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10/10/2012 | FRANCE | N°343348

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10 octobre 2012, 343348


Vu 1°), sous le n° 343348, l'ordonnance n°10DA00983 du 13 septembre 2010, enregistrée le 17 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. D ;

Vu le pourvoi sommaire, enregistré le 4 août 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire complémentaire, enregistré le 17 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Et

at, présentés pour M. Philippe D, demeurant au ... ; M. D demande au ...

Vu 1°), sous le n° 343348, l'ordonnance n°10DA00983 du 13 septembre 2010, enregistrée le 17 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. D ;

Vu le pourvoi sommaire, enregistré le 4 août 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire complémentaire, enregistré le 17 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe D, demeurant au ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0902195 du 25 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclaré non avenu son jugement du 8 juillet 2005 rendu dans l'instance n° 0503249 confirmant l'arrêté de péril du 6 juillet 2004 du maire d'Assevent (Nord) mettant en demeure M. et Mme B de démolir dans le délai d'un mois leur immeuble sis au 109 rue Willot ;

2°) réglant l'affaire au fond, de déclarer non avenu le jugement du 8 juillet 2005 et d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2004 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Assevent la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 343349, l'ordonnance n°10DA00982 du 13 septembre 2010, enregistrée le 17 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par M. D ;

Vu le pourvoi sommaire, enregistré le 5 août 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire complémentaire, enregistré le 17 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe D, demeurant au 169, route d'Avesnes à Louvroil (59720) ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0902192 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2009 du maire d'Assevent lui ordonnant de procéder à plusieurs travaux dans l'immeuble sis au 111 rue Maurice Willot à Assevent (Nord) ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Assevent la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la commune d'Assevent, et de Me Le Prado, avocat de M. D ;

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la commune d'Assevent, et à Me Le Prado, avocat de M. D ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté de péril pris le 6 juillet 2004 sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, le maire d'Assevent (Nord) a mis les époux B en demeure de démolir un immeuble leur appartenant, sis au 109 rue Maurice Willot ; que cet arrêté a été homologué à la demande du maire par un jugement du 8 juillet 2005 du tribunal administratif de Lille ; qu'un entrepreneur mandaté par la commune afin de faire exécuter d'office les travaux de démolition ayant indiqué que leur réalisation risquait d'entraîner, en raison de l'existence d'un mur mitoyen, l'effondrement de l'immeuble sis au 111 rue Maurice Willot, le maire a pris le 10 février 2009, au vu du rapport d'un expert désigné par le tribunal administratif, conformément aux dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, un arrêté de péril imminent ordonnant à M. D, propriétaire de cet immeuble, de réaliser des travaux destinés à en assurer la stabilité lors de l'opération de démolition ; que M. D a alors saisi le tribunal administratif, d'une part, d'une tierce opposition dirigée contre le jugement du 8 juillet 2005 et, d'autre part, d'un recours contre l'arrêté du 10 février 2009 ; qu'il se pourvoit en cassation contre les jugements du 25 mai 2010 par lesquels le tribunal administratif a rejeté ses demandes ;

Sur la requête n° 343348 dirigée contre le jugement n° 0902195 du 25 mai 2010 rejetant la tierce opposition de M. D contre le jugement du 8 juillet 2005 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, alors en vigueur : " Dans les cas prévus au premier alinéa de l'article L. 511-1, le propriétaire est mis en demeure d'effectuer dans un délai déterminé les travaux de réparation ou de démolition de l'immeuble menaçant ruine et, si le propriétaire conteste le péril, de faire commettre un expert chargé de procéder, contradictoirement et au jour fixé par l'arrêté, à la constatation de l'état du bâtiment et de dresser rapport. / Si, au jour indiqué, le propriétaire n'a point fait cesser le péril et s'il n'a pas cru devoir désigner un expert, il sera passé outre et procédé à la visite par l'expert seul nommé par l'administration. / Le tribunal administratif, après avoir entendu les parties dûment convoquées conformément à la loi, statue sur le litige de l'expertise, fixe, s'il y a lieu, le délai pour l'exécution des travaux ou pour la démolition. Il peut autoriser le maire à y faire procéder d'office et aux frais du propriétaire si cette exécution n'a pas eu lieu à l'époque prescrite " ; que, sous l'empire de ces dispositions, les mesures ordonnées par le maire n'acquéraient un caractère exécutoire qu'après avoir été homologuées par le tribunal administratif ;

