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13/03/2013 | FRANCE | N°342704

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 13 mars 2013, 342704


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A... C...et Mlle B...C..., demeurant..., ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC00127 du 21 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0800868 du 11 décembre 2008 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvo

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A... C...et Mlle B...C..., demeurant..., ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC00127 du 21 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0800868 du 11 décembre 2008 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 1er avril 2008 par lequel le maire de Giromagny a ordonné l'hospitalisation d'office de MlleC..., des arrêtés des 2 et 3 avril 2008 par lesquels le préfet du territoire de Belfort a décidé l'hospitalisation d'office de celle-ci au centre hospitalier spécialisé de Bavilliers, puis son transfert au centre hospitalier spécialisé de Saint-Rémy, et de l'arrêté du 3 avril 2008 du préfet de la Haute-Saône " admettant Mlle C...en hospitalisation d'office après transfert " au centre hospitalier spécialisé de Saint-Rémy ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 et n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011 relatives, respectivement, à l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, et à l'article L. 3213-2 du même code ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme C...et de Mlle C...et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune de Giromagny,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme C...et de Mlle C...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune de Giromagny ;

1. Considérant que MlleC..., alors mineure, a fait l'objet le 1er avril 2008 d'une mesure d'hospitalisation d'office provisoire décidée par le maire de Giromagny, sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique ; que, le 2 avril 2008, le préfet du Territoire de Belfort a décidé son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Bavilliers, situé dans ce département, en application de l'article L. 3213-1 de ce même code, puis, le 3 avril 2008, son transfert au centre hospitalier spécialisé de Saint-Rémy, situé dans le département de la Haute-Saône ; que, le même jour, le préfet de ce département a pris un arrêté " portant admission en hospitalisation d'office par transfert " de Mlle C...dans ce centre hospitalier ; que, par un jugement du 11 décembre 2008, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande présentée par M. et Mme C...en leur nom propre et au nom de leur fille, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces quatre arrêtés et à la condamnation de l'Etat et de la commune de Giromagny à réparer le préjudice subi par leur fille ; que, par un arrêt du 21 juin 2010, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé ce jugement ; que M. et Mme C...et Mlle C...se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il se prononce sur la légalité des arrêtés litigieux ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...n'ont pas soulevé, dans leurs écritures d'appel, de moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 1er avril 2008 par lequel le maire de Giromagny a ordonné l'hospitalisation d'office provisoire de leur fille ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que la cour administrative d'appel aurait omis de se prononcer sur ce moyen ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'elle prononce ou maintient une mesure d'hospitalisation d'office en application des articles L. 3213-1 et suivants du code de la santé publique, l'autorité administrative doit, en vertu respectivement de l'article L. 3213-1 et des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure ; que, si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant au certificat médical circonstancié qui doit être nécessairement établi antérieurement, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision ; que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté du 2 avril 2008 du préfet du Territoire de Belfort décidant l'hospitalisation d'office de Mlle C...était insuffisamment motivé, la cour administrative d'appel a recherché si le certificat médical, dont l'arrêté s'appropriait le contenu et qui lui était joint, était suffisamment circonstancié ; qu'elle n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant que la motivation de cet arrêté était suffisante, elle a porté sur celui-ci ainsi que sur le certificat médical qui lui était annexé une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le préfet du département dans lequel une personne est hospitalisée d'office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Saône n'avait à prendre, au titre de la procédure de transfert de Mlle C...au centre hospitalier spécialisé de Saint-Rémy, aucune mesure d'hospitalisation d'office, susceptible d'interférer avec le décompte des durées d'hospitalisation mentionnées aux articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du code de la santé publique alors applicables ; que, par suite, faute pour la cour administrative d'appel d'avoir relevé d'office cette incompétence de l'auteur de la décision contestée devant elle, son arrêt doit être annulé sur ce point ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts C...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il a statué sur la légalité de l'arrêté du 3 avril 2003 du préfet de la Haute-Saône ;

6. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

7. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'arrêté du 3 avril 2003 du préfet de la Haute-Saône est entaché d'incompétence ; que, par suite, M. et Mme C...et Mlle C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 décembre 2008, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux consorts C...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Giromany au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 11 décembre 2008 du tribunal administratif de Besançon sont annulés en tant qu'ils statuent sur la légalité de l'arrêté du 3 avril 2008 du préfet de la Haute-Saône.

