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29/06/2020 | FRANCE | N°425516

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29 juin 2020, 425516


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mars 2014 du vice-président de la communauté urbaine de Lyon rejetant sa demande tendant, d'une part, à la suppression de toute référence à une obligation en matière de diagnostic d'amiante et de désamiantage contenue dans des lettres des 6 avril et 22 mai 2012, dans les nouveaux formulaires type d'avis technique d'autorisation de travaux, dans la " fiche chantier " de réfection définitive de la voirie et sa liste type des prix, et, d'aut

re part, à ce que la communauté urbaine de Lyon procède à des diagno...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mars 2014 du vice-président de la communauté urbaine de Lyon rejetant sa demande tendant, d'une part, à la suppression de toute référence à une obligation en matière de diagnostic d'amiante et de désamiantage contenue dans des lettres des 6 avril et 22 mai 2012, dans les nouveaux formulaires type d'avis technique d'autorisation de travaux, dans la " fiche chantier " de réfection définitive de la voirie et sa liste type des prix, et, d'autre part, à ce que la communauté urbaine de Lyon procède à des diagnostics de la présence d'amiante dans sa voirie et exécute tous travaux nécessaires de désamiantage ou de dépollution du sol. Elle a également demandé au tribunal d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon d'abroger les dispositions ou mentions en litige et de procéder à l'exécution des travaux demandés dans un délai de deux mois sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1405739 du 26 avril 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY02157 du 20 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Orange France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2018, 21 février 2019 et 17 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Orange et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Métropole de Lyon ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2020, présentée par la société Orange France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté urbaine de Lyon, après avoir découvert la présence d'amiante dans des enrobés bitumeux recouvrant la voirie qui relève de sa compétence, a, par des courriers des 6 avril et 22 mai 2012, informé de ce constat la société Orange France, en sa qualité d'opérateur de réseaux de télécommunications implantés sous la voirie et lui a indiqué que les avis techniques rendus préalablement à la réalisation des travaux sur la voie publique tiendraient compte des mesures prises par les intervenants en matière de protection contre le risque que présente l'amiante, notamment en matière de prélèvement et d'analyse d'échantillons lors des travaux d'excavation. En outre, après avoir, par une délibération de son conseil communautaire du 25 juin 2012, modifié son règlement de voirie, la communauté urbaine de Lyon a modifié ses modèles d'accords techniques pour l'ouverture de chantiers sur les voies communautaires, les " fiches chantier " établies pour la réfection définitive de la voirie ainsi que la liste type de prix notifiée aux intervenants à cette occasion, pour y intégrer des prescriptions tenant à la réalisation d'un " diagnostic amiante " et à la prise en charge des frais correspondants par l'intervenant. Par courrier du 22 janvier 2014, la société Orange France a demandé au président de la communauté urbaine de Lyon de supprimer, dans ces courriers et documents, toute référence relative aux obligations en matière d'amiante. Elle a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 5 mars 2014 de rejet de cette demande et d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de procéder à des diagnostics de la présence d'amiante dans sa voirie et de faire exécuter à ses frais l'ensemble des travaux de désamiantage ou de dépollution du sol. La société Orange France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 septembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel formé contre le jugement du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz et les canalisations de transport d'hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d'utilité publique ou d'intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 113-4 du même code : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ". Selon l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques, les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier. En vertu de l'article L. 47 de ce code : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-11 du code de la voirie routière : " Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d'exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes. (...) " et aux termes de l'article R. 141-14 du même code : " Un règlement de voirie fixe les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l'art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune / Ce règlement est établi par le conseil municipal après avis d'une commission présidée par le maire et comprenant, notamment, des représentants des affectataires, permissionnaires, concessionnaires et autres occupants de droit des voies communales ". Selon l'article L. 141-12, ces attributions sont exercées par l'établissement public de coopération intercommunale compétent.

4. La communauté urbaine de Lyon, devenue la Métropole de Lyon, a prévu, au 4ème alinéa de l'article 1.8.1 de son règlement de voirie, que " si à l'occasion d'une fouille réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'intervenant, pour les besoins de travaux conduits sous sa maîtrise d'ouvrage, celui-ci découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, la gestion des déblais issus de l'excavation du sol sera à la charge de l'intervenant. Il devra procéder à l'identification de la nature et du niveau de pollution de ces déblais préalablement à leur traitement dans un centre d'enfouissement ou de traitement agréé. La charge financière de ces actions sera supportée par l'intervenant ".

