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13/11/2013 | FRANCE | N°351530

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 13 novembre 2013, 351530


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 27 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord, dont le siège est 2, rue de la Gare, à Aix d'Angillons (18220) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT00289 du 3 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0802300 du 8 décembre 2009 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant

à l'annulation de la décision du 1er février 2008 par laquelle l'établis...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 27 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord, dont le siège est 2, rue de la Gare, à Aix d'Angillons (18220) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10NT00289 du 3 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0802300 du 8 décembre 2009 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2008 par laquelle l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), agissant par son mandataire la société Adyal Grands Comptes, lui a enjoint de procéder à la démolition de divers bâtiments, sur une parcelle du domaine public ferroviaire, en gare de Sainte-Solange, d'autre part, à l'annulation de cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Réseau ferré de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Renaud Jaune, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Réseau ferré de France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 1er février 2008, la société Adyal Grands Comptes, intervenant au nom de l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), a informé l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre Nord de la résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public ferroviaire dont elle bénéficiait sur une parcelle de la gare de Sainte-Solange, avec effet au 1er juillet 2008, et de ce qu'elle devait démolir, en conséquence, les bâtiments et aménagements de stockage et de manutention qu'elle y occupait, en vertu de conventions d'occupation temporaire plusieurs fois renouvelées ; que l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant son appel contre le jugement du 8 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant que l'article R. 611-1 du code de justice administrative, qui organise la communication de la requête et des mémoires aux parties, dispose en son dernier alinéa que : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; que, le second mémoire du 6 mai 2011 présenté par RFF ne se bornait pas à réitérer des éléments de droit ou de fait figurant dans son premier mémoire en défense mais contenait des extraits du cahier des charges de la convention de gestion confiée à Adyal Grands Comptes par contrat du 20 décembre 2006 qui n'avaient pas encore été versés au dossier ; que, toutefois, la cour administrative d'appel de Nantes a pu, sans entacher son arrêt d'irrégularité, ne pas communiquer ce mémoire à l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre Nord, dès lors que, pour retenir la compétence du président de la société Adyal Grands Comptes pour décider de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public, la cour ne s'est pas fondée sur les nouveaux éléments produits et non soumis au débat contradictoire, mais sur l'existence du contrat du 20 décembre 2006 conclu par RFF et la société Adyal Grands Comptes et portant sur la gestion du patrimoine foncier de RFF, qui était mentionné dans le premier mémoire en défense ;

Sur les moyens relatifs au bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne le moyen relatif à la compétence de l'auteur de la décision litigieuse :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond, qu'à compter du 1er janvier 2007, la société Adyal Grands Comptes s'est substituée à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) pour gérer une partie du patrimoine foncier dévolu à RFF, en application des stipulations d'un marché public conclu le 20 décembre 2006 ; que le président de RFF a constitué comme mandataire, par une " décision portant procuration " du 2 janvier 2007, M. Philippe Bauchot, président de la société Adyal Grands Comptes, auquel il a donné pouvoir, pour RFF et en son nom, " aux fins d'assurer des missions liées à la gestion de son patrimoine foncier et immobilier, ainsi qu'à la réalisation de cessions, dans les limites prévues par le contrat susvisé " ; que, d'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en qualifiant de mandat et non de délégation de pouvoir cette décision ; que, d'autre part, si l'union requérante soutient que la cour aurait dû relever que cette décision était irrégulière faute d'avoir été publiée, l'absence d'une telle publication, qui ne ressortait, en tout état de cause, d'aucune des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ne faisait pas l'objet d'un moyen soulevé devant elle ; qu'ainsi, la cour n'a entaché son arrêt ni d'une insuffisance de motivation ni d'une erreur de droit en ne relevant pas un tel moyen ; qu'enfin, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si la décision contestée trouvait un fondement dans un texte est infondé, dès lors que la cour a relevé que cette décision ressortissait aux pouvoirs propres du président de RFF ;

