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17/10/2012 | FRANCE | N°358538

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 17 octobre 2012, 358538


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 avril et 25 mai 2012, présentés pour M. Zinedine B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 1er février 2012 accordant son extradition aux autorités algériennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention euro

péenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la conve...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 avril et 25 mai 2012, présentés pour M. Zinedine B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret en date du 1er février 2012 accordant son extradition aux autorités algériennes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention entre la France et l'Algérie, relative à l'exequatur et à l'extradition, signée le 27 août 1964 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. B,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Spinosi, avocat de M. B ;

1. Considérant que par le décret attaqué du 1er février 2012, le Premier ministre a accordé aux autorités algériennes l'extradition de M. Zinedine B, aux fins de poursuites pour l'exécution du mandat d'arrêt décerné le 19 juillet 2009 par le juge d'instruction près la 3ème chambre du tribunal de Sétif pour des faits de faux et usage de faux en écriture bancaire et bénéfice illicite par abus de pouvoir et trafic d'influence sur des agents d'établissement public ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, figurant au dossier et certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; que l'ampliation notifiée à M. B n'avait pas à être revêtue de ces signatures ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, relative à l'exequatur et à l'extradition : " 1° La demande d'extradition est adressée par la voie diplomatique./ 2° Elle est accompagnée : a) de l'original ou de l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné dans les formes prescrites par la loi de l'Etat requérant(...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition a été adressée au gouvernement français par l'ambassadeur de la République algérienne à Paris et qu'elle était accompagnée de toutes les pièces requises ; qu'ainsi doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, seules applicables en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 696-8 du code de procédure pénale, qui n'ont qu'un caractère supplétif ;

4. Considérant que tout moyen de forme ou de procédure touchant à l'avis de la chambre de l'instruction de la cour d'appel sur une demande d'extradition échappe à la compétence du Conseil d'Etat saisi d'un recours contre le décret d'extradition ; que, par suite, il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'examiner les moyens tirés de ce que cet avis aurait dû être précédé d'un renvoi préjudiciel devant le juge de la nationalité et de ce qu'il aurait été rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau au-delà du délai d'un mois prescrit par l'article 696-15 du code de procédure pénale ;

5. Considérant que le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qui est soutenu, le ministre de la justice a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B avant d'accorder son extradition aux autorités algériennes ;

7. Considérant que le respect du principe de la double incrimination par la législation de l'Etat requérant et par celle de l'Etat requis, posé par l'article 696-3 du code français de procédure pénale, n'implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations ; que la majoration illicite de prix reçoit en droit algérien la qualification de trafic d'influence sur des agents d'établissement public pour obtenir une hausse des prix et d'abus de pouvoir, prévue et réprimée par le 2° de l'article 26 de la loi 06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et, en droit français, la qualification de corruption active et de trafic d'influence commis par des particuliers, punie par les articles 433-1 et 433-2 du code pénal ; que les faux et usage de faux en écritures bancaires reçoivent la qualification de faux en écritures de commerce ou de banque réprimés par les articles 216, 219 et 221 du code pénal algérien et, en droit français, de faux et usage de faux punis par l'article 441-1 du code pénal ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la double incrimination ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte tant des principes généraux du droit applicables à l'extradition que des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés à M. B à l'origine de la demande d'extradition ;

9. Considérant, d'une part, que si M. B soutient que, né en 1958 en Algérie, il remplissait la condition de réintégration dans la nationalité française, il n'allègue pas avoir détenu cette nationalité à l'époque des infractions pour lesquelles l'extradition est requise, se bornant à imputer l'absence de production des justificatifs nécessaires à l'examen de sa demande de réintégration aux lenteurs des administrations des deux pays ; qu'il en résulte que M. B n'est pas fondé à soutenir que le décret accordant son extradition aurait méconnu les stipulations de l'article 12 de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, qui prohibe l'extradition, par les Etats contractants, de leurs nationaux, la nationalité s'appréciant à la date de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise, et qui sont seules applicables en l'espèce, à l'exclusion des dispositions de l'article 696-4 du code de procédure pénale, qui n'ont qu'un caractère supplétif ;

10. Considérant que, si M. B soutient qu'il aurait été jugé dans des conditions inéquitables lors du procès qui a donné lieu au jugement prononcé en son absence le 19 octobre 2009 par le tribunal de Sétif, ces allégations ne suffisent pas à établir que les conditions dans lesquelles il viendrait à être jugé pour les faits retenus le priveraient du droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme des garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense mentionnées au 7° de l'article 696-4 du code de procédure pénale ;

11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que l'extradition de M. B l'exposerait à des risques exceptionnels pour son état de santé eu égard aux pathologies dont il souffre ; que, par suite, le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, enfin, que si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au droit au respect de la vie familiale, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ; que la circonstance que l'intéressé, marié avec une compatriote dont il a eu trois enfants, vit avec sa famille en France, n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 1er février 2012 accordant son extradition aux autorités algériennes ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Zinedine B et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 358538
Date de la décision : 17/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2012, n° 358538
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:358538.20121017
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