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08/12/2023 | FRANCE | N°23PA00220

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 08 décembre 2023, 23PA00220


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative de reconnaître le droit pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) en contrat à durée déterminée de la Seine-Saint-Denis de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévues par le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019.



Par un ju

gement n° 2117366 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative de reconnaître le droit pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) en contrat à durée déterminée de la Seine-Saint-Denis de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévues par le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019.

Par un jugement n° 2117366 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 17 janvier et 28 août 2023, ce dernier n'ayant pas été transmis, le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis, représenté par Me Bonnin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2117366 du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à reconnaître, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, le droit, pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) en contrat à durée déterminée de la

Seine-Saint-Denis, de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévues par le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019 ;

2°) de faire droit à sa demande et d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil d'accorder le bénéfice de l'indemnité de fonctions prévue par ce décret à l'ensemble des personnels concernés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat soutient que :

- le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit ;

- les articles 1er et 2 du décret du 23 décembre 2019 qui ne reconnaissent le bénéfice de l'indemnité de fonctions liée à l'exercice dans le domaine de la lutte contre le décrochage scolaire qu'aux enseignants et aux personnels d'éducation titulaires ou en contrat à durée indéterminée contreviennent au principe de non-discrimination (clause 4) inscrit dans l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, annexé à la directive européenne 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, à raison d'une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et ceux à durée indéterminée ;

- la différence de traitement entre les professeurs coordonnateurs de la MLDS en contrat à durée déterminée et leurs collègues titulaires ou en contrat à durée indéterminée crée une différence de traitement sans rapport avec l'objet du décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019 qui institue cette indemnité.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2023 le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 ;

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ;

- le décret n° 2017-791 du 5 mai 2017 relatif au certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire ;

- le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis a formé le 5 octobre 2021 auprès du recteur de l'académie de Créteil une demande de reconnaissance de droits, conformément aux dispositions de l'article R. 77-12-4 du code de justice administrative. Cette demande tendait à ce que soit reconnu le droit pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) en contrat à durée déterminée exerçant dans le département de la

Seine-Saint-Denis de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévue par le décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019. En l'absence de réponse, le syndicat requérant a demandé au tribunal administratif de Montreuil de reconnaître l'existence de ces droits. Il fait régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté cette action.

Sur le cadre juridique de l'action :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice (...) ".

3. Sur le fondement de ces dispositions, peut être demandée la reconnaissance de droits individuels résultant de la loi ou du règlement tels que l'administration doit en faire application, eu égard aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes.

4. D'autre part, aux termes de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ". Cette clause, dans l'interprétation qu'en retient la Cour de justice de l'Union européenne, s'oppose aux inégalités de traitement dans les conditions d'emploi entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, sauf à ce que ces inégalités soient justifiées par des raisons objectives, qui requièrent que l'inégalité de traitement se fonde sur des éléments précis et concrets, pouvant résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre.

5. Il résulte en outre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, dès lors qu'une discrimination, contraire au droit de l'Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l'égalité de traitement n'ont pas été adoptées, le respect du principe d'égalité ne saurait être assuré que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Dans une telle hypothèse, le juge national est tenu d'écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu'il ait à demander ou à attendre son élimination préalable, et d'appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l'autre catégorie.

6. Il suit de là que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montreuil, le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis peut utilement se prévaloir de ce que le décret du 23 décembre 2019 méconnaîtrait la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 pour voir reconnaître, sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, pour les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire en contrat à durée déterminée de la Seine-Saint-Denis, le droit de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévue par ce décret.

Sur l'existence d'un droit à l'indemnité de fonctions prévue par le décret du 23 décembre 2019 :

7. Selon l'article L. 122-2 du code de l'éducation : " Tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 du répertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des études afin d'acquérir ce diplôme ou ce titre. L'Etat prévoit les moyens nécessaires, dans l'exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle. / Tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire (...) ".

8. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2019 portant attribution d'une indemnité de fonctions à certains personnels enseignants et d'éducation titulaires du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire : " Une indemnité de fonctions est allouée aux personnels enseignants et aux conseillers principaux d'éducation titulaires du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire institué par le décret du 5 mai 2017 (...) et qui assurent au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une telle qualification ". L'article 2 de ce même décret prévoit : " A titre transitoire, une indemnité de fonctions est versée, pendant une période de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret, aux personnels enseignants et aux personnels d'éducation, titulaires ou en contrat à durée indéterminée, qui ne détiennent pas la certification prévue à l'article 1er du présent décret et qui assurent au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une telle qualification ". En vertu de son article 5, ce décret est entré en vigueur le 1er septembre 2017. Par ailleurs, selon l'article 2 du décret du 5 mai 2017 relatif à la mise en place du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire : " Peuvent se présenter à l'examen conduisant à la délivrance du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire les personnels d'enseignement et d'éducation de l'enseignement public, titulaires et contractuels employés par contrat à durée indéterminée, ainsi que les maîtres contractuels et les maîtres délégués bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée des établissements d'enseignement privés sous contrat ". Enfin, selon l'article 5 du décret du 5 mai 2017 précité : " Les enseignants titulaires recrutés par la voie des concours de recrutement de professeurs certifiés et de professeurs de lycée professionnel dans la section coordination pédagogique-ingénierie de formation sont réputés être titulaires du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire. Sont également réputés être titulaires de ce certificat les personnels d'enseignement et d'éducation, titulaires ou employés par contrat à durée indéterminée qui exercent leur activité à temps complet depuis au moins trois ans à la date d'entrée en vigueur du présent décret, dans le cadre des missions mises en place pour prévenir le décrochage scolaire et accompagner les jeunes qui bénéficient du droit au retour en formation initiale prévu à l'article L. 122-2 du code de l'éducation dans les services académiques et départementaux ainsi que dans les établissements du second degré de l'enseignement public et privé sous contrat. L'exercice de cette activité fait l'objet d'une attestation établie par le recteur d'académie ".

9. Le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis soutient que les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire recrutés par voie de contrat à durée déterminée ont droit à l'indemnité de fonctions spécifique instituée par le décret du 23 décembre 2019 précité, sauf à méconnaître la clause 4 relative au principe de non-discrimination de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 et, par conséquent, le principe d'égalité de traitement entre agents contractuels à raison de la durée de la relation de travail. Il fait valoir que les professeurs coordonnateurs recrutés en contrat