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21/04/2023 | FRANCE | N°453009

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 21 avril 2023, 453009


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 mai 2021, 5 janvier 2022 et 3 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'il prenne toutes mesures utiles pour assurer la transposition effective des directives 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des i

ncidences de certains plans et programmes sur l'environnement, 92/43/CEE ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 mai 2021, 5 janvier 2022 et 3 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'il prenne toutes mesures utiles pour assurer la transposition effective des directives 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, s'agissant des plans simples de gestion et des documents d'aménagement forestier ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision et sous astreinte d'une somme de 30 000 euros par jour de retard, de prendre les dites mesures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- les arrêts C-290/15 du 27 octobre 2016, C-671/16 du 7 juin 2018, C-321/18 du 12 juin 2019 et C-24/19 du 25 juin 2020 de la Cour de justice de l'union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre reçue le 23 mars 2021, l'association France Nature Environnement a demandé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre toutes mesures utiles pour que les conditions d'élaboration, d'agrément ou d'approbation des plans simples de gestion forestière et des documents d'aménagement forestier, prévues respectivement aux articles L. 312-1 et suivants et L. 212-1 et suivants du code forestier, soient conformes aux dispositions des directives 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite qui lui a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande de la requérante de prendre toute mesure utile permettant la complète application de dispositions législatives aux fins de correcte transposition des dispositions d'une directive réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

Sur la méconnaissance des exigences de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement :

3. Aux termes de l'article 2 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 précitée sont, pour son application, regardés comme des plans et programmes, les " plans et programmes, (...) : - élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d'une procédure législative, et - exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives (...) ". L'article 3 prévoit qu'une évaluation environnementale, qui doit, selon l'article 4, être effectuée " pendant l'élaboration du plan ou du programme et avant qu'il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ", est nécessaire " 2. pour tous les plans et programmes: a) qui sont élaborés pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, de l'industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l'eau, des télécommunications, du tourisme, de l'aménagement du territoire urbain et rural ou de l'affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l'avenir ; ou b) pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE. (...) 4. Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l'avenir, les Etats membres déterminent s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, les projets sont définis comme : " - la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages, - d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ; ".

4. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, adopté notamment pour la transposition de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 : " I.- Pour l'application de la présente section, on entend par : / 1° " Plans et programmes " : les plans, schémas, programmes et autres documents de planification élaborés ou adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, ainsi que leur modification, dès lors qu'ils sont prévus par des dispositions législatives ou réglementaires, y compris ceux cofinancés par l'Union européenne ; / (...) II. - Font l'objet d'une évaluation environnementale systématique : / 1° Les plans et programmes qui sont élaborés dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, de l'industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l'eau, des télécommunications, du tourisme ou de l'aménagement du territoire et qui définissent le cadre dans lequel les projets mentionnés à l'article L. 122-1 pourront être autorisés ; (...) / III. - Font l'objet d'une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l'autorité environnementale : / 1° Les plans et programmes mentionnés au II qui portent sur des territoires de faible superficie s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ; / 2° Les plans et programmes, autres que ceux mentionnés au II, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée si ces plans sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement (...) ". L'article L. 122-5 du même code prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise notamment " 1° La liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale de manière systématique ou à un examen au cas par cas, en application des II et III de l'article L. 122-4 et les conditions de son actualisation annuelle ; / 2° Les conditions dans lesquelles, lorsqu'un plan ou programme relève du champ du II ou du III de l'article L. 122-4 mais ne figure pas sur la liste établie en application du 1°, le ministre chargé de l'environnement décide, pour une durée n'excédant pas un an, de le soumettre à évaluation environnementale systématique ou à examen au cas par cas (...) ".

5. Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 122-17 du même code fixe la liste de plans, schémas, programmes et autres documents de planification devant, systématiquement ou à la suite d'un examen au cas par cas, faire l'objet d'une évaluation environnementale au titre du II et du III de l'article L. 122-4 précité. Son III précise que : " Lorsqu'un plan ou un programme relevant du champ du II ou du III de l'article L. 122-4 ne figure pas dans les listes établies en application du présent article, le ministre chargé de l'environnement, de sa propre initiative ou sur demande de l'autorité responsable de l'élaboration du projet de plan ou de programme, conduit un examen afin de déterminer si ce plan ou ce programme relève du champ de l'évaluation environnementale systématique ou d'un examen au cas par cas, en application des dispositions du IV de l'article L. 122-4. / L'arrêté du ministre chargé de l'environnement soumettant un plan ou un programme à évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas est publié au Journal officiel de la République française et mis en ligne sur le site internet du ministère chargé de l'environnement (...) ".

6. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans ses arrêts du 27 octobre 2016, D'Oultremont e.a. (C-290/15), du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C-671/16), du 12 juin 2019, Terre Wallonne (C-321/18) et du 25 juin 2020, A. e.a (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C-24/19), la notion de " plans et programmes " soumis à évaluation environnementale en application du paragraphe 2 de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 précitée se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l'autorisation et la mise en œuvre d'un ou de plusieurs projets, mentionnés par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Sont également soumis à évaluation environnementale les plans et programmes mentionnés au paragraphe 4 de l'article 3, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre d'autres projets pourra être autorisée à l'avenir, lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.

S'agissant des plans simples de gestion prévus aux articles L. 312-1 et suivants du code forestier :

7. En vertu des articles L. 312-1 et L. 312-4 du code forestier, les propriétaires de bois et de forêt répondant aux conditions de surface posées à l'article L. 312-1 sont soumis à l'obligation d'élaborer un plan simple de gestion qui est présenté à l'agrément du centre régional de la propriété forestière. Aux termes de l'article L. 312-2 du code forestier, le plan simple de gestion comprend : " 1° Une brève analyse des enjeux économiques, environnementaux et sociaux de la forêt et, en cas de renouvellement, de l'application du plan précédent ; / 2° Un programme d'exploitation des coupes ; / 3° Un programme des travaux de reconstitution après coupe. / Lorsqu'il comporte un programme des travaux d'amélioration, il mentionne ceux qui ont un caractère obligatoire. / Il précise aussi la stratégie de gestion des populations de gibier faisant l'objet d'un plan de chasse fixé sur tout le territoire national, en application du troisième alinéa de l'article L. 425-6 du code de l'environnement, proposée par le propriétaire en conformité avec ses choix de gestion sylvicole. " Aux termes de l'article L. 312-4 du même code : " Le propriétaire réalise, sans formalité particulière, les coupes prévues au programme d'exploitation du plan simple de gestion agréé. Il exécute les travaux mentionnés comme obligatoires dans le plan simple de gestion. Il exécute également, dans les cinq ans qui suivent l'exploitation, les travaux de reconstitution après coupe. "

8. Il résulte de ces dispositions que le plan simple de gestion, bien qu'exigé par des dispositions législatives, ne constitue pas un document élaboré ou adopté par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant. Au demeurant, il n'a ni pour objet, ni pour effet de définir un ensemble significatif de critères et de modalités devant être mis en œuvre par les autorités compétentes pour autoriser des projets, au sens de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, affectant les bois et forêts concernés, mais autorise directement le propriétaire à réaliser, sans formalité supplémentaire, les coupes et travaux qu'il prévoit. Par suite, il ne constitue pas un plan ou programme au sens de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 précitée et de l'article L. 122-4 du code de l'environnement.

S'agissant des documents d'aménagement forestier prévu aux articles L. 212-1 et suivants du code forestier :

9. En vertu de l'article L. 212-1 du code forestier, les bois et forêts publics relevant du régime forestier qu'il désigne sont gérés conformément à un document d'aménagement approuvé, selon les cas, par arrêté du ministre de chargé des forêts ou du représentant de l'Etat dans la région. Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Le document d'aménagement, établi conformément aux directives et schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2, prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l'équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d'approvisionnement des industries du bois. / Dans les forêts soumises à une forte fréquentation du public, la préservation et l'amélioration du cadre de vie des populations constituent une priorité. / Il fixe l'assiette des coupes. L'arrêté d'aménagement peut, pour certaines zones, interdire ou soumettre à des conditions particulières les activités susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs de l'aménagement. " L'article D. 212-1 du même code précise que le document d'aménagement comprend des analyses préalables, une partie économique incluant notamment un bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés et une partie technique " qui rassemble des renseignements généraux sur la forêt, une évaluation de sa gestion passée, la présentation des objectifs de gestion durable poursuivis ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, compte tenu des analyses mentionnées au 1° ; y figure, en particulier, la programmation des coupes et des travaux sylvicoles ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 212-3 du même code : " L'arrêté qui approuve le document d'aménagement, appelé arrêté d'aménagement, prévoit la durée de validité de ce document. / Toutefois, les règles prévues par le document d'aménagement en matière de coupes de taillis ou de taillis sous futaie restent en vigueur après son expiration, jusqu'à l'intervention d'un nouvel arrêté. " En vertu de l'article L. 213-5 du même code, toute coupe non prévue par un document d'aménagement approuvé doit être autorisée par le ministre chargé des forêts, à peine de nullité des ventes.

