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25/07/2013 | FRANCE | N°359652

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 25 juillet 2013, 359652


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 5 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC), dont le siège est situé route de Toulouse à Noé (31410), représentée par son président-directeur général ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201473, 1201695 du 9 mai 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justic

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 5 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC), dont le siège est situé route de Toulouse à Noé (31410), représentée par son président-directeur général ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201473, 1201695 du 9 mai 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la commune d'Aulus-les-Bains et de l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains (ADDHA), suspendu l'exécution de l'arrêté du 1er décembre 2010 par lequel le préfet de l'Ariège a accordé à la société IGIC un permis de construire en vue de l'édification d'un bâtiment pour accueillir une unité de production hydroélectrique au lieu-dit " La Mouline " à Aulus-les-Bains ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la commune d'Aulus-Les-Bains et de l'ADDHA ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains et de l'ADDHA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce, et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune d'Aulus-les-Bains et de l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que, par une ordonnance du 9 mai 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de la commune d'Aulus-les-Bains et de l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains (ADDHA), ordonné la suspension de l'exécution du permis de construire accordé le 1er décembre 2010 par le préfet de l'Ariège à la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC), en vue d'édifier un bâtiment destiné à accueillir une unité de production hydroélectrique au lieu-dit " La Mouline " à Aulus-les-Bains ; que la société IGIC se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Sur l'intérêt pour agir de l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains :

3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée qu'en vertu de l'article 1er de ses statuts, l'ADDHA a pour objet " d'agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme ", ainsi que de défendre " les intérêts communaux, une gestion communale des ressources naturelles, l'exploitation des richesses naturelles communales dans l'intérêt général " ; que le juge des référés a pu, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, estimer qu'un tel objet conférait à cette association un intérêt de nature à lui donner qualité pour contester le permis de construire litigieux ;

Sur l'urgence :

4. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; que la construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible et que, par suite, lorsque la suspension d'un permis de construire est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la date à laquelle il a statué, les travaux avaient débuté depuis deux mois ; que la seule circonstance que la commune d'Aulus-les-Bains et l'ADDHA avaient présenté une demande à fin de suspension respectivement en mars et en avril 2012, alors que la déclaration de début de chantier datait du 29 novembre 2011, ne faisait pas obstacle à ce que la condition d'urgence soit regardée comme présumée remplie ; que, par suite, le juge des référés, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'urgence justifiait la suspension demandée ;

Sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis litigieux :

5. Considérant, en premier lieu, que le juge des référés a estimé, conformément aux dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, que deux des moyens invoqués par les requérantes, tirés de la violation des articles R. 423-1 et L. 424-3 du code de l'urbanisme, étaient de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ; qu'en indiquant ainsi les moyens sur lesquels il se fondait, il a, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment motivé son ordonnance ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) (...) par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande comporte (...) l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ;

7. Considérant qu'un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire et qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative de s'immiscer dans un litige d'ordre privé ; que celle-ci ne peut ni trancher ce litige ni se fonder sur son existence pour refuser d'examiner la demande qui lui est présentée ; que, toutefois, il lui appartient, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune d'Aulus-les-Bains et l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains soutenaient que l'une au moins des parcelles concernées par le projet autorisé par le permis de construire litigieux avait été acquise par fraude, en se prévalant notamment du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 janvier 2010 déclarant nulle et de nul effet la délibération du conseil municipal d'Aulus-les-Bains du 20 février 2000 décidant la vente de parcelles à la société IGIC ; que, dans ces conditions, eu égard à l'office que lui attribuent les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a pu, sans commettre d'erreur de droit, retenir, en l'état de l'instruction, comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux le moyen tiré de la violation de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables " ; qu'eu égard à son office, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en retenant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, en ce que l'article 3 de l'arrêté litigieux impose une prescription qui n'est pas motivée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse présentées par la société IGIC doivent être rejetées ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Aulus-les-Bains et de l'ADDHA, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société IGIC, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la commune d'Aulus-les-Bains et à l'ADDHA d'une somme de 1 500 euros chacune ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce est rejeté.

Article 2 : La société Ingénierie Gestion Industrie Commerce versera à la commune d'Aulus-les-Bains et à l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ingénierie Gestion Industrie Commerce, à la commune d'Aulus-les-Bains et à l'association pour le développement durable et harmonieux de la commune d'Aulus-les-Bains.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 359652
Date de la décision : 25/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2013, n° 359652
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:359652.20130725
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