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27/11/2013 | FRANCE | N°360653

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 27 novembre 2013, 360653


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Les Boucles de Seine, dont le siège est Zone Actisud Saint Jean à Jouy-aux-Arches (57130) ; la société Les Boucles de Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1268 T et 1269 T du 4 avril 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé l'autorisation de procéder au réaménagement d'une partie de l'ensemble commercial " Espace Sarazin " à Houilles (Yvelines) par l'implantatio

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Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Les Boucles de Seine, dont le siège est Zone Actisud Saint Jean à Jouy-aux-Arches (57130) ; la société Les Boucles de Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1268 T et 1269 T du 4 avril 2012 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé l'autorisation de procéder au réaménagement d'une partie de l'ensemble commercial " Espace Sarazin " à Houilles (Yvelines) par l'implantation d'un supermarché Leclerc d'une surface de vente de 1 995 m² et d'une cellule commerciale spécialisée dans l'équipement de la personne, sans enseigne, d'une surface de vente de 360 m² ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Atac et Distribution Casino France le versement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code relatives au remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 novembre 2013, présentée par la SAS Atac ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Perrin de Brichambaut, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCI Les Boucles de Seine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 22 novembre 2011, la commission départementale d'aménagement commercial des Yvelines a accordé à la société Les Boucles de Seine l'autorisation de procéder au réaménagement d'une partie de l'ensemble commercial " Espace Sarazin " à Houilles par l'implantation d'un supermarché Leclerc d'une surface de vente de 1 995 m² et d'une cellule commerciale spécialisée dans l'équipement de la personne, sans enseigne, d'une surface de vente de 360 m² ; que, par la décision attaquée du 4 avril 2012, la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie d'un recours contre la décision de la commission départementale par les sociétés Atac et Distribution Casino France, a refusé d'accorder cette autorisation à la société Les Boucles de Seine au motif que le projet litigieux n'était pas compatible avec les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce que la desserte par les transports en commun, s'agissant d'un projet implanté en centre-ville, était insuffisante, que le site n'était pas desservi par des pistes cyclables, qu'aucun dispositif supplémentaire n'était prévu sur l'ensemble du site pour réduire les nuisances, notamment sonores, au voisinage, que le projet architectural du supermarché Leclerc était de qualité standard par rapport aux autres bâtiments de l'ensemble commercial, qu'aucun aménagement paysager supplémentaire n'était prévu sur le site du projet et que ce projet ne présentait pas, par ailleurs, d'avantages suffisants au regard des autres critères posés par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, situé à Houilles dans une zone de chalandise dont la population est en augmentation, sera implanté dans un secteur urbanisé au sein d'un ensemble commercial comprenant plusieurs magasins spécialisés et un restaurant, contribuera à l'équilibre de l'offre commerciale locale et aura un impact positif sur l'animation du centre-ville ; que le site d'implantation du projet est facilement accessible par les principaux axes routiers qui le desservent et que les flux de transport supplémentaires occasionnés par le projet pourraient être absorbés par les infrastructures routières existantes ; que le projet s'inscrit dans une démarche environnementale satisfaisante ; que le site est desservi en semaine par deux lignes de bus et est facilement accessible à pied ; que la façade du bâtiment sera mise en valeur par la pose d'une enveloppe boisée ; que les centrales frigorifiques et de chauffage seront disposées sur des plots anti-vibratiles afin de limiter les nuisances sonores ; que si l'espace commercial n'est pas desservi par des pistes cyclables, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une inexacte application des dispositions précédemment citées en refusant d'accorder à la société Les Boucles de Seine l'autorisation qu'elle a demandée ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Les Boucles de Seine est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée ;

Considérant que la présente décision implique nécessairement que la commission nationale procède à un nouvel examen des demandes dont elle se trouve à nouveau saisie, dans un délai de quatre mois à compter de la présente décision ; qu'il y a lieu de l'enjoindre à procéder à un tel réexamen ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Atac et Distribution Casino France une somme de 3 000 euros chacune, à verser à la société Les Boucles de Seine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Les Boucles de Seine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 avril 2012 est annulée.

Article 2 : La Commission nationale d'aménagement commercial réexaminera, dans un délai de quatre mois à compter de la présente décision, la demande d'autorisation de la société Les Boucles de Seine.

Article 3 : Les sociétés Atac et Distribution Casino France verseront à la société Les Boucles de Seine une somme de 3 000 euros chacune au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Atac et par la société Distribution Casino France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Les Boucles de Seine, Atac et Distribution Casino France et à la Commission nationale d'aménagement commercial. Copie en sera adressée pour information au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 360653
Date de la décision : 27/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2013, n° 360653
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Perrin de Brichambaut
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:360653.20131127
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