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03/02/2022 | FRANCE | N°453159

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 03 février 2022, 453159


Vu les procédures suivantes :

M. A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale à compter du 2 mars 2021. Par une ordonnance n° 2100575 du 17 mai 2021, le juge des référés a suspendu cette décision.

1° Sous le n° 453159, par un pourvoi enregistré le 1er juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministr

e de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;...

Vu les procédures suivantes :

M. A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale à compter du 2 mars 2021. Par une ordonnance n° 2100575 du 17 mai 2021, le juge des référés a suspendu cette décision.

1° Sous le n° 453159, par un pourvoi enregistré le 1er juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire en référé, de rejeter la demande de M. C....

2° Sous le n° 453161, par une requête enregistrée le 1er juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 17 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane visée au I.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code pénal ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite de la condamnation de M. C..., brigadier-chef de police, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie d'une peine complémentaire de deux ans d'interdiction d'exercer les fonctions de policier national par un arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Basse-Terre (Guadeloupe) du 23 février 2021, le ministre de l'intérieur a radié l'intéressé des cadres à compter du 2 mars 2021, par un arrêté du 15 mars 2021 dont le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu l'exécution par une ordonnance du 17 mai 2021 prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administratif. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre cette ordonnance et demande, par une requête distincte, qu'il soit sursis à son exécution. Il y a lieu de joindre ces deux recours pour qu'il y soit statué par une seule décision.

Sur le pourvoi dirigé contre l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

4. Lorsqu'un agent public a été condamné pénalement à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer, à titre définitif ou temporaire, la fonction publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, il appartient à l'autorité administrative de tirer les conséquences nécessaires de cette condamnation. Cette autorité est tenue de prononcer sa radiation des cadres lorsque l'intéressé ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade, sans méconnaître l'étendue de l'interdiction d'exercice prononcée par le juge pénal.

5. Aux termes de l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels. / Ces missions ou activités doivent être exécutées dans le respect des principes républicains et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre ". En vertu de l'article 1er du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, ce corps est également régi par les dispositions du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. En vertu de l'article 2 de ce décret, les gradés et gardiens de la paix participent aux missions qui incombent aux services actifs de police et exercent celles qui leur sont conférées par le code de procédure pénale et, en vertu du premier alinéa de l'article 5, les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale exercent leurs missions en tenue ou en civil selon la nature des fonctions assurées.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les actes de vol aggravé par effraction en réunion dans un local d'habitation à l'origine de la condamnation pénale assortie de la peine complémentaire mentionnée au point 1 ont été commis par M. C... en lien avec les fonctions qu'il exerçait alors, en qualité de brigadier-chef de police qui est un des grades du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, à la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) Antilles-Guyane. Pour ordonner la suspension de l'exécution de la mesure de radiation des cadres prononcée par l'arrêté du 15 mars 2021 du ministre de l'intérieur en conséquence de la peine complémentaire de deux ans d'interdiction d'exercer les fonctions de policier national, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, après avoir regardé satisfaite la condition d'urgence, a retenu qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur s'est estimé en compétence liée pour procéder à cette radiation sans rechercher les possibilités de reclasser l'agent dans un autre emploi, y compris par voie de détachement, ou de le suspendre en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en vue de l'engagement d'une procédure disciplinaire de révocation.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 et compte tenu des dispositions statutaires applicables au corps d'encadrement et d'application de la police nationale mentionnées au point 5, que, pour tirer les conséquences qu'emporte la peine complémentaire de deux ans d'interdiction à exercer des fonctions de policier national, le ministre de l'intérieur ne pouvait affecter M. C... à aucune des missions ou activités des fonctionnaires actifs des services de la police nationale énumérées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure citées au point 5 ou à celles conférées par le code de procédure pénale ni, par suite, lui confier de fonctions que son grade lui donnait vocation à exercer. Il n'était, en outre, ni tenu d'engager une procédure disciplinaire à son encontre et dans cette attente de le suspendre en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, ni tenu de rechercher un poste en détachement compatible avec la peine complémentaire prononcée. Dès lors, en prononçant la suspension de la mesure de radiation pour les motifs rappelés au point 6, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé et de statuer sur la demande de suspension présentée par M. C..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Pour demander la suspension de l'arrêté litigieux, M. C... se prévaut de son insuffisance de motivation, de l'absence de saisine et d'information du conseil de discipline de la mesure de révocation dont il a fait l'objet, du caractère disproportionné, rétroactif et manifestement erroné de cette sanction, et de la méconnaissance par l'administration de son obligation de reclassement. En l'état de l'instruction et eu égard à l'office du juge des référés, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que M. C... n'est pas fondé à demander, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres.

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

11. La présente décision se prononçant sur le pourvoi formé contre l'ordonnance du 17 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 17 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de l'ordonnance du 17 mai 2021.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat et M. François Charmont, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 3 février 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. François Charmont

La secrétaire :

Signé : Mme D... B...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 453159
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2022, n° 453159
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Charmont
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453159.20220203
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