4. Considérant, en second lieu, que l'union requérante soutient que la cour a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que les moyens tirés de ce que la délégation accordée le 30 janvier 2008 par le président d'Adyal Grands Comptes à M.A..., responsable de l'agence Centre-Limousin, à l'effet de signer en son nom la résiliation de la convention du 15 juillet 1991 initialement consentie à la société Agri-Cher, conformément au pouvoir qu'il tirait de la " décision portant procuration " du 2 janvier 2007, n'avait pas été régulièrement publiée et de ce que RFF n'en avait pas été informé étaient inopérants ; que, toutefois, d'une part, les règles de publication des délégations de signature ne sont pas applicables à une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public, d'autre part, les modalités d'exécution de la convention passée entre RFF et la société Adyal Grands Comptes sont sans incidence sur la légalité de la décision de résiliation en cause ; qu'ainsi la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne le moyen relatif à la légalité des avenants à la convention d'occupation domaniale :

5. Considérant, en premier lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Agri-Cher a conclu avec la SNCF le 15 juillet 1991 une convention d'occupation temporaire du domaine public portant sur des dépendances de la gare ferroviaire de Sainte-Solange ; que par avenants des 21 novembre 1997 et 5 mars 2004, la société Epis-Centre, puis la société Epis Centre Nord ont été substituées, dans cette convention d'occupation temporaire, à la société Agri-Cher ; qu'à compter du 1er janvier 1997, en vertu de la loi du 13 février 1997, RFF est devenu propriétaire des parcelles occupées en vertu de cette convention par la société Agri-Cher et la SNCF en est demeurée gestionnaire au nom et pour le compte de RFF ; que la société Epis-Centre puis l'Union des coopératives agricoles Epis Centre Nord ne se sont jamais opposées à l'exécution de ces avenants, qui n'avaient pour objet que de prendre acte, s'agissant de l'avenant de 1997, de la substitution de la société Epis Centre à la société Agri-Cher, en application d'un jugement du tribunal de grande instance de Bourges, et s'agissant de l'avenant de 2004, du changement de raison sociale de la société Epis Centre, devenue l'Union des coopératives agricoles Epis Centre Nord, sans que soient modifiées les autres stipulations de la convention d'occupation conclue le 15 juillet 1991 ; que RFF, au nom et pour le compte duquel agissait alors la SNCF, n'a à aucun moment remis en cause la compétence des représentants de la SNCF pour signer ces avenants ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en jugeant que l'exigence de loyauté des relations contractuelles faisait obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à ce que le défaut d'habilitation des représentants de la SNCF qui ont signé les avenants de 1997 et 2004, à le supposé avéré, soit regardé comme un vice du consentement d'une gravité suffisante pour justifier que l'application du contrat soit écartée ;

En ce qui concerne les moyens relatifs à la propriété des installations :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Agri-Cher a conclu quatre conventions d'occupation successives, les 4 février 1980, 3 juin 1981, 6 février 1989 et 15 juillet 1991, sur le fondement desquelles elle a réalisé ou entretenu des magasins de stockage de céréales, une tour de manutention et des boisseaux métalliques de stockage de céréales ; que les stipulations de ces conventions prévoyaient, d'une part, que le concessionnaire demeurait propriétaire des installations pendant la durée de la convention, d'autre part, que l'autorité concédante accédait, sans indemnité pour le concessionnaire, à la propriété de ces installations à moins d'avoir exigé de ce dernier, dans le délai d'un mois à compter de la fin de la convention, la remise des lieux dans leur état initial ; que les conventions des 3 juin 1981, 6 février 1989 et 15 juillet 1991 ont eu pour objet de reconduire, dans des conditions sensiblement identiques, la convention initiale du 4 février 1980 ; qu'ainsi, les relations contractuelles entre la SNCF et la société Agri-Cher, puis la société Epis-Centre et l'Union des coopératives agricoles Epis Centre Nord, n'ont jamais été interrompues et l'occupation de la parcelle litigieuse n'a jamais cessé jusqu'à la résiliation par la société Adyal Grands Comptes de la convention du 15 juillet 1991 ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les stipulations de ces conventions en jugeant que ni la SNCF, ni RFF n'avaient accédé à la propriété des constructions et aménagements réalisés par Agri-Cher avant le 1er février 2008 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de RFF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante : qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord la somme de 3 000 euros à verser à RFF au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord est rejeté.

Article 2 : L'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord versera à Réseau ferré de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union de coopératives agricoles Epis-Centre-Nord et à Réseau ferré de France.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 351530
Date de la décision : 13/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2013, n° 351530
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Renaud Jaune
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351530.20131113
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