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12/06/2013 | FRANCE | N°359245

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 12 juin 2013, 359245


Vu 1°, sous le n° 359245, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 7 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Société Générale, dont le siège social est 17, cours de Valmy, la Défense, à Paris (75886), représentée par son président-directeur-général ; la Société Générale demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 24 novembre 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à son encontre un avertissement et une sa

nction pécuniaire de 500 000 euros et, d'autre part, ordonné la publication de la décis...

Vu 1°, sous le n° 359245, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 7 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Société Générale, dont le siège social est 17, cours de Valmy, la Défense, à Paris (75886), représentée par son président-directeur-général ; la Société Générale demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 24 novembre 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à son encontre un avertissement et une sanction pécuniaire de 500 000 euros et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers dans des conditions propres à assurer l'anonymat des personnes physiques mises en cause ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 359477, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 14 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société BNP Paribas, dont le siège social est 16, boulevard des Italiens à Paris (75009), représentée par son directeur général ; la société BNP Paribas demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 24 novembre 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, prononcé à son encontre un avertissement et une sanction pécuniaire de 500 000 euros et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers dans des conditions propres à assurer l'anonymat des personnes physiques mises en cause ;

2°) subsidiairement, de réformer la décision attaquée en ramenant les sanctions prononcées à de plus justes proportions ;

3°) d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de retirer la décision attaquée de son site Internet et de publier sur ce site la décision du Conseil d'État annulant ou réformant la décision attaquée ;

4°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour la Société Générale ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2013, présentée pour la société BNP Paribas ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour l'Autorité des marchés financiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2013, présentée pour la société BNP Paribas ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société Générale, à la SCP Richard, avocat de l'Autorité des marchés financiers et à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société BNP Paribas ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-9-1 du code des marchés financiers, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers décide de procéder à des enquêtes, il habilite les enquêteurs selon des modalités fixées par le règlement général. / Les personnes susceptibles d'être habilitées répondent à des conditions d'exercice définies par décret en Conseil d'État " ; que l'article L. 621-10 du même code dispose que : " Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, (...) et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel " ; que l'article L. 621-11 du même code précise que : " Toute personne convoquée a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix. Les modalités de cette convocation et les conditions dans lesquelles est assuré l'exercice de ce droit sont déterminées par décret en Conseil d'État " ; qu'aux termes du IV de l'article R. 631-32 du même code : " Les ordres de mission sont établis par le secrétaire général qui précise leur objet et les personnes qui en sont chargées " ; que l'article R. 621-34 du même code précise que : " Dans le cadre de ses investigations, l'enquêteur présente son ordre de mission en réponse à toute demande " ; que l'article R. 621-35 du même code prévoit que : " Les enquêteurs peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. / La convocation est adressée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d'huissier, huit jours au moins avant la date de convocation. Elle fait référence à l'ordre de mission nominatif de l'enquêteur établi par le secrétaire général ou son délégataire. Elle rappelle à la personne convoquée qu'elle est en droit de se faire assister d'un conseil de son choix (...) " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel. / S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction (...) II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, l'Autorité des marchés financiers a notifié, le 15 novembre 2010, à la Société Générale et à la société BNP Paribas des griefs tirés du non-respect de la procédure de sondage de marché prévue par l'article 218-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers alors en vigueur, devenu l'article 216-1 du même règlement, à l'occasion de la réalisation, les 5 et 12 janvier 2009, de sondages auprès d'investisseurs institutionnels sur les prochains lancements par les sociétés Schneider et Saint Gobain de nouveaux emprunts obligataires ; que la commission des sanctions de l'AMF a prononcé, le 24 novembre 2011, à l'encontre de chacune de ces sociétés, un avertissement et une sanction pécuniaire de 500 000 euros ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers dans des conditions propres à assurer l'anonymat des personnes physiques mises en cause ; que les requêtes de la Société Générale et de la société BNP Paribas sont dirigées contre cette décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la régularité de la procédure d'enquête :

