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30/04/2014 | FRANCE | N°364622

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 30 avril 2014, 364622


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Tracoulon et M. C...A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel le maire de la commune de Lamastre (Ardèche) a refusé de délivrer un permis de construire à cette société en vue de la régularisation de travaux d'aménagement et d'extension de locaux d'habitation et d'enjoindre au maire de délivrer ce permis ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur la demande. Par un jugement n° 0803602 du 15 septembre 2011, le tribun

al administratif de Lyon a, d'une part, annulé cet arrêté et, d'autre part, ...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Tracoulon et M. C...A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel le maire de la commune de Lamastre (Ardèche) a refusé de délivrer un permis de construire à cette société en vue de la régularisation de travaux d'aménagement et d'extension de locaux d'habitation et d'enjoindre au maire de délivrer ce permis ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur la demande. Par un jugement n° 0803602 du 15 septembre 2011, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé cet arrêté et, d'autre part, enjoint au maire de Lamastre de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire.

Par un arrêt n° 11LY02680 du 16 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la commune de Lamastre et l'appel incident formé par la SCI Tracoulon et M. A...B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2012 et 19 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Lamastre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 11LY02680 de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 octobre 2012 en tant qu'il rejette son appel ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Tracoulon et de M. A...B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inexactitude des mentions de l'arrêt relatives au délibéré entachent celui-ci d'irrégularité ;

- la cour a commis une erreur de droit quant aux éléments que le maire devait prendre en considération pour se prononcer sur la demande de permis de régularisation ;

- elle a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'aucun élément ne justifiait l'intention de la SCI Tracoulon d'exploiter les bâtiments comme des gîtes et que sa demande n'était pas entachée de fraude ;

- elle a commis une erreur de droit quant à la détermination des bâtiments sur lesquels devait porter la demande de permis de régularisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2013, la SCI Tracoulon et M. A... B...concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lamastre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens du pourvoi ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Lamastre, et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCI Tracoulon et de M. A...B....

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...B...a entrepris sans permis de construire divers travaux, destinés à l'aménagement de cinq gîtes dans deux bâtiments existants à usage d'habitation, situés au lieu-dit Tracoulon sur le territoire de la commune de Lamastre (Ardèche), accroissant leur surface et modifiant leurs façades par le percement de nouvelles ouvertures. Par un jugement du 25 mai 2005, confirmé par un arrêt du 3 février 2006, devenu définitif, de la cour d'appel de Nîmes, le tribunal correctionnel de Privas a condamné M. A...B...à la démolition de l'ensemble des travaux réalisés irrégulièrement. Saisi par la SCI Tracoulon, ayant pour gérant M. A...B..., d'une demande de permis de construire de régularisation en vue de créer " deux logements saisonniers en sus de trois logements existants ", aux fins d'occupation personnelle, de changer l'affectation de certains locaux, de créer des surfaces nouvelles et de modifier les façades, le maire de Lamastre a estimé que cette demande visait à l'aménagement de gîtes locatifs saisonniers et l'a rejetée par un arrêté du 3 juin 2005. Le tribunal administratif de Lyon ayant, par un jugement du 24 janvier 2008, annulé cet arrêté et enjoint au maire de Lamastre de réexaminer la demande de permis, le maire a, par un nouvel arrêté du 28 mars 2008, refusé d'y faire droit. La commune de Lamastre se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 octobre 2012 confirmant le jugement du 15 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 28 mars 2008.

2. En vertu des articles L. 480-4 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, en cas de condamnation pour édification d'une construction sans permis de construire, le juge pénal peut ordonner la démolition des ouvrages. Selon l'article L. 480-9 du même code, si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition n'est pas complètement achevée, le maire agissant au nom de l'Etat ou le fonctionnaire compétent " peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice ". Il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne font pas obligation au maire de prendre les mesures qu'elles prévoient. Par suite, l'autorité habilitée à se prononcer sur une demande de permis de construire, visant à régulariser l'édification antérieurement opérée d'un ouvrage dont la démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive, n'est pas tenue de rejeter cette demande. Il lui appartient d'apprécier l'opportunité de la délivrance d'un permis de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l'infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d'urbanisme applicables.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, qu'une visite sur les lieux menée par la sous-préfète de Tournon-sur-Rhône, le 27 août 2004, avait permis de constater que les cinq logements construits sans autorisation dans les deux bâtiments en cause étaient utilisés comme des gîtes destinés à la location et qu'un sixième gîte avait été aménagé, portant la capacité d'accueil à quarante-trois personnes. D'autre part, à la date du dépôt de sa demande de permis de construire par la SCI Tracoulon, le site Internet de cette dernière proposait ces gîtes à la location et des réservations avaient déjà été enregistrées pour l'été 2006. Si cette société soutenait qu'elle avait demandé à la société qui hébergeait ce site de le supprimer, elle n'apportait aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, en estimant que la demande de permis de régularisation déposée le 4 février 2005 et complétée le 4 mars 2005, portant sur la création de deux logements saisonniers et le réaménagement de trois logements existants en vue d'une occupation personnelle, n'était pas entachée de fraude, la cour administrative d'appel de Lyon a dénaturé les pièces du dossier.

4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lamastre est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Lamastre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Tracoulon et de M. A...B...le versement d'une somme de 1 000 euros chacun à la commune de Lamastre au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 octobre 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : La SCI Tracoulon et M. A...B...verseront chacun une somme de 1 000 euros à la commune de Lamastre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI Tracoulon et M. A...B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lamastre, à la SCI Tracoulon et à M. C...A...B....


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 364622
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 avr. 2014, n° 364622
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Beurton
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364622.20140430
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