5. En jugeant que ces dispositions du règlement de voirie de la Métropole de Lyon, sur le fondement desquelles les documents en litige relatifs aux travaux ont été modifiés par la Métropole et que la société Orange France contestait par la voie de l'exception, sont relatives à l'exécution des travaux réalisés sur le domaine public routier par les intervenants, sous leur maîtrise d'ouvrage, en vue d'accéder aux réseaux souterrains qu'ils exploitent et ne font que rappeler, s'agissant de la gestion des déblais pollués issus de l'excavation des sols, les obligations qui leur sont prescrites par les lois et règlements applicables en matière d'amiante et destinées à assurer la protection des travailleurs et la préservation de l'environnement, de sorte qu'elles relèvent d'un règlement de voirie tel que prévu par les dispositions précitées des articles L. 141-11 et R. 141-14 du code de la voirie routière et ne portent pas une atteinte illégale au droit de passage de la société Orange France sur le domaine public routier de la Métropole de Lyon, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ; / (...) Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (...) ". Aux termes de l'article L. 541-4-1 du même code : " Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : / - les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente (...) ".

7. Les déblais résultant de travaux réalisés sur la voie publique constituent des déchets au sens des dispositions précitées et les intervenants sous la maîtrise d'ouvrage desquels ces travaux sont réalisés doivent être regardés comme les producteurs de ces déchets. La circonstance que la voie publique comporte, indépendamment de la réalisation de travaux, des fibres d'amiante ne saurait faire obstacle à l'application de ces dispositions. Ainsi, en jugeant, après avoir relevé que les actes et documents en litige étaient relatifs à des travaux desquels sont issus des déchets à traiter, d'une part, que la société Orange France ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 556-1 et suivants du code de l'environnement relatives à la pollution des sols et n'était pas fondée à soutenir que le dispositif mis en place par la Métropole de Lyon en matière d'élimination des déchets était constitutif d'une cession d'amiante entre la Métropole et les intervenants réalisant des travaux sur la voirie, prohibée par la réglementation applicable, et, d'autre part, que les déchets amiantés résultant de travaux effectués sur le domaine public routier de la Métropole de Lyon sous la maîtrise d'ouvrage des intervenants et aux fins d'accéder aux réseaux souterrains qu'ils gèrent doivent être pris en charge jusqu'à leur élimination par ces intervenants en leur qualité de producteurs de déchets, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas, alors même qu'une partie de la voirie de la Métropole de Lyon comporte, indépendamment de la réalisation de fouilles, de l'amiante, commis d'erreur de droit.

8. En outre, si les dispositions du code de l'environnement en matière de déchets confèrent de larges pouvoirs de police au maire, elles ne font pas obstacle à ce que les communes ou, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale compétents exercent les compétences qu'ils tiennent des dispositions du code de la voirie routière citées au point 3 pour adopter un règlement de voirie et, par voie de conséquence, rédigent des documents techniques relatifs aux travaux sur cette voirie et adressent aux intervenants des courriers à ce sujet. Par suite, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société Orange France, pas commis d'erreur de droit en ne relevant pas d'office un moyen tiré de ce que le conseil communautaire de la communauté urbaine de Lyon n'était pas compétent pour adopter les dispositions du règlement de voirie mentionnées au point 4, que la société Orange France critiquait par la voie d'exception, alors même qu'elles portent sur des déchets.

9. Aux termes de l'article 7.2 du modèle type d'accord technique : " toutes interventions sur le domaine public communautaire pour lesquelles l'intervenant assurera la maîtrise d'ouvrage, devront être réalisées dans des conditions d'hygiène et de protection de la santé conformes aux règles énoncées par le code du travail ".

10. En jugeant que ces dispositions ne font que rappeler à la société Orange France, sans instituer de règles nouvelles, ses obligations de protection de ses salariés et des salariés des entreprises intervenant à sa demande conformément aux dispositions du code du travail, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange France une somme de 3 000 euros à verser à la Métropole de Lyon à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Orange France est rejeté.

Article 2 : La société Orange France versera une somme de 3 000 euros à la Métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Orange France et à la Métropole de Lyon.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425516
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 425516
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425516.20200629
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