4. Considérant, en premier lieu, que si, lorsqu'elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, rappelé tant par l'article 6 de ladite convention que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'Autorité des marchés financiers et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes réalisées par les agents de l'Autorité des marchés financiers ; que, cependant, il résulte de l'ensemble des dispositions du code monétaire et financier citées au point 1 que les enquêtes réalisées par les agents de l'Autorité des marchés financiers, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'enquête ouverte par l'AMF et relative aux interventions de la société Allianz Global Investors France sur les titres obligataires des sociétés Saint Gobain et Schneider à compter du 1er septembre 2008, élargie ensuite aux marchés des titres obligataires de ces sociétés à compter de la même date, les enquêteurs de l'AMF ont, sur le fondement de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, recueilli auprès de la société BNP Paribas des informations relatives à sa procédure interne de sondage de marché en vigueur à l'époque des faits ; qu'il n'est pas contesté qu'une opération de sondage de marché a été réalisée le 12 janvier 2009 par la société BNP Paribas pour le compte de la société Saint Gobain auprès de la société Allianz Global Investors France ; que, dans de telles circonstances, il appartenait aux enquêteurs de l'AMF d'établir dans quelles conditions et selon quelle procédure une telle consultation de la société Allianz avait été réalisée par la société BNP Paribas ; que les demandes d'information relatives aux procédures internes de la société BNP Paribas en matière de sondage de marché ont ainsi été réalisées pour les nécessités de l'enquête ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier auraient été méconnues et de ce que, pour ce motif, l'irrégularité de la procédure d'enquête entacherait d'illégalité la décision attaquée, doit être écarté ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les conditions dans lesquelles la société BNP Paribas a procédé à un sondage de marché pour le compte de la société Saint Gobain entraient dans le champ de l'enquête conduite par les services de l'AMF ; qu'il résulte également de l'instruction que les enquêteurs ont adressé à la société BNP Paribas des questions et des demandes de documents relatives à son rôle dans l'émission du nouvel emprunt obligataire Saint Gobain ; que, par suite, la société BNP n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été informée que les investigations de l'AMF portaient sur son activité de prestataire de services d'investissement pour le compte de la société Saint Gobain et qu'elle aurait été, pour cette raison, dans l'impossibilité de présenter en temps utile des éléments de preuve à décharge ;

7. Considérant que le simple rappel aux préposés de la société BNP Paribas des dispositions de l'article L. 642-2 du code monétaire et financier punissant toute entrave à la mission d'enquête de l'AMF, auquel les enquêteurs de l'AMF ont procédé à bon droit, n'a pas davantage été de nature à porter une atteinte irrémédiable aux droits de la défense de cette société ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la société BNP Paribas ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa contestation de la régularité de l'enquête de l'AMF, d'une méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 § 3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, en soutenant que les enquêteurs n'auraient pas notifié à leurs préposés leur droit de se taire, dès lors que ces stipulations ne sont pas applicables à la procédure d'enquête administrative ;

Sur la notification des griefs :

9. Considérant que l'article 218-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, alors en vigueur, dispose : " Lorsqu'un prestataire de services d'investissement entend pratiquer des sondages de marché lors de la préparation d'une opération financière sur le marché primaire ou lors d'une opération de placement, d'acquisition ou de cession d'instruments financiers, il sollicite l'accord préalable des personnes qu'il envisage d'interroger. Il les informe qu'un accord de leur part pour participer au sondage les conduit à recevoir une information privilégiée au sens de l'article 621-1. / Le prestataire de services d'investissement établit et garde opérationnelle une procédure qui prévoit la manière dont le responsable de la conformité est informé du sondage et, à la suite dudit sondage, du nom des personnes ayant accepté d'être interrogées, ainsi que la date et l'heure auxquelles elles ont été contactées. " ;

10. Considérant que la société BNP Paribas soutient que la notification des griefs ne visant que la violation des prescriptions du second alinéa de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF, elle n'a pas été en mesure de présenter sa défense sur le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de la même disposition ; qu'il résulte cependant de l'instruction, notamment des termes de la lettre du 5 novembre 2010 par laquelle le président de l'Autorité des marchés financiers a notifié à la société BNP Paribas les griefs la concernant, que ceux-ci portaient sur la méconnaissance des prescriptions prévues par les deux alinéas de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les manquements retenus à l'encontre des sociétés requérantes :

En ce qui concerne les dispositions fondant les manquements :

11. Considérant, en premier lieu, que le principe de légalité des délits et des peines, lorsqu'il est appliqué à des sanctions qui n'ont pas le caractère de sanctions pénales, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève, ainsi que le rappellent les dispositions, citées au point 1, du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, selon lesquelles la commission des sanctions peut infliger une sanction aux personnes manquant à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'AMF ;

12. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF, cités au point 9, que la procédure de sondage de marché qu'il édicte doit être respectée lorsqu'un prestataire de services d'investissement entend communiquer, dans le cadre de la préparation d'une opération financière sur le marché primaire ou lors d'une opération de placement, d'acquisition ou de cession d'instruments financiers, une information qui, en raison de ses caractéristiques propres, doit être regardée par ce prestataire comme une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF ; que les règles en cause et leurs conditions d'application sont suffisamment claires pour que les sociétés requérantes aient été en mesure, d'une part, de déterminer si elles devaient regarder les informations qu'elles entendaient communiquer aux investisseurs qu'elles sondaient comme des informations privilégiées, d'autre part, de savoir que, si tel était le cas, le non-respect de la procédure de sondage de marché constituait un manquement à leurs obligations professionnelles, susceptible comme tel d'être sanctionné en application de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;

13. Considérant, en second lieu, que les paragraphes 2 et 3 de l'article 6 de la directive du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché disposent que : " 2. Un émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée, au sens du paragraphe 1, afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information. Les États membres peuvent exiger qu'un émetteur informe sans délai l'autorité compétente de la décision de différer la publication d'une information privilégiée. / 3. Lorsqu'un émetteur, ou une personne agissant au nom ou pour le compte de celui-ci, communique une information privilégiée à un tiers dans l'exercice normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, au sens de l'article 3, point a), les États membres exigent qu'il rende cette information intégralement et effectivement publique, soit simultanément en cas de communication intentionnelle, soit rapidement en cas de communication non intentionnelle. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque la personne qui reçoit l'information est tenue par une obligation de confidentialité, que cette obligation soit légale, réglementaire, statutaire ou contractuelle. " ; que l'article 2 de la même directive précise que : " Aux fins de l'application de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/6/CE, les États membres exigent que l'émetteur, afin d'être en mesure d'assurer la confidentialité d'une information privilégiée, contrôle l'accès à cette information et, en particulier : (...) b) qu'il ait pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que toute personne ayant accès à cette information reconnaisse les obligations légales et réglementaires liées à cet accès et soit avertie des sanctions prévues en cas d'utilisation ou de diffusion indue de cette information " ;

14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si la directive du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché ne prévoit pas qu'un accord préalable doive être donné à la communication de toute information privilégiée, il appartient aux autorités nationales, pour assurer le respect des objectifs de la directive, de prévoir les mesures garantissant, à l'occasion de la communication d'une information privilégiée, le respect par le tiers informé des obligations légales liées à l'accès à cette information ; qu'en imposant que le prestataire qui procède à un sondage sollicite l'accord préalable des personnes qu'il envisage d'interroger et les informe qu'un accord de leur part pour participer au sondage les conduit à recevoir une information privilégiée, l'article 218-1 du règlement général de l'AMF permet le respect, par ces personnes, de leurs obligations légales ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, l'article 218-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, devenu l'article 216-1 du même règlement, impose des contraintes nécessaires et proportionnées, conformes aux objectifs posés par la directive ;

En ce qui concerne la caractérisation des manquements en l'espèce :

Quant à l'existence d'une information privilégiée :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, auquel renvoie l'article 218-1 du même règlement : " Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement. " ;

16. Considérant, en premier lieu, que la Société Générale soutient que les projets d'émissions obligataires des sociétés Saint Gobain et Schneider ne présentaient pas de probabilité suffisante de réalisation, que leurs caractéristiques essentielles n'étaient pas déterminées et que des informations sur de telles opérations étaient, dans un contexte marqué par la crise financière, sans effet identifiable sur les cours des instruments financiers concernés, et en déduit que les informations délivrées par ses préposés sur ces projets ne sauraient, en raison de leur manque de précision, être regardées comme des informations privilégiées ;

17. Considérant que la mise en oeuvre de la procédure de sondage de marché prévue par l'article 218-1 du règlement général de l'AMF suppose le constat, par le prestataire de services d'investissement, que le projet d'émission obligataire est suffisamment défini pour avoir des chances raisonnables d'aboutir, même s'il comporte encore des aléas liés, notamment, aux résultats des sondages de marché, et non que sa réalisation soit certaine ; qu'il résulte de l'instruction que l'échéance, la taille de référence ainsi que l'écart de rendement indicatif par rapport au taux de référence avaient été arrêtés pour chacun des projets d'émission obligataire en cause ; que la circonstance, alléguée par la Société Générale, qu'une fourchette " anormalement large " aurait été retenue pour l'écart de rendement de la future émission de la société Saint Gobain n'était pas de nature à retirer à l'information communiquée son caractère précis ; que c'est ainsi, sans erreur de droit, ni contradiction de motifs, ni erreur d'appréciation que la commission des sanctions de l'AMF a relevé, pour juger précises les informations communiquées, que les différentes modalités des projets d'émission avaient été étudiées et arrêtées par les sociétés Saint Gobain et Schneider en accord avec les banques chefs de file qu'elles avaient désignées ;

