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20/03/2013 | FRANCE | N°344604

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 20 mars 2013, 344604


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2010 et 24 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Energy Caraïbes, dont le siège est ZI de Jarry, 44 rue Henri Becquerel, à Baie Mahault (97122), représentée par son président, et la société Energy Investissements, dont le siège est 4 rue du Général de Larminat, à Paris (75015), représentée par son président ; les sociétés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 20 juillet 2010 du cons

eil régional de la Guadeloupe relative au développement des installations de product...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2010 et 24 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Energy Caraïbes, dont le siège est ZI de Jarry, 44 rue Henri Becquerel, à Baie Mahault (97122), représentée par son président, et la société Energy Investissements, dont le siège est 4 rue du Général de Larminat, à Paris (75015), représentée par son président ; les sociétés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 20 juillet 2010 du conseil régional de la Guadeloupe relative au développement des installations de production d'énergie électrique mettant en oeuvre de l'énergie fatale à caractère aléatoire ;

2°) de mettre à la charge de la région de la Guadeloupe une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 73 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles LO 4435-1 à LO 4435-12 ;

Vu l'article 69 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement économique des outre-mer ;

Vu l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'électricité en basse tension ou en moyenne tension d'une installation de production d'énergie électrique ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 311-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Mignon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Guadeloupe,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Guadeloupe ;

1. Considérant qu'en application du troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 69 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a habilité le conseil régional de la Guadeloupe " à fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n°CR/09-269 du 27 mars 2009 " ; que sur le fondement de cette habilitation, le conseil régional de la Guadeloupe, par une délibération du 20 juillet 2010, a prévu que les installations de production mettant en oeuvre de l'énergie fatale à caractère aléatoire, qui, au-delà d'une certaine taille, peuvent, dans les zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental, en application de l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'électricité en basse tension ou en moyenne tension d'une installation de production d'énergie électrique , être déconnectées du réseau public de distribution d'électricité par le gestionnaire de celui-ci lorsque la somme des puissances actives injectées par de telles installations atteint 30 % de la puissance active totale transitant sur le réseau, ne le seraient pas en Guadeloupe tant que la somme des puissances installées par de telles installations serait inférieure ou égale à une puissance totale sur le territoire de 17 MW pour les installations photovoltaïques au sol, 32 MW pour les installations photovoltaïques en toiture, 31 MW pour les éoliennes ; que l'objet de cette délibération est de fixer en Guadeloupe un ordre spécifique de déconnection des installations, fondé sur l'origine de l'énergie mise en oeuvre, afin de promouvoir un développement plus équilibré des différentes modalités de production d'électricité mettant en oeuvre de l'énergie fatale à caractère aléatoire et d'éviter qu'un développement trop rapide des centrales photovoltaïques au sol ne compromette celui de l'éolien et du photovoltaïque en toiture ; que le conseil régional de la Guadeloupe justifie cette décision par les particularités du système électrique et de la situation énergétique sur son territoire, et par la nécessité de préserver les paysages et les surfaces agricoles ;

2. Considérant que les sociétés requérantes, qui, à la date de la délibération attaquée, avaient en Guadeloupe trois projets en cours de développement d'installation de centrales photovoltaïques au sol pour une puissance totale de 23 MW, demandent l'annulation de cette délibération ;

