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17/04/2013 | FRANCE | N°337194

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 17 avril 2013, 337194


Vu le pourvoi, enregistré le 2 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision implicite rejetant la demande de M. C...B...tendant à la communication de la déclaration recognitive de nationalité française souscrite par son grand-père, M. A...B..., après l'indépendance de l'Algérie ;

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°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce tribunal ;

3°) de me...

Vu le pourvoi, enregistré le 2 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision implicite rejetant la demande de M. C...B...tendant à la communication de la déclaration recognitive de nationalité française souscrite par son grand-père, M. A...B..., après l'indépendance de l'Algérie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 : " Sont considérés comme documents administratifs, (...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions " ; que, selon l'article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) " ; qu'il résulte du II de cet article 6, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / - dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée et des dossiers personnels (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., de nationalité algérienne, a demandé que lui soit communiquée une copie de la déclaration recognitive de la nationalité française qu'en qualité de ressortissant de statut civil de droit local originaire d'Algérie son grand-père, M. A...B..., avait souscrite en application de l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 ; qu'en dépit de l'avis favorable assorti de la réserve qu'il établisse l'existence d'un lien de filiation avec son ascendant, rendu par la commission d'accès aux documents administratifs, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a implicitement rejeté cette demande ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'ordonnance du 21 juillet 1962 et du titre VII du code de la nationalité française, alors en vigueur, que la déclaration en vue de la reconnaissance de la nationalité française souscrite par les ressortissants de statut civil de droit local originaires d'Algérie avait pour objet et pour effet de leur conserver la nationalité française, si les autorités administratives ne s'y opposaient pas, sans que les autorités judiciaires aient à intervenir ; que, par suite, la déclaration recognitive de la nationalité française souscrite par M. A... B...présente le caractère d'un document administratif qui est en principe communicable en vertu de l'article premier de la loi du 17 juillet 1978 ;

4. Considérant, toutefois, qu'en jugeant que la communication de cette déclaration ne pouvait être refusée à M.B..., en dépit des éléments relatifs à la vie privée de M. A...B...qu'elle contenait, alors que M.B..., qui ne s'est prévalu d'aucune qualité lui permettant d'être regardé comme étant lui-même directement concerné, était un tiers vis-à-vis du souscripteur de cette déclaration, le tribunal administratif a méconnu les dispositions du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B...ne peut être regardé comme la personne intéressée, au sens de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, par la situation de son grand-père en ce qui concerne les conditions dans lesquelles la nationalité française de ce dernier a été reconnue ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir des dispositions de cette loi pour avoir accès à la déclaration recognitive de la nationalité française souscrite par M. A...B...ni, par suite, à demander l'annulation de la décision attaquée ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes e du 31 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant ce tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C...B....


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337194
Date de la décision : 17/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT À LA COMMUNICATION - NOTION DE DOCUMENT ADMINISTRATIF - DÉCLARATION RECOGNITIVE DE NATIONALITÉ - INCLUSION.

26-06-01-02-01 Il résulte des dispositions aujourd'hui abrogées de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et du titre VII du code de la nationalité française que la déclaration en vue de la reconnaissance de la nationalité française souscrite par les ressortissants de statut civil de droit local originaires d'Algérie avait pour objet et pour effet de leur conserver la nationalité française, si les autorités administratives ne s'y opposaient pas, sans que les autorités judiciaires aient à intervenir. Par suite, une déclaration recognitive de la nationalité française présente le caractère d'un document administratif.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT À LA COMMUNICATION - DOCUMENTS ADMINISTRATIFS COMMUNICABLES - DOCUMENTS COMMUNICABLES AU SEUL INTÉRESSÉ (II DE L'ART - 6 DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978) - 1) NOTION D'INTÉRESSÉ - PERSONNE DIRECTEMENT CONCERNÉE PAR LE DOCUMENT - 2) ESPÈCE - DÉCLARATION DE NATIONALITÉ - PETIT-FILS DU SOUSCRIPTEUR - QUALITÉ DE PERSONNE INTÉRESSÉE - ABSENCE.

26-06-01-02-02 1) Le II de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 réserve le droit d'accès à certains documents au seul intéressé. N'ont la qualité d'intéressé au sens de ces dispositions que les personnes directement concernées par le document.... ,,2) Le petit-fils du souscripteur d'une déclaration recognitive de nationalité souscrite en application de la loi n° 62-825 du 21 juillet 1962 et du titre VII du code de la nationalité française ne justifie pas en ce seul titre de la qualité de personne intéressée lui permettant d'obtenir communication d'un tel document en dépit des éléments relatifs à la vie privée du souscripteur qu'il contient.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT À LA COMMUNICATION - DOCUMENTS ADMINISTRATIFS NON COMMUNICABLES - DOCUMENTS NON COMMUNICABLES AUX TIERS (II DE L'ART - 6 DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978) - DÉCLARATION RECOGNITIVE DE NATIONALITÉ.

26-06-01-02-03 Une déclaration recognitive de nationalité souscrite en application de la loi n° 62-825 du 21 juillet 1962 et du titre VII du code de la nationalité française n'est pas communicable aux tiers en raison des éléments relatifs à la vie privée du souscripteur qu'elle contient.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2013, n° 337194
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:337194.20130417
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