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06/11/2013 | FRANCE | N°351194

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 06 novembre 2013, 351194


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., épouseC..., demeurant... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05335 de la cour administrative d'appel de Paris du 23 mai 2011 en tant que, après avoir enjoint à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de verser aux organismes sociaux auxquels elle était affiliée la part patronale des cotisations correspondant à sa période d'éviction illégale, il rejette le surplus

de sa requête et refuse de réformer le jugement n° 06119118/5 du 3 juin...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., épouseC..., demeurant... ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA05335 de la cour administrative d'appel de Paris du 23 mai 2011 en tant que, après avoir enjoint à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de verser aux organismes sociaux auxquels elle était affiliée la part patronale des cotisations correspondant à sa période d'éviction illégale, il rejette le surplus de sa requête et refuse de réformer le jugement n° 06119118/5 du 3 juin 2009 du tribunal administratif de Paris limitant à 80 537,43 euros et 3 000 euros les sommes mises à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre, respectivement, de la perte de revenus et du préjudice moral consécutifs à son licenciement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme A...et à Me Foussard, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...A..., recrutée en qualité de praticien attaché pour une durée de 24 mois par un contrat du 11 mai 2005, a fait l'objet d'un licenciement à compter du 13 janvier 2006 ; qu'elle a demandé à être indemnisée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, d'une part, de ses pertes de revenus à hauteur de 80 537,43 euros et, d'autre part, de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 100 000 euros ; que, par un jugement du 3 juin 2009, le tribunal administratif de Paris a jugé que les conditions de ce licenciement engageaient à son égard la responsabilité pour faute de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; qu'il a également jugé que l'état de l'instruction ne permettait pas de déterminer le montant de l'indemnité due à Mme A...au titre de sa perte de revenus et l'a renvoyée devant son administration pour liquider cette indemnité dans la limite de 80 537,43 euros ; qu'il lui a, par ailleurs, alloué une indemnité de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ; que Mme A... a seule relevé appel de ce jugement, qui est dès lors devenu définitif en tant qu'il juge que la responsabilité pour faute de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris était engagée ; que, par un arrêt du 23 mai 2011, la cour administrative d'appel de Paris a partiellement fait droit à l'appel de Mme A...en enjoignant à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de verser aux organismes sociaux d'affiliation de l'intéressée la part patronale des cotisations sociales correspondant à la période d'éviction illégale du service de MmeA... ; que les juges d'appel ont en revanche rejeté les conclusions de Mme A...tendant à la revalorisation de l'indemnité réparant son préjudice ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en tant qu'il lui fait grief ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ; que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire ; que, s'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier transmis par la cour administrative d'appel de Paris que le mémoire en défense de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a été produit le 26 avril 2011, soit après la clôture de l'instruction ; que la cour, qui n'a pas communiqué ce mémoire à MmeA..., l'a visé sans l'analyser ; qu'elle ne s'est pas fondée dans les motifs de son arrêt, qui reprennent le raisonnement des premiers juges, sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que Mme A... n'aurait pas eu la possibilité de discuter ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant les juges d'appel aurait été conduite en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et aurait porté atteinte aux droits garantis par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

4. Considérant, d'une part, qu'en retenant que Mme A...n'apportait aucun élément de nature à établir que le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation de son préjudice moral et des troubles qu'elle avait subis dans ses conditions d'existence en fixant les indemnités qu'il lui a accordées à ce titre, la cour, qui a souverainement apprécié les pièces produites devant elle sans les dénaturer, n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, d'autre part, que, dès lors que l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à l'égard de Mme A...n'était plus discuté devant eux, l'office des juges d'appel était de pourvoir à la réparation intégrale du préjudice de la requérante, dans la seule limite du montant global de ses conclusions indemnitaires; que la cour a refusé de faire droit aux conclusions présentées par Mme A...devant elle tendant à la revalorisation de l'indemnité de 80 537,43 euros pour perte de revenus qui lui avait été allouée en première instance au motif qu'ayant elle-même, en première instance, évalué ses pertes de revenus à 80 537,43 euros, elle ne pouvait prétendre à ce titre à une indemnité d'un montant supérieur ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant le tribunal administratif, Mme A...demandait une indemnité globale de 180 537,43 euros, tous préjudices confondus ; qu'en s'abstenant de rechercher si, dans la limite de l'indemnité globale ainsi demandée, il n'y avait pas lieu, ainsi que le soutenait MmeA..., d'évaluer les pertes de revenus qu'elle avait subies à une somme supérieure à 80 537,43 euros, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les indemnités qui lui sont dues au titre de ses pertes de revenus ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 2 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 09PA05335 de la cour administrative d'appel de Paris du 23 mai 2011 est annulé en tant qu'il statue sur les indemnités dues à Mme A...au titre de ses pertes de revenus.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris, dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., épouse C...et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351194
Date de la décision : 06/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-04-03 PROCÉDURE. INSTRUCTION. CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE. - OBLIGATION POUR LE JUGE, POUR PRENDRE EN COMPTE UNE PRODUCTION POSTÉRIEURE À LA CLÔTURE DE L'INSTRUCTION, DE ROUVRIR L'INSTRUCTION ET DE LA COMMUNIQUER [RJ1] - MÉCONNAISSANCE DU CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE EN L'ESPÈCE - ABSENCE, DÈS LORS QUE LA PRODUCTION NON COMMUNIQUÉE NE CONTENAIT AUCUN ÉLÉMENT NOUVEAU NON SOUMIS AU DÉBAT CONTRADICTOIRE AUPARAVANT.

54-04-03 Cas d'une cour n'ayant pas communiqué un mémoire produit après la clôture de l'instruction, mais ne s'étant pas fondée, dans les motifs de son arrêt, qui reprennent le raisonnement des premiers juges, sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que l'autre partie n'aurait pas eu la possibilité de discuter. Dans ces circonstances, pas de méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 27 février 2004, Préfet des Pyrénées-orientales c/ Abounkhila, n° 252988, p. 94.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2013, n° 351194
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351194.20131106
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