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07/12/2023 | FRANCE | N°23PA00256

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 23PA00256


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination



Par un jugement n° 2216054 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :

Par

une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 19 janvier 2023 et 27 avril 2023, M. C... B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination

Par un jugement n° 2216054 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 19 janvier 2023 et 27 avril 2023, M. C... B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2216054 du tribunal administratif de Paris du 2 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros HT au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité de jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ;

- les premiers juges ont commis plusieurs erreurs d'appréciation et omis d'examiner sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 6, 1), de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 6, 5), de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et du fait qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jasmin- Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 4 octobre 1971, entré en France en 2003 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 24 mars 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté, par une motivation suffisante, les moyens soulevés devant lui par M. B..., notamment celui tiré de l'erreur d'appréciation au regard de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

3. D'autre part, si M. B... soutient que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs d'appréciation, une telle critique relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Ils doivent, par suite, être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

4. Par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police le même jour, et visé par l'arrêté attaqué, le préfet de police a donné à Mme D... A..., attachée d'administration de l'État et cheffe du pôle " admission exceptionnelle au séjour ", délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 24 mars 2022 doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B.... Il mentionne que l'intéressé a sollicité son admission au séjour dans le cadre des stipulations de l'article 6, 1), de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il mentionne que

M. B... ne peut attester de façon probante du caractère ancien et habituel de sa résidence en France depuis plus de dix ans. Enfin, il précise qu'il n'a pas été porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale puisque M. B... est célibataire, sans charge de famille en France et qu'il ne justifie pas de l'absence d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment sa mère. Dès lors, la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle ou familiale de M. B..., contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de police, qui a tenu compte des déclarations de M. B..., aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles: " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou de plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".

8. M. B... soutient qu'il réside en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Toutefois, le requérant ne l'établit pas, dès lors que les pièces qu'il produit, notamment au titre de l'année 2014, consistant en un avis de taxe d'habitation assortie d'une mise en demeure et d'un commandement de payer, un avis d'impôt sur les revenus, un procès-verbal établi par le consulat pour perte de son passeport, une lettre de Solidarité transport et quelques documents médicaux et factures et, pour l'année 2013, un avis de taxe d'habitation assortie d'une mise en demeure et d'un commandement de payer, un avis d'impôt sur les revenus ainsi qu'une demande adressée à un fournisseur de gaz, sont insuffisamment nombreuses et probantes pour établir sa présence en France depuis plus de dix ans. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

10. D'une part, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas applicables aux ressortissants algériens, M. B... ne saurait utilement prétendre que le préfet, avant de rejeter sa demande de titre de séjour, aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application de ces dispositions.

11. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, ou des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors que, comme cela a été dit précédemment,

M. B... ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, le préfet de police n'était, par suite, pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour.

12. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

13. Si M. B... fait valoir qu'il est parfaitement intégré en France où il réside depuis 2003 et où résident son père et ses deux frères et qu'il est bien intégré socialement, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille et que sa mère réside toujours en Algérie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 32 ans. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a ainsi ni méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

14. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire, M. B... excipe de l'illégalité de la décision de refus de séjour. Pour les motifs exposés précédemment, cette exception doit être rejetée.

15. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 13 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

16. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

17. En premier lieu, pour les motifs énoncés précédemment, l'exception d'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire soulevée à l'encontre de la décision accordant un délai de départ volontaire d'un mois doit être écartée.

18. En second lieu, si M. B... soutient qu'il aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire plus long, compte tenu de ses attaches familiales en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait sollicité un tel délai, ni que le préfet, en accordant le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours, ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

19. Pour les motifs énoncés précédemment, le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête doivent dès lors être rejetées, en ce comprises celles à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLIN

Le président,

S. DIÉMERT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00256
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23pa00256 ?
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