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07/08/2023 | FRANCE | N°471869

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 07 août 2023, 471869


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 471869, par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 26 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du 3 janvier 2023 par lequel la Première ministre a refusé de donner suite à sa demande tendant à ce que des mesures réglementaires soient adoptées afin de prévoir une voie de recours contre la

décision du président du tribunal judiciaire de valider une proposition d...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 471869, par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 26 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du 3 janvier 2023 par lequel la Première ministre a refusé de donner suite à sa demande tendant à ce que des mesures réglementaires soient adoptées afin de prévoir une voie de recours contre la décision du président du tribunal judiciaire de valider une proposition de convention judiciaire d'intérêt public, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale.

2° Sous le n° 471870, par un mémoire, enregistré le 1er juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fakir demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du courrier du 3 janvier 2023 par lequel la Première ministre a refusé de donner suite à sa demande tendant à ce que des mesures réglementaires soient adoptées afin de prévoir une voie de recours contre la décision du président du tribunal judiciaire de valider une proposition de convention judiciaire d'intérêt public, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de procédure pénale, notamment son article 41-1-2 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. A... et de l'association Fakir ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Les dispositions de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale prévoient qu'avant la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits d'atteinte à la probité mentionnés par ces dispositions, comprenant les délits de corruption, de trafic d'influence ou de fraude fiscale et leur blanchiment, ainsi que pour des infractions connexes, de conclure une convention judiciaire d'intérêt public. Par cette convention, qui, conformément à l'article 180-2 du même code, peut également intervenir au stade de l'information judiciaire, peuvent être imposées à la personne morale mise en cause une ou plusieurs obligations, comme le versement d'une amende d'intérêt public au Trésor public, la mise en œuvre d'un programme de mise en conformité et la réparation du dommage causé par l'infraction lorsque la victime est identifiée. Si la personne morale donne son accord à la proposition de convention, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal judiciaire aux fins de validation et informe de cette saisine la personne morale mise en cause et, le cas échéant, la victime. Après une audience publique, le président du tribunal judiciaire prend la décision de valider ou non la proposition de convention. Sa décision n'est pas susceptible de recours. La convention n'emporte pas déclaration de culpabilité et n'a ni la nature ni les effets d'un jugement de condamnation. Elle n'est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire. Si le président du tribunal judiciaire ne valide pas la proposition de convention, si la personne morale mise en cause se rétracte ou si elle ne justifie pas de l'exécution des obligations prévues, le procureur met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau. La prescription de l'action publique est suspendue pendant la durée de l'exécution de la convention. L'exécution des obligations prévues par la convention éteint l'action publique.

3. M. A... et l'association Fakir demandent, à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'ils ont, respectivement, formé contre deux courriers du 3 janvier 2023 par lesquels la Première ministre a refusé de donner suite à leur demande tendant à ce que des mesures réglementaires soient adoptées afin de prévoir une voie de recours contre la décision du président du tribunal judiciaire de valider une proposition de convention judiciaire d'intérêt public, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale. Ils soutiennent que ces dispositions, d'une part, méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et le respect des droits de la défense ainsi que le principe d'égalité devant la justice, garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et, d'autre part, sont entachées d'incompétence négative.

4. En vertu de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale : " (...) La décision du président du tribunal [de valider ou non une convention judiciaire d'intérêt public], qui est notifiée à la personne morale mise en cause et, le cas échéant, à la victime, n'est pas susceptible de recours ".

5. Dès lors que les règles concernant la procédure pénale ressortissent au domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution et que les dispositions législatives contestées excluent toute voie de recours, y compris à l'initiative des victimes, contre la décision de valider ou non une convention judiciaire d'intérêt public, la Première ministre était tenue de rejeter les demandes de M. A... et de l'association Fakir tendant à édicter les mesures réglementaires pour organiser un tel recours. Ainsi, la question de la conformité de ces dispositions législatives aux droits et libertés garantis par la Constitution est insusceptible d'avoir une incidence sur l'appréciation de la légalité de la décision attaquée. Par suite, les dispositions de la dernière phrase du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 41-1-2 du code de procédure pénale ne sont pas applicables au litige, au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Il suit de là qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A... et l'association Fakir.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à l'association Fakir et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 7 août 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Airelle Niepce

La secrétaire :

Signé : Mme Laïla Kouas


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 471869
Date de la décision : 07/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 aoû. 2023, n° 471869
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:471869.20230807
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