10. Il résulte de ces dispositions que si le document d'aménagement forestier est exigé par des dispositions législatives et est adopté par l'Etat, il n'a ni pour objet, ni pour effet de définir un ensemble significatif de critères et de modalités devant être mis en œuvre par les autorités compétentes pour autoriser des projets, au sens de la directive du 13 décembre 2011, affectant les bois et forêts concernés, mais permet directement la réalisation des coupes prévues, sans autorisation préalable. Par suite, il ne constitue pas un plan ou programme au sens de de la directive du 27 juin 2001 précitée et de l'article L. 122-4 du code de l'environnement.

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 122-17 du code de l'environnement méconnaitraient l'article L. 122-4 du code de l'environnement ainsi que les objectifs de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 en ne soumettant pas à évaluation environnementale les documents d'aménagement et les plans de gestion forestiers doit être écarté.

Sur la méconnaissance des exigences de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (législation Natura 2000) :

12. Aux termes de l'article 6 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages : " Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans et projets, fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l'évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu'après s'être assurées qu'il ne portera pas atteinte à l'intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l'avis du public ".

13. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, adopté notamment pour la transposition de cet article 6 : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / 3° Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage. (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. / (...) IV bis. ' Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. / V. - Les listes arrêtées au titre des III et IV par l'autorité administrative compétente sont établies au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, en concertation notamment avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de propriétaires, d'exploitants et d'utilisateurs concernés ainsi que d'organisations professionnelles, d'organismes et d'établissements publics exerçant leurs activités dans les domaines agricole, sylvicole, touristique, des cultures marines, de la pêche, de la chasse et de l'extraction. Elles indiquent si l'obligation de réaliser une évaluation des incidences Natura 2000 s'applique dans le périmètre d'un ou plusieurs sites Natura 2000 ou sur tout ou partie d'un territoire départemental ou d'un espace marin. / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000. / (...) " Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 414-19 du même code dispose que : " I.- La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : / 6° Les documents de gestion forestière mentionnés au a du 1° et au a du 2° de l'article L. 122-3 du code forestier et portant sur des forêts situées en site Natura 2000, sous réserve de l'application de l'article L. 122-7 du même code (...) ". Le II du même article ajoute que : " Sauf mention contraire, les documents de planification, programmes, projets, manifestations ou interventions listés au I sont soumis à l'obligation d'évaluation des incidences Natura 2000, que le territoire qu'ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d'un site Natura 2000 ". Aux termes du a du 1° et du a du 2° de l'article L. 122-3 du code forestier, les documents de gestion forestière mentionnés au 6° du I de l'article R. 414-19 du code de l'environnement correspondent aux documents d'aménagement prévus par les articles L. 212-1 et suivants du code forestier et aux plans simples de gestion prévus aux articles L. 312-1 et suivants du même code.