Article 2 : L'arrêté du 3 avril 2008 du préfet de la Haute-Saône portant " admission en hospitalisation d'office par transfert " de Mlle C...est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C...et à Mlle C...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la commune de Giromagny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...C..., à Mlle B...C..., à la commune de Giromagny et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 342704
Date de la décision : 13/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPÉCIALES - POLICE DES ALIÉNÉS - PLACEMENT D'OFFICE - DÉCISION DE TRANSFERT D'UNE PERSONNE HOSPITALISÉE D'OFFICE DANS UN AUTRE DÉPARTEMENT - 1) COMPÉTENCE DU SEUL PRÉFET DU DÉPARTEMENT D'ORIGINE POUR PRENDRE UNE TELLE MESURE - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - MESURE À PRENDRE PAR LE PRÉFET DU DÉPARTEMENT D'ACCUEIL - ABSENCE - 2) CAS DANS LEQUEL CE DERNIER PRÉFET A TOUTEFOIS PRIS UNE TELLE MESURE - DÉCISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS - EXISTENCE (SOL - IMPL - ) [RJ2].

49-05-01-01 1) Le préfet du département dans lequel une personne est hospitalisée d'office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département. Dans une telle hypothèse, le préfet de cet autre département n'a à prendre, au titre de la procédure de transfert, aucune mesure d'hospitalisation d'office, susceptible d'interférer avec le décompte des durées d'hospitalisation mentionnées aux articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du code de la santé publique.,,,2) Si le préfet du département d'accueil a toutefois pris une mesure d'hospitalisation d'office, celle-ci peut faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - NOUVELLE MESURE D'HOSPITALISATION D'OFFICE PRISE PAR LE PRÉFET DU DÉPARTEMENT DANS LEQUEL UNE PERSONNE HOSPITALISÉE D'OFFICE EST TRANSFÉRÉE [RJ2].

54-01-01-01 Le préfet du département dans lequel une personne est hospitalisée d'office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département. Dans une telle hypothèse, le préfet de cet autre département n'a à prendre, au titre de la procédure de transfert, aucune mesure d'hospitalisation d'office, susceptible d'interférer avec le décompte des durées d'hospitalisation mentionnées aux articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du code de la santé publique. Si le préfet du département d'accueil a toutefois pris une mesure d'hospitalisation d'office, celle-ci peut faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir.

SANTÉ PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLÉAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LES MALADIES MENTALES - ÉTABLISSEMENTS DE SOINS - MODE DE PLACEMENT DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE SOINS - PLACEMENT D'OFFICE - DÉCISION DE TRANSFERT D'UNE PERSONNE HOSPITALISÉE D'OFFICE DANS UN AUTRE DÉPARTEMENT - 1) COMPÉTENCE DU SEUL PRÉFET DU DÉPARTEMENT D'ORIGINE POUR PRENDRE UNE TELLE MESURE - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - MESURE À PRENDRE PAR LE PRÉFET DU DÉPARTEMENT D'ACCUEIL - ABSENCE - 2) CAS DANS LEQUEL CE DERNIER PRÉFET A TOUTEFOIS PRIS UNE TELLE MESURE - DÉCISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS - EXISTENCE (SOL - IMPL - ) [RJ2].

61-03-04-01-01-02 1) Le préfet du département dans lequel une personne est hospitalisée d'office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département. Dans une telle hypothèse, le préfet de cet autre département n'a à prendre, au titre de la procédure de transfert, aucune mesure d'hospitalisation d'office, susceptible d'interférer avec le décompte des durées d'hospitalisation mentionnées aux articles L. 3213-3 et L. 3213-4 du code de la santé publique.,,,2) Si le préfet du département d'accueil a toutefois pris une mesure d'hospitalisation d'office, celle-ci peut faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 28 juillet 2000, M. E.A., n° 151068, p. 347.,,

[RJ2]

Comp., pour l'irrecevabilité de principe des recours dirigés contre des actes superfétatoires, CE, 3 juillet 1968, Passerat, n° 70261, p. 419 ;

CE, 2 novembre 1973, Ministre de l'équipement et du logement c / Phélippon, n° 86211, p. 615 ;

CE, 29 juin 1984, Association de sauvegarde de l'église de Castels et du château de Fages, n° 39485, T. p. 697 ;

CE, 17 décembre 1993, Ministre de l'intérieur c/ Descaves, n° 131269, T. pp. 772-937.

Rappr., pour d'autres cas d'exception à cette irrecevabilité de principe eu égard aux effets susceptibles d'être prêtés aux actes en cause, CE, 15 janvier 1982, Société Allard, n° 18463, p. 22 ;

CE, Section, 5 juin 1987, Mme Lalain, n° 38177 et autres, p. 195 ;

CE, Section, 3 décembre 1993, Commune de Villeneuve-sur-Lot, n° 135782, p. 344.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2013, n° 342704
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:342704.20130313
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