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23/07/2012 | FRANCE | N°349581

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 23 juillet 2012, 349581


Vu le pourvoi, enregistré le 24 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les arrêts n° 10BX03002 et 10BX03003 du 4 avril 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de Mme Milla A et de M. Hovsep B, d'une part, annulé les arrêtés du préfet de la Vienne du 26 juillet 2010 portant obligation à chacun de quitter le territoire français et fixant le pays de destina

tion, d'autre part, réformé en ce qu'il a de contraire à cet arrêt le...

Vu le pourvoi, enregistré le 24 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les arrêts n° 10BX03002 et 10BX03003 du 4 avril 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de Mme Milla A et de M. Hovsep B, d'une part, annulé les arrêtés du préfet de la Vienne du 26 juillet 2010 portant obligation à chacun de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, réformé en ce qu'il a de contraire à cet arrêt les jugements n° 1002363 et n° 1002361 du tribunal administratif de Poitiers du 18 novembre 2010 et lui a enjoint de délivrer aux intéressés une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer leur situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A et de M. B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A et M. B,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A et M. B ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, de nationalité arménienne, et son compagnon M. B, de nationalité azerbaïdjanaise, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2007 avec leurs deux enfants, nés en Russie, alors âgés de trois et deux ans ; qu'un troisième enfant est né en France en février 2010 ; que, par deux arrêtés du 26 juillet 2010, le préfet de la Vienne a pris à leur encontre une décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant deux pays différents de destination, l'Arménie pour Mme A et l'Azerbaïdjan pour M. B ; que, par deux jugements du 18 novembre 2010, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes des intéressés tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés ; que, par deux arrêts du 4 avril 2011, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé pour excès de pouvoir les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans les deux arrêtés du préfet de la Vienne du 26 juillet 2010 et rejeté le surplus des conclusions des intéressés ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration se pourvoit en cassation contre ces arrêts en tant qu'ils ont annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant que, pour juger que les décisions préfectorales obligeant Mme A et M. B à quitter le territoire français et fixant les pays respectifs de destination ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour s'est notamment fondée sur le motif tiré de ce que ces décisions faisaient courir aux intéressés, compte tenu de leur différence de nationalité, des risques sérieux d'être séparés l'un de l'autre et d'être séparés de leurs enfants ; que, toutefois, la circonstance que les intéressés sont de deux nationalités distinctes étant sans incidence sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, seules les décisions fixant le pays de destination pouvaient être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts ; qu'ainsi, en retenant implicitement que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques de séparation du couple pouvait être utilement soulevé à l'encontre des deux décisions obligeant les intéressés à quitter le territoire français, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les articles 1er et 2 des arrêts du 4 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux doivent être annulés en tant qu'ils ont annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français contenues dans les arrêtés du préfet de la Vienne du 26 juillet 2010 et réformé dans cette mesure les jugements du tribunal administratif de Poitiers ; que, par voie de conséquence, les articles 3 et 4 de ces mêmes arrêts doivent également être annulés ;

Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A et de M. B ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 des arrêts du 4 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés en tant qu'ils ont annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français contenues dans les arrêtés du préfet de la Vienne du 26 juillet 2010 et réformé dans cette mesure les jugements du tribunal administratif de Poitiers.

Article 2 : Les articles 3 et 4 des arrêts du 4 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A et M. B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur, à Mme Milla A et à M. Hovsep B.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 349581
Date de la décision : 23/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - LÉGALITÉ INTERNE - CIRCONSTANCE QUE DEUX ÉTRANGERS EN COUPLE FAISANT L'OBJET D'OQTF SONT DE DEUX NATIONALITÉS DIFFÉRENTES - OPÉRANCE À L'ENCONTRE DES OQTF - ABSENCE - OPÉRANCE À L'ENCONTRE DES DÉCISIONS FIXANT LE PAYS DE DESTINATION - EXISTENCE.

335-03-02 La circonstance que deux étrangers en couple sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité des décisions les concernant portant obligation de quitter le territoire français. Seules les décisions fixant le pays de destination peuvent être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts.

ÉTRANGERS - RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - LÉGALITÉ INTERNE - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE - CIRCONSTANCE QUE DEUX ÉTRANGERS EN COUPLE FAISANT L'OBJET D'OQTF SONT DE DEUX NATIONALITÉS DIFFÉRENTES - OPÉRANCE À L'ENCONTRE DES OQTF - ABSENCE - OPÉRANCE À L'ENCONTRE DES DÉCISIONS FIXANT LE PAYS DE DESTINATION - EXISTENCE.

335-03-02-02 La circonstance que deux étrangers en couple sont de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité des décisions les concernant portant obligation de quitter le territoire français. Seules les décisions fixant le pays de destination peuvent être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation du couple dans deux pays distincts.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2012, n° 349581
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:349581.20120723
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