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03/10/2012 | FRANCE | N°333489

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 03 octobre 2012, 333489


Vu 1°), sous le n° 333489, la requête, enregistrée le 2 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Germain C, ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la circulaire n° NOR JUSK 0940007C du 13 juillet 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser un euro symbolique au titre de dommages et intérêts ;

Vu 2°), sous le n° 347679, l'ordonnance n° 0910003 du

17 mars 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 mars 201...

Vu 1°), sous le n° 333489, la requête, enregistrée le 2 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Germain C, ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la circulaire n° NOR JUSK 0940007C du 13 juillet 2009 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser un euro symbolique au titre de dommages et intérêts ;

Vu 2°), sous le n° 347679, l'ordonnance n° 0910003 du 17 mars 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 mars 2011, par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête de M. Germain C ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 6 novembre 2009, présentée par M. C, ... ; M. C demande :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note à la population pénale n° 220 S/DIR/OM/IG du 8 septembre 2009 du directeur de la maison centrale de Poissy relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme d'un euro symbolique au titre de dommages et intérêts ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de procédure pénale

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la circulaire ministérielle du 13 juillet 2009 relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées :

2. Considérant que l'article 727-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date de la circulaire litigieuse, reconnaît le droit des détenus de passer des communications téléphoniques et l'assortit de diverses modalités de contrôle des conversations tenues ; qu'aux termes de l'article D. 419-1 du même code, alors en vigueur : " Les condamnés sont autorisés à téléphoner au moins une fois par mois, à leurs frais, aux membres de leur famille, à leurs proches qu'ils soient ou non titulaires de permis de visite ainsi qu'à leur avocat (...) / Le chef d'établissement peut, sur décision motivée par des impératifs d'ordre, de sécurité et de prévention des infractions pénales ainsi que s'il apparaît que les communications risquent d'être contraires à la réinsertion du détenu, à l'intérêt des victimes ou sur demande du correspondant, refuser ou retirer l'autorisation d'une communication téléphonique. / Les condamnés peuvent aussi être autorisés par le chef d'établissement à téléphoner à d'autres personnes en vue de la préparation de leur réinsertion sociale. / La fréquence, les jours et les heures d'accès à un poste téléphonique ainsi que la durée de la communication sont fixés par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire. / Les numéros d'appel et l'identité des destinataires des appels doivent être communiqués au chef d'établissement " ;

3. Considérant que M. C conteste les dispositions de la circulaire ministérielle du 13 juillet 2009 limitant, dans les établissements pour peine, à quarante le nombre de numéros de téléphone qu'un détenu peut faire figurer sur la liste personnelle de numéros de téléphone qu'il est autorisé à appeler ainsi que les dispositions imposant aux détenus, dans ces mêmes établissements, de fournir des pièces permettant de vérifier l'identité des titulaires des numéros figurant sur cette liste ;

4. Considérant qu'en limitant, dans les établissements considérés, à quarante le nombre de numéros de téléphone qu'un détenu est autorisé à appeler en sus des numéros figurant sur une liste commune, tels que ceux des services de réinsertion et des avocats, que tous les détenus peuvent appeler, et en subordonnant la désignation de ces numéros à la justification par tous moyens de l'identité de leurs titulaires, le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est borné, comme il y était habilité, à donner des instructions aux chefs de services pénitentiaires afin d'assurer la mise en oeuvre du droit des détenus de passer des communications téléphoniques dans les conditions prévues aux articles 727-1 et D. 419-1 du code de procédure pénale, et sa conciliation avec les impératifs de sécurité publique et d'ordre public dans les établissements pénitentiaires, sans porter atteinte au droit ainsi reconnu aux détenus ; que M. C n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait méconnu les dispositions précitées du code de procédure pénale et entaché sa décision d'incompétence ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la note à la population pénale du directeur de la maison centrale de Poissy en date du 8 septembre 2009 relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées :

5. Considérant que la note du 8 septembre 2009 indique que, à compter du 4 janvier 2010, le nombre de numéros de téléphone qu'un détenu peut faire figurer sur la liste de numéros de téléphone qu'il est autorisé à appeler, en sus des numéros que tous les détenus sont autorisés à appeler, est limité à quarante, et que l'identité du titulaire d'un numéro figurant sur cette liste devra être justifiée par la production de la dernière facture de téléphone, fixe ou portable, du titulaire de ce numéro ;

6. Considérant que le directeur de la maison centrale de Poissy s'est borné à appliquer la circulaire ministérielle du 13 juillet 2009 en prévoyant que le nombre de numéros de téléphone qu'un détenu est autorisé à appeler, en sus des numéros figurant sur une liste commune, serait limité à quarante et n'a ainsi pas porté atteinte au droit des détenus de passer des communications téléphoniques dans les conditions prévues aux articles 727-1 et R. 419-1 du code de procédure pénale ; qu'il a, en revanche, porté atteinte à ce droit en limitant, en vertu de son pouvoir d'organisation du service, le mode de preuve de l'identité du titulaire de la ligne à la production de la dernière facture de téléphone, fixe ou portable, de ce titulaire ; que sa note est, dans cette mesure, entachée d'illégalité ;

Sur les conclusions tendant à l'octroi de dommages et intérêts :

7. Considérant que, faute d'avoir fait l'objet d'une demande préalable au garde des sceaux, ministre de la justice, les demandes de dommages et intérêts présentées par M. C sont irrecevables ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C est seulement fondé à demander l'annulation de la note du directeur de la maison de Poissy du 8 septembre 2009 en tant qu'elle prévoit que, à compter du 4 janvier 2010, l'identité du titulaire d'un numéro appelé par un détenu devra être justifiée par la production de la dernière facture de téléphone, fixe ou portable, du titulaire de la ligne ;

D E C I D E :

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Article 1er : La note à la population pénale du 8 septembre 2009 du directeur de la maison centrale de Poissy relative à l'usage du téléphone par les personnes détenues condamnées est annulée en tant qu'elle prévoit que, à compter du 4 janvier 2010, l'identité du titulaire d'un numéro appelé par un détenu devra être justifiée par la production de la dernière facture de téléphone, fixe ou portable, du titulaire de la ligne.

Article 2 : Le surplus des requêtes de M. C est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Germain C et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333489
Date de la décision : 03/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2012, n° 333489
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:333489.20121003
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