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07/05/2014 | FRANCE | N°357888

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 07 mai 2014, 357888


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 18 février 2009 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de réfugié. Par une décision n° 09011655 du 4 octobre 2011, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à ces demandes.

Mme A...D..., épouseC..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une

part, d'annuler la décision du 18 février 2009 par laquelle le directeur général de l'O...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 18 février 2009 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de réfugié. Par une décision n° 09011655 du 4 octobre 2011, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à ces demandes.

Mme A...D..., épouseC..., a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 18 février 2009 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de réfugiée. Par une décision n° 09011654 du 4 octobre 2011, la Cour nationale du droit d'asile a également fait droit à ces demandes.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

1°, sous le n° 357889, par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 23 mars 2012, 4 juin 2012 et 22 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 09011655 du 4 octobre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile ;

2°) de renvoyer l'affaire devant cette Cour.

L'OFPRA soutient que :

- la cour a commis une erreur de droit et entaché sa décision d'insuffisance de motivation en reconnaissant à M. C...le statut de réfugié sans tenir compte de la présomption du caractère non-fondé de sa demande d'asile et sans préciser les faits qui lui permettaient de tenir pour établi que les autorités polonaises n'avaient pas assuré à M. C...une protection effective ;

- qu'elle a insuffisamment motivé sa décision en se bornant à affirmer que M. C...avait vainement tenté de solliciter la protection des autorités polonaises sans rechercher si les autorités polonaises avaient réellement refusé cette protection et, le cas échéant, pour quelle raison.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2013, M.C..., représenté par la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange, conclut au rejet du pourvoi et à ce que soit mis à la charge de l'OFPRA la somme de 2 500 euros à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C...soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'OFPRA n'est fondé.

2°, sous le n° 357888, par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 mars et 4 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 09011654 du 4 octobre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile ;

2°) de renvoyer l'affaire devant cette Cour.

L'OFPRA soutient que le statut de réfugié n'a été accordé à Mme D...qu'en sa seule qualité d'épouse de M.C..., en application du principe d'unité de famille et que, dès lors, l'annulation de la décision par laquelle a été accordé à M. C...le statut de réfugié entraine nécessairement l'annulation de la décision par laquelle ce statut a été accordé à son épouse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2013, MmeC..., représentée par la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange, conclut au rejet du pourvoi et à ce que soit mis à la charge de l'OFPRA la somme de 2 500 euros à verser à son avocat, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C...soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne, notamment son protocole n° 24 ;

- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat de OFPRA, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de Mme D...épouse C...et à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de M. C...;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Les pourvois de M. et Mme C...présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et MmeC..., ressortissants russes d'origine tchétchène, se sont vu reconnaître le 15 janvier 2007, par les autorités polonaises, la qualité de réfugiés sur le fondement des risques de persécutions auxquels ils sont exposés en Fédération de Russie depuis la deuxième guerre d'indépendance de la Tchétchénie. M. C...alléguant être l'objet, sur le territoire polonais, de menaces émanant de personnes originaires de Tchétchénie, il a présenté avec son épouse, après leur entrée irrégulière en France, une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejetée. Par deux décisions du 4 octobre 2011, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu la qualité de réfugiés à M. C...et, sur le fondement du principe de l'unité de famille, à MmeC....

3. Aux termes du 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne " qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. ". Aux termes du 1 de l'article 31 de cette même convention : " Les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. ". Aux termes du 1 de l'article 33 de cette même convention : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. ".

4. Il résulte de ces stipulations que lorsqu'une personne s'est vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, elle ne peut plus, aussi longtemps que le statut de réfugié lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat, sans avoir été préalablement admise au séjour, le bénéfice des droits qu'elle tient de la convention de Genève à raison de ces persécutions.

5. Toutefois, une personne qui, s'étant vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, demande néanmoins l'asile en France, doit, s'il est établi qu'elle craint avec raison que la protection à laquelle elle a conventionnellement droit sur le territoire de l'Etat qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié n'y est plus effectivement assurée, être regardée comme sollicitant pour la première fois la reconnaissance du statut de réfugié. Il appartient, en pareil cas, aux autorités françaises d'examiner sa demande au regard des persécutions dont elle serait, à la date de sa demande, menacée dans le pays dont elle a la nationalité.

6. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque le demandeur s'est vu en premier lieu reconnaître le statut de réfugié par un Etat membre de l'Union européenne, les craintes dont il fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. Cette présomption ne saurait toutefois valoir, notamment, lorsque cet Etat membre a pris des mesures dérogeant à ses obligations prévues par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur le fondement de l'article 15 de cette convention, ou dans le cas où seraient mises en oeuvre à l'encontre de cet Etat membre les procédures, prévues à l'article 7 du Traité sur l'Union européenne, soit de prévention, soit de sanction d'une violation des valeurs qui fondent l'Union européenne.

7. Pour annuler la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 février 2009 et reconnaître à M. C...le statut de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile a retenu que l'intéressé devait être regardé comme craignant avec raison, au sens des stipulations de la convention de Genève, d'être persécuté en cas de retour en Pologne, où les autorités n'auraient pas été en mesure de lui assurer une protection effective. En se prononçant ainsi, sans rechercher si, conformément à ce qui a été dit au point 6, l'intéressé, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par un Etat membre de l'Union européenne avant son arrivée en France, apportait la preuve requise pour renverser la présomption que sa demande n'était pas fondée, la Cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi n° 357889, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision n° 09011655 du 4 octobre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile.

8. Pour admettre Mme C...au bénéfice de l'asile, la Cour nationale du droit d'asile s'est uniquement fondée, dans sa décision n° 09011654, sur ce que l'intéressée, en sa qualité d'épouse d'un compatriote à qui venait d'être octroyé le statut de réfugié, pouvait à bon droit se prévaloir du principe de l'unité de famille. Dès lors que la décision n° 09011655 admettant M. C... au bénéfice de l'asile doit être annulée, ainsi qu'il a été dit au point 7, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision n° 09011654 du 4 octobre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile.

9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par chacun des époux C...au bénéfice de leur avocat.

D E C I D E :

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Article 1er : Les décisions n° 09011654 et n° 09011655 du 4 octobre 2011de la Cour nationale du droit d'asile sont annulées.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à M. B...C...et à Mme A...D..., épouseC....


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 357888
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2014, n° 357888
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:357888.20140507
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