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16/05/2012 | FRANCE | N°343145

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 16 mai 2012, 343145


Vu le pourvoi, enregistré le 8 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE SALAZIE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SALAZIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du n°09BX02949 du 8 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 23 mai 2006 ainsi que la décision du maire refusant de titulariser M. A, et d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A dans un délai de deux mois ;
>2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;

3°) de mett...

Vu le pourvoi, enregistré le 8 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE SALAZIE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SALAZIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du n°09BX02949 du 8 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 23 mai 2006 ainsi que la décision du maire refusant de titulariser M. A, et d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A dans un délai de deux mois ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

Vu le décret n° 2001-898 du 28 septembre 2001 :

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chelle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE SALAZIE et de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE SALAZIE et à la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été recruté par la commune de Salazie en qualité d'agent non titulaire à compter du 1er février 1985 pour exercer des fonctions de chauffeur ; que, par une lettre du 7 mai 2004, il a demandé au maire de cette commune de procéder à sa titularisation ; que, sa demande ayant été implicitement rejetée, il a demandé l'annulation de ce refus au tribunal administratif de Saint-Denis, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 23 mai 2006 ; que, par un arrêt du 16 novembre 2009, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 3 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A contre le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis et renvoyé l'affaire à la cour ; que la commune de Salazie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant à nouveau, a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis et la décision implicite du maire refusant de titulariser M. A et enjoint à la commune de procéder au réexamen de la demande de M. A ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi, les agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant des fonctions correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres d'emplois peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, selon les modalités fixées aux articles 5 et 6 ci-dessous, sous réserve qu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours des douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire recruté en application de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;/ 2° Avoir été, durant la période de deux mois définie au 1°, en fonctions ou avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris pour l'application de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;/ 3° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 5, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 6, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au cadre d'emplois concerné. Les intéressés peuvent obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes requis ; / 4° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 5, ou au plus tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents relevant de l'article 6, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : " Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 4 et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 peuvent accéder par voie d'intégration directe au cadre d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés et qu'ils ont exercées pendant la durée prévue au 4° de l'article 4, dans la collectivité ou l'établissement public dans lequel ils sont affectés, sous réserve de remplir l'une des conditions suivantes : (...) " ;

Considérant que, pour justifier devant la cour administrative d'appel de Bordeaux la décision du maire refusant de titulariser M. A, la COMMUNE DE SALAZIE, après avoir cité les dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 3 janvier 2001, soutenait que M. A n'établissait pas remplir les conditions de titres ou diplômes exigées par le 3° de l'article 4 ; qu'en relevant, pour écarter cette argumentation, qu' " il est constant que M. A remplit les conditions de titularisation fixées par la loi du 3 janvier 2001 ", la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que son arrêt doit par suite être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, par application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que le tribunal administratif de Saint-Denis, après avoir cité l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui prévoit que " les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi ", et l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui fixe une liste de cas dans lesquels les fonctionnaires territoriaux peuvent être recrutés sans concours, a relevé, d'une part, que M. A se bornait à soutenir qu'il devait être titularisé en vertu des deux lois précitées sans justifier ses allégations et, d'autre part, que la circonstance qu'il était employé par la COMMUNE DE SALAZIE depuis plus de vingt ans ne suffisait pas à lui ouvrir la possibilité d'être titularisé ; qu'il a ainsi omis de répondre au moyen invoqué par M. A, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la titularisation pouvait intervenir sans concours, en considération de son ancienneté de service ; que, dès lors, son jugement du 23 mai 2006 doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de M. A ;

Considérant que la loi du 3 janvier 2001 prévoit, par dérogation à la règle du recrutement par concours posée par l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984, que peuvent bénéficier d'une mesure d'intégration directe, sans concours, au sein de la collectivité qui les emploie, les agents recrutés après le 27 janvier 1984 et remplissant les conditions posées par ses articles 4 et 5 ; qu'au nombre des cadres d'emplois permettant une intégration dans la fonction publique territoriale sur le fondement des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 3 janvier 2001, dont la liste est fixée à l'annexe du décret du 28 septembre 2001 pris pour l'application de la loi du 3 janvier 2001, figurent notamment certains des cadres d'emplois de la catégorie C relevant des filières techniques et administratives ;

Considérant que la commune soutient que la décision implicite de refus de titularisation opposée à M. A est fondée, d'une part, sur l'exigence que les fonctionnaires soient recrutés par concours, et, d'autre part, sur le fait que M. A a fait l'objet d'une procédure disciplinaire ; que, toutefois, le premier motif méconnaît les dispositions précitées de la loi du 3 janvier 2001 ; que la commune ne pouvait davantage se fonder sur le second motif, dès lors que le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a, par un jugement devenu définitif, annulé pour inexactitude matérielle des faits le licenciement disciplinaire de M. A ;

Considérant que si la commune soutient par ailleurs que M. A ne satisfaisait pas à la condition de diplôme ou de reconnaissance de l'expérience professionnelle requise par le 3° de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001, un tel motif, dépourvu de toute précision, ne saurait être regardé comme de nature à fonder légalement la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée du maire de SALAZIE ;

Considérant que l'annulation par le présent arrêt, de la décision du 11 juillet 2004 du maire de Salazie refusant de titulariser M. A n'implique pas nécessairement que le maire prononce la titularisation demandée mais impose seulement à l'administration de réexaminer après nouvelle instruction la demande de M. A ; qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de Salazie de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, sans qu'il soit nécessaire s'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A et de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Salazie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 juin 2010, le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion du 23 mai 2006, et la décision implicite de rejet de la demande de titularisation de M. A sont annulés.

Article 2 : La COMMUNE DE SALAZIE versera à M. A la somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la COMMUNE DE SALAZIE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint à la COMMUNE DE SALAZIE de procéder au réexamen de la demande de titularisation de M. A, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt

Article 4 ; Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SALAZIE et à M. Luc-Adrien A.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 343145
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2012, n° 343145
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN ; SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:343145.20120516
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