3. Considérant que le caractère contradictoire de la procédure que le législateur a entendu conférer à la procédure de péril ne peut être respecté, dans les cas où il apparaît que la partie de l'immeuble menaçant ruine dont la démolition ou la réparation est envisagée se trouve en copropriété ou en mitoyenneté, que si l'arrêté de péril met en cause tous les copropriétaires et propriétaires mitoyens ; qu'ainsi, la circonstance que l'arrêté du 6 juillet 2004 ne mentionnait pas M. D entachait cet arrêté d'irrégularité ; qu'en jugeant que cette circonstance était sans incidence sur la légalité de l'acte, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, M. D est fondé à demander l'annulation du jugement n° 0902195 du 25 mai 2010 ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'en sa qualité de propriétaire mitoyen d'un immeuble menaçant ruine dont la démolition était envisagée, M. D devait être appelé à l'instance introduite par le maire d'Assevent devant le tribunal administratif de Lille et que le jugement rendu par ce tribunal le 8 juillet 2005, qui a homologué une démolition susceptible de porter atteinte à sa propriété, a préjudicié à ses droits ; qu'il est constant que M. D n'a été mis en cause ni avant l'intervention de l'arrêté du 6 juillet 2004 ni avant son homologation par le tribunal administratif le 8 juillet 2005 ; que l'absence de caractère contradictoire de la procédure à son égard faisait obstacle à ce que l'arrêté du 6 juillet 2004 soit homologué et rendu ainsi exécutoire ; que, par suite, M. D est recevable et fondé à demander que le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 8 juillet 2005 soit déclaré non avenu ;

6. Considérant, toutefois, que, dans sa rédaction en vigueur à la date de la présente décision, l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ne prévoit plus l'homologation des arrêtés de péril par le juge administratif mais dispose que ces arrêtés, pris après procédure contradictoire, peuvent être exécutés d'office par le maire à la suite d'une mise en demeure non suivie d'effet ; qu'ainsi, la demande d'homologation de l'arrêté du 6 juillet 2004, présentée par le maire d'Assevent devant le tribunal administratif de Lille, a perdu son objet et qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur la requête n° 343349 dirigée contre le jugement n° 0902192 du 25 mai 2010 rejetant le recours de M. D contre l'arrêté du 10 février 2009 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 décembre 2005 : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble " ;

8. Considérant que, pour ordonner à M. D, par son arrêté du 10 février 2009, de faire exécuter des travaux sur son immeuble, le maire d'Assevent s'est fondé sur la circonstance qu'il risquait d'être déstabilisé, compte tenu de la présence d'un mur mitoyen, par la démolition de l'immeuble voisin, ordonnée par l'arrêté du 6 juillet 2004 devenu exécutoire ; que, pour écarter l'exception invoquée par l'intéressé, tirée de l'illégalité de cet arrêté, le tribunal administratif a estimé que la circonstance qu'il ne mentionnait pas M. D était sans incidence sur sa légalité ; que, pour les raisons indiquées ci-dessus, ce motif est entaché d'erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

10. Considérant que l'article 7 du décret du 8 novembre 2006 relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation prévoit, à titre transitoire, que si un arrêté de péril, pris avant le 1er octobre 2006, n'a pas, à cette date, fait l'objet d'une homologation par le tribunal administratif, il appartient au maire, s'il constate que le péril n'a pas cessé, de mettre le propriétaire en mesure de présenter des observations sur les mesures ordonnées, puis de fixer un délai pour leur exécution ; que ces dispositions s'appliquent à l'arrêté du maire d'Assevent du 6 juillet 2004, lequel, dès lors que la présente décision déclare non avenu le jugement du 8 juillet 2005, doit être regardé comme n'ayant jamais fait l'objet d'une homologation ;

11. Considérant que l'arrêté du 6 juillet 2004 ne mentionne pas M. D et est, par suite, entaché d'illégalité ; qu'au surplus, il est constant qu'il n'a pas été rendu exécutoire dans les conditions prévues par l'article 7 du décret du 8 novembre 2006 rappelé ci-dessus ; que le maire ne pouvait, par suite, pas se fonder sur cet arrêté pour motiver l'existence d'un péril imminent ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 10 février 2009 ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Assevent la somme de 4 000 euros à verser à M. D au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement n° 0902195 du tribunal administratif de Lille du 25 mai 2010 est annulé.

Article 2 : Le jugement n° 0503249 du tribunal administratif de Lille du 8 juillet 2005 est déclaré nul et non avenu.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande du maire d'Assevent tendant à l'homologation de son arrêté du 6 juillet 2004 ordonnant la démolition de l'immeuble sis au 109 rue Maurice Willot.

Article 4 : Le jugement n° 0902192 du tribunal administratif de Lille du 25 mai 2010 est annulé.

Article 5 : L'arrêté du 10 février 2009 du maire d'Assevent ordonnant la réalisation de travaux sur l'immeuble sis au 111 rue Maurice Willot est annulé.

Article 6 : La commune d'Assevent versera à M. D une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la commune d'Assevent présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Philippe D, à M. et Mme Daniel B et à la commune d'Assevent.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 343348
Date de la décision : 10/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2012, n° 343348
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:343348.20121010
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