, une disposition spéciale permettant l'entrée en vigueur immédiate d'une disposition.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2012, n° 339833
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Chrystelle Naudan-Carastro
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:339833.20120515
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