18. Considérant qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que si, à l'époque des faits, la détermination des prix de référence sur le marché obligataire secondaire a été rendue plus difficile en raison de la crise financière, les informations relatives à l'émission de nouvelles obligations des sociétés Saint Gobain et Schneider étaient susceptibles, en raison de l'écart de rémunération entre les nouvelles obligations et les obligations existantes, d'être utilisées par un investisseur raisonnable détenteur d'obligations de ces sociétés comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF ; qu'ainsi, la commission des sanctions a exactement apprécié les faits de l'espèce en estimant, par une décision suffisamment motivée, que les informations communiquées étaient susceptibles d'avoir une influence sensible sur le cours des obligations des sociétés Saint Gobain et Schneider en circulation sur le marché secondaire ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 18, en l'absence, par ailleurs, de toute contestation du caractère non public des informations communiquées, que la commission des sanctions a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que les informations en cause avaient le caractère d'informations privilégiées ;

20. Considérant, en second lieu, que la Société Générale ne saurait utilement contester les énonciations de la décision attaquée relatives aux évolutions de taux constatées postérieurement au lancement des nouvelles obligations, dès lors que ces énonciations ne constituent pas, en tout état de cause, un motif de la décision de sanction ;

Quant à l'identification des obligations méconnues :

21. Considérant qu'il résulte des termes de la décision contestée que la commission des sanctions a, par une décision suffisamment motivée et exempte de contradiction, estimé que la société BNP Paribas avait méconnu les obligations découlant de chacun des deux alinéas de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF dans le cadre de l'opération de consultation des investisseurs potentiels sur le projet d'un nouvel emprunt obligataire de la société Saint Gobain ;

Quant à la méconnaissance des différentes obligations en cause :

22. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du contenu de l'échange entre sa préposée et la responsable de la société Allianz au sujet du projet d'émission obligataire de la société Saint Gobain, que la société BNP Paribas n'a pas justifié du respect des exigences minimales de formalisme permettant de garantir que l'investisseur potentiel a été informé de la nature privilégiée de l'information qu'il va recevoir et qu'il a préalablement donné son accord à cette communication ; que, dès lors, c'est à bon droit que la commission des sanctions a estimé que les prescriptions relatives à la procédure de sondage de marché, telle qu'elle est prévue par l'article 218-1 du règlement général de l'AMF, n'avaient pas été respectées par la société BNP Paribas ;

23. Considérant, en deuxième lieu, que la procédure de sondage de marché prévue par les dispositions de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF ne saurait être regardée comme opérationnelle lorsque l'obligation d'information du responsable de la conformité sur les modalités d'un sondage n'est pas respectée ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, la commission des sanctions de l'AMF a estimé à bon droit qu'elle avait méconnu les dispositions du second alinéa de l'article 218-1, dès lors que son responsable de la conformité n'a pas été informé des modalités du sondage réalisé sur le projet d'émission obligataire de la société Saint Gobain ;

24. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, la commission des sanctions n'a pas prononcé à son encontre une sanction à raison de la méconnaissance par ses préposés de règles internes, mais à raison d'un manquement, commis par ses préposés, aux obligations professionnelles qui lui incombent en vertu des dispositions du second alinéa de l'article 218-1 du règlement général de l'AMF ;

Sur les sanctions prononcées :

25. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en infligeant à la Société Générale et à la société BNP Paribas un avertissement ainsi qu'une sanction pécuniaire de 500 000 euros et en décidant la publication de sa décision, la commission des sanctions ait, dans les circonstances de l'espèce, retenu des sanctions disproportionnées au regard de la gravité et de la nature des manquements commis ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Générale et la société BNP Paribas ne sont fondées à demander ni l'annulation ni la réformation des sanctions qui leur ont été infligées ; que, par suite, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune d'elles le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la Société Générale et de la société BNP Paribas sont rejetées.

Article 2 : La Société Générale et la société BNP Paribas verseront chacune à l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société Générale, à la société BNP Paribas et à l'Autorité des marchés financiers.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 359245
Date de la décision : 12/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2013, n° 359245
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:359245.20130612
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