14. Toutefois, l'article L. 122-7 du code forestier, mentionné au 6° du I de l'article R. 414-19 du code de l'environnement, permet aux propriétaires disposant d'un document d'aménagement ou d'un plan simple de gestion d'être dispensés des formalités prévues par d'autres législations énumérées à l'article L. 122-8 du même code, parmi lesquelles les dispositions relatives aux sites Natura 2000 citées au point précédent, en vertu de son 6°, dans les deux hypothèses suivantes : " (...) 1° Le document de gestion est conforme aux dispositions spécifiques arrêtées conjointement par l'autorité administrative chargée des forêts et l'autorité administrative compétente au titre de l'une de ces législations, et portées en annexe des directives ou schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2 ; 2° Le document de gestion a recueilli, avant son approbation ou son agrément, l'accord explicite de l'autorité administrative compétente au titre de ces législations. " Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 222-21 du même code dispose que : " Lorsque des bois et forêts relèvent d'une ou plusieurs des législations mentionnées à l'article L. 122-8 et que leur propriétaire ou leur gestionnaire demande l'application de la procédure d'approbation ou d'agrément prévue à l'article L. 122-7, le document de gestion ou, le cas échéant, son avenant doivent être conformes à l'annexe ou aux annexes concernées. Le document de gestion agréé ou approuvé mentionne les législations concernées. / Lorsque le document de gestion est conforme aux règles prévues au présent code, mais n'est pas conforme à une ou plusieurs annexes, l'autorité compétente pour l'agréer ou l'arrêter informe le propriétaire ou l'Office national des forêts, par décision motivée, que la dispense des formalités prévues par la ou les autres législations concernées ne lui est pas accordée. " Par ailleurs, l'article R. 122-24 du même code prévoit que : " Lorsque des bois et forêts sont, en totalité ou en partie, situés dans un site Natura 2000 et que leur propriétaire demande le bénéfice de la procédure prévue au 2° de l'article L. 122-7 au titre de la législation propre à ce site, l'autorité chargée de l'approbation ou de l'agrément de son document de gestion vérifie que la réalisation des travaux ou des coupes mentionnés dans ce document n'est pas de nature à affecter ce site de façon notable et qu'elle peut agréer ou approuver le document de gestion. / Dans le cas contraire, elle informe, par décision motivée, le propriétaire ou le gestionnaire de la forêt que la dispense de l'évaluation préalable prévue à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ne lui est pas accordée. "

15. En premier lieu, lorsqu'un propriétaire ou un gestionnaire ne demande pas à bénéficier des procédures spéciales d'approbation ou d'agrément d'un document de gestion prévues à l'article L. 122-7 du code forestier lui permettant, le cas échéant, d'être dispensé des formalités prévues par les législations mentionnées à l'article L. 122-8 du même code, parmi lesquelles figure la législation applicable aux sites Natura 2000, il résulte, ainsi que le soutient l'association requérante, des dispositions de l'article R. 414-19 du code de l'environnement que ces dernières ne prévoient une obligation de procéder à une évaluation des incidences Natura 2000 que pour les seuls documents d'aménagement ou plans de gestion portant sur des forêts situées dans de tels sites. Toutefois, en vertu des dispositions du IV bis et du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative chargée de l'approbation ou de l'agrément de ces documents de gestion forestière de les soumettre d'office à une telle évaluation s'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, indépendamment du fait qu'ils portent ou non sur des forêts situées dans un tel site.

16. En deuxième lieu, lorsqu'un propriétaire ou un gestionnaire demande à bénéficier des procédures spéciales d'approbation ou d'agrément d'un document de gestion prévues à l'article L. 122-7 du code forestier qui porte sur des forêts situées dans un site Natura 2000 ou susceptible d'affecter un tel site de manière significative, il appartient à l'autorité compétente, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 121-7 et de l'article R. 122-21 du même code, avant d'approuver ou d'agréer ce document, de vérifier sa conformité aux dispositions spécifiques arrêtées conjointement par l'autorité administrative chargée des forêts et l'autorité administrative compétente au titre de la législation Natura 2000 qui sont portées en annexes des directives ou schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2 du code forestier. En vertu de l'article D. 122-15 du même code, ces annexes, qui donnent lieu préalablement à leur approbation à une évaluation des incidences Natura 2000, fixent des prescriptions et des règles de gestion précises et spécifiques aux différentes zones qu'elles identifient et en fonction des habitats d'espèces recensés annuellement en vertu de l'article D. 122-13 du code forestier, qui ont pour objet de garantir que les exigences de la législation Natura 2000 sont respectées.

