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19/06/2013 | FRANCE | N°348763

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 19 juin 2013, 348763


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union des fédérations et des syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED), dont le siège est 47, rue Eugène Oudiné à Paris (75013) ; l'UNIFED demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 15 février 2011 portant extension d'accords nationaux professionnels et d'avena

nts conclus dans le secteur des ateliers et chantiers d'insertion ;

2°) ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union des fédérations et des syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED), dont le siège est 47, rue Eugène Oudiné à Paris (75013) ; l'UNIFED demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 15 février 2011 portant extension d'accords nationaux professionnels et d'avenants conclus dans le secteur des ateliers et chantiers d'insertion ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Union des fédérations et des syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la Confédération française démocratique du travail ;

1. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'il procède à l'extension d'une convention ou d'un accord collectif, le ministre chargé du travail doit rechercher si le champ d'application professionnel pour lequel l'extension est envisagée n'est pas compris dans le champ professionnel d'autres conventions ou accords collectifs précédemment étendus ; que, lorsqu'il apparaît que les champs d'application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il lui appartient en principe soit d'exclure du champ de l'extension envisagée les activités déjà couvertes par les conventions ou accords collectifs précédemment étendus, soit d'abroger les arrêtés d'extension de ces conventions ou accords, en tant qu'ils s'appliquent à ces activités ;

2. Considérant, d'une part, que l'accord du 18 février 2005 conclu dans le secteur sanitaire, social et médico-social, s'applique selon ses propres termes aux établissements et services à but non lucratif dont l'activité principale correspond, en particulier, premièrement, aux activités des centres d'aide par le travail, des centres de rééducation professionnelle et des ateliers protégés ainsi qu'aux activités des centres de jour ou de " sections occupationnelles " pour adultes handicapés, toutes référencées classe " NAF " 85.3H " Aide par le travail, ateliers protégés ", deuxièmement, aux activités d'administration générale et de collecte des organismes d'action sociale ou caritative à compétence générale ou spécialisée, aux activités socio-éducatives en milieu ouvert à destination des enfants, adolescents, adultes et familles, aux activités de préparation et de suivi du reclassement des personnes handicapées et aux activités des services de tutelles, toutes référencées dans la classe " NAF " 85.3K " Autres formes d'action sociale ", troisièmement, aux activités des organisations associatives diverses créées autour d'une cause d'intérêt général ou d'un objectif particulier non classées ailleurs et centrées sur l'information, la communication et la représentation dans les établissements de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif, référencées dans la classe 91.3 " Organisations associatives n.c.a. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 1er de l'accord du 27 avril 2007 relatif au champ d'application des accords collectifs des ateliers et chantiers d'insertion, tel qu'il a été étendu par un arrêté du 10 décembre 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, les accords du 21 janvier 2009 et du 21 janvier 2010 portant respectivement sur la typologie des " emplois repères " et sur les classifications et salaires au 1er janvier 2013 dans les ateliers et chantiers d'insertion et leurs avenants du 18 février 2010, étendus par l'arrêté attaqué du 15 février 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, règlent les rapports entre les employeurs et l'ensemble des salariés de droit privé des ateliers et chantiers d'insertion conventionnés par l'Etat au titre de l'article L. 322-4-16-8 du code du travail ;

4. Considérant qu'il résulte de l'article L. 322-4-16-8 du code du travail mentionné par l'accord du 27 avril 2007, dont les dispositions ont été reprises au 2° de l'article L. 5132-15 du même code, que les ateliers et chantiers d'insertion conventionnés par l'Etat sont gérés par l'un des employeurs figurant sur une liste fixée par décret et ont pour objet d'assurer l'accueil, l'embauche et la mise au travail sur des actions collectives des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières et d'organiser le suivi, l'accompagnement, l'encadrement technique et la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable ; que, contrairement à ce que soutient l'UNIFED, les ateliers et chantiers d'insertion ainsi définis ne peuvent être regardés comme relevant de l'une des activités spécifiquement visées par l'accord du 18 février 2005 rappelé ci-dessus ; qu'en particulier, les signataires de cet accord ne se sont pas approprié la totalité du contenu des trois classes " NAF " auxquelles ils ont fait référence, mais se sont bornés à en reprendre les composantes énumérées au point 2 ci-dessus ; qu'au demeurant, les ateliers et chantiers d'insertion ne sont pas en tant que tels au nombre des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dès lors que ce même article exclut expressément de son champ les structures conventionnées pour les activités d'insertion par l'activité économique ; que s'il résulte, il est vrai, de l'article L. 322-4-16-7 du code du travail, dont les dispositions sont désormais reprises au 3° de l'article L. 5132-2, que les centres d'hébergement et de réinsertion sociale - qui constituent des établissements et services sociaux et médico-sociaux - peuvent être conventionnés par l'Etat au titre d'une activité d'insertion par l'activité économique, cette circonstance ne saurait avoir pour effet de les placer simultanément dans le champ d'application des deux séries d'accords collectifs étendus mentionnés ci-dessus ; que l'UNIFED n'est ainsi pas fondée à soutenir que le champ des accords et avenants des 21 janvier 2009, 21 janvier 2010 et 18 février 2010 recoupe en partie celui de l'accord étendu du 18 février 2005 et que, par suite, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ne pouvait légalement procéder à leur extension ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article L. 2261-19 du code du travail que, pour qu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel puisse légalement être étendu, les représentants de l'ensemble des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré doivent avoir été invités à la négociation de cette convention ou de cet accord ; que l'UNIFED soutient qu'elle-même ou le syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP), qui lui était affilié à la date d'adoption des accords et avenants litigieux, auraient dû être conviés à la négociation de ces mêmes accords et avenants ; que, toutefois, si l'UNIFED établit être représentative des associations gestionnaires de centres d'hébergement et de réinsertion sociale, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer ni sa propre représentativité ni celle du SOP dans le champ des accords étendus par l'arrêté attaqué, qui couvrent l'ensemble des activités des ateliers et chantiers d'insertion, quelle que soit la nature de leur structure de rattachement ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) " ; que l'arrêté d'extension d'un accord collectif entrant dans le champ d'application de ces dispositions ne peut intervenir que postérieurement à l'arrêté d'agrément ;

7. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, des établissements et services sociaux et médico-sociaux, tels que, notamment, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, sont susceptibles de gérer des ateliers et chantiers d'insertion ; que, par suite, les accords et avenants litigieux sont applicables à ceux de ces établissements et services dont l'activité d'atelier ou de chantier d'insertion représenterait l'activité principale, sauf à ce que les conditions d'exercice de l'activité permettent de les regarder comme des centres d'activité autonome ; qu'il est constant que les accords et avenants du 21 janvier 2009, du 21 janvier 2010 et du 18 février 2010 n'ont pas été agréés au titre de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles ; que l'UNIFED est, dès lors, fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en tant qu'il s'applique aux organismes gestionnaires d'établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNIFED est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 15 février 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en tant seulement qu'il comprend dans son champ des organismes gestionnaires d'établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'UNIFED qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'UNIFED au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 15 février 2011 est annulé en tant qu'il comprend dans son champ d'application des organismes gestionnaires d'établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Article 2 : L'Etat versera à l'UNIFED une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'UNIFED est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la fédération PSTE-CFDT présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Union des fédérations et des syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social, au Syndicat national des employeurs spécifiques d'insertion, à la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale de l'action sociale force ouvrière, à la Confédération française des travailleurs chrétiens et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 348763
Date de la décision : 19/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2013, n° 348763
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:348763.20130619
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