3. Considérant, en premier lieu, que si l'article LO 4435-7du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les délibérations prises sur le fondement d'une habilitation prévue par l'article 73 alinéa 3 de la Constitution " sont transmises au représentant de l'Etat dans la région ", ces délibérations ne sont pas tenues de faire mention d'une telle transmission ; que par ailleurs, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée n'aurait pas été transmise au représentant de l'Etat manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la délibération attaquée méconnaîtrait l'étendue de l'habilitation conférée par le législateur, au motif que la délibération du 29 mars 2009 sollicitant cette habilitation ne comporterait aucune limite et que, par suite, la délibération attaquée ne pourrait pas respecter les limites auxquelles l'habilitation est subordonnée, est dirigé non contre la délibération attaquée, mais contre l'article 69 de la loi du 27 mai 2009 accordant cette habilitation ; que ce moyen ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'article LO 4435-7 du code général des collectivités territoriales dispose qu'une délibération prise sur le fondement d'une habilitation prévue par l'article 73 alinéa 3 de la Constitution doit préciser les dispositions législatives et réglementaires auxquelles elle déroge ; que si l'article 1er de la délibération attaquée ne précise pas celui des deux arrêtés du 23 avril 2008 relatifs aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau électrique auquel elle entend déroger, l'article 2 de cette délibération, qui fixe la règle applicable en Guadeloupe, précise clairement qu'il s'agit de l'arrêté relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'électricité en basse tension ou en moyenne tension d'une installation de production d'énergie électrique, et non l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'électricité d'une installation de production d'énergie électrique ; que, par ailleurs, pour regrettable qu'elle soit, l'erreur figurant dans les motifs de la délibération attaquée, qui cite un extrait d'une version antérieure de l'arrêté auquel la délibération renvoie, n'est pas de nature à jeter un doute sur la disposition dont le conseil régional de la Guadeloupe a entendu définir les modalités spécifiques d'application en Guadeloupe ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la délibération attaquée, de l'article LO 4435-7 du code général des collectivités territoriales, doit être rejeté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le conseil régional de la Guadeloupe, habilité par l'article 69 de la loi du 27 mai 2009 à fixer certaines règles spécifiques à la Guadeloupe en matière énergétique sur le fondement de l'article 73 alinéa 3 de la Constitution, n'était pas tenu de fixer ces règles par une seule délibération ; qu'en application de cette habilitation, il a d'ailleurs pris de nombreuses autres délibérations que la délibération attaquée ; que, par suite, et en tout état de cause, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le conseil régional de la Guadeloupe aurait méconnu l'étendue de la compétence que lui a conférée le législateur ;

7. Considérant, enfin, que lorsqu'un producteur d'énergie électrique souhaite obtenir le raccordement de son installation au réseau public de distribution d'électricité, il doit en faire la demande au gestionnaire du réseau ; qu'après avoir procédé aux études et vérifications nécessaires, le gestionnaire du réseau lui adresse une proposition technique et financière ; que si le producteur accepte cette proposition, le gestionnaire du réseau public établit successivement une convention de raccordement, une convention d'exploitation et enfin un contrat d'accès ; que le dernier alinéa de l'article 22 de l'arrêté du 23 avril 2008, dont la délibération attaquée a fixé les conditions spécifiques d'application en Guadeloupe, dispose que " les circonstances dans lesquelles [les] déconnections peuvent être demandées sont précisées dans la convention de raccordement et les modalités selon lesquelles elles sont effectuées le sont dans la convention d'exploitation " ; qu'il suit de là, qu'en l'absence de dispositions particulières, dans la délibération attaquée, sur les conditions de son application aux projets en cours, l'ordre spécifique de déconnection des installations de production d'électricité mettant en oeuvre de l'énergie fatale à caractère aléatoire s'applique aux installations pour lesquelles, à la date de l'entrée en vigueur de la délibération, une proposition technique et financière a été acceptée, mais aucune convention de raccordement signée ; qu'ainsi, la délibération attaquée ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la délibération du 20 juillet 2010 du conseil régional de la Guadeloupe ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région de la Guadeloupe, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les sociétés Energy Investissement et Energy Caraïbes demandent au titre des frais exposées par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes, la somme que le conseil régional de la Guadeloupe demande au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête des sociétés Energy Investissement et Energy Caraïbes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région de la Guadeloupe tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Energy Investissement et Energy Caraïbes, au président du conseil régional de la Guadeloupe et au ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344604
Date de la décision : 20/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2013, n° 344604
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Mignon
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:344604.20130320
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