17. Lorsque le projet de document de gestion ne peut faire l'objet d'une déclaration de conformité à l' " annexe Natura 2000 " de la directive ou du schéma régional applicable dans les conditions exposées au point précédent, l'autorité compétente ne peut, en vertu des dispositions du 2° de l'article L. 121-7 et de l'article R. 122-24 du code forestier, l'approuver ou l'agréer sans avoir recueilli l'accord préalable explicite de l'autorité administrative compétente au titre de la législation Natura 2000. Dans l'hypothèse où le projet de document d'aménagement ou de plan de gestion serait susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et n'aurait pas fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000, l'autorité compétente ne saurait procéder à l'examen qui lui incombe sans avoir préalablement sollicité une telle évaluation.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions du code forestier et du code de l'environnement, applicables aux documents d'aménagement et aux plans de gestion ne soumettraient pas ces documents à une évaluation de leurs incidences dans toutes les hypothèses où ils sont susceptibles d'affecter un site Natura 2000, et méconnaîtraient ce faisant les objectifs de la directive du 21 mai 1992, doit être écarté.

Sur la méconnaissance des exigences de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (législation espèces protégées) :

19. L'article L. 411-1 du code de l'environnement, notamment pris pour la transposition des dispositions de l'article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 précitée et de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). ". Toutefois, les dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du même code, notamment pris pour la transposition de l'article 16 de la directive du 21 mai 1992 et de l'article 9 de la directive du 30 novembre 2009, permettent de déroger à ces interdictions dans les strictes conditions qu'elles précisent parmi lesquelles figurent, dans tous les cas, celles qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

20. Les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement relèvent des dispositions relatives à la préservation du patrimoine biologique figurant à la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de l'environnement mentionnées au 5° de l'article L. 122-8 du code forestier, pour lesquelles les articles L. 122-7 et L. 122-7-1 du même code ont instauré une coordination avec la procédure d'approbation ou d'agrément du document d'aménagement ou du plan simple de gestion forestier permettant, le cas échéant, aux propriétaires ou aux gestionnaires disposant d'un tel document d'être dispensés des formalités prévues par cette législation.

21. Il en résulte, en premier lieu, que lorsqu'un propriétaire ou un gestionnaire demande à bénéficier des procédures spéciales d'approbation ou d'agrément d'un document de gestion prévues à l'article L. 122-7 du code forestier qui porte sur des forêts dans lesquelles des espèces ou des habitats de ces espèces protégées en vertu des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement ont été recensées dans le cadre du recensement annuel prévu à l'article D. 122-13 du code forestier, il appartient à l'autorité compétente, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 121-7 et de l'article R. 122-21 du même code, avant d'approuver ou d'agréer ce document, de vérifier sa conformité aux dispositions spécifiques arrêtées conjointement par l'autorité administrative chargée des forêts et l'autorité administrative compétente pour délivrer la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement qui sont portées en annexes à la directive d'aménagement ou à l'un des schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2 du code forestier applicable. En vertu de l'article D. 122-15 du même code, ces annexes fixent des prescriptions et des règles de gestion précises et spécifiques aux différentes zones qu'elles identifient, et tenant compte des espèces et des habitats d'espèces recensés, qui ont pour objet de garantir que les exigences de la législation applicable aux espèces protégées sont respectées et, en particulier, le cas échéant, que les différentes conditions posées à l'article L. 411-2 du code de l'environnement peuvent être regardées comme réunies.

22. En second lieu, lorsque le projet de document de gestion ne peut faire l'objet d'une déclaration de conformité à l' " annexe espèces protégées " dans les conditions exposées au point précédent, l'autorité compétente ne peut, en vertu des dispositions du 2° de l'article L. 121-7 et de l'article R. 122-24 du code forestier, approuver ou agréer ce document sans avoir recueilli l'accord préalable explicite de l'autorité administrative compétente pour délivrer la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Dans ce cadre, il appartient à cette autorité d'apprécier les incidences des coupes et travaux prévus par ces documents sur les espèces protégées au titre des directives 92/43/CEE du 21 mai 1992 et 2009/147/CE du 30 novembre 2009 et leurs habitats et, par suite, l'éventuelle nécessité de solliciter une dérogation au titre du 1° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

23. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions réglementaires du code forestier et du code de l'environnement applicables aux documents d'aménagement et aux plans de gestion forestiers ne méconnaissent ni les objectifs et exigences des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées, ni les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

24. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du refus implicite qui lui a été opposé. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association France Nature Environnement est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453009
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2023, n° 453009
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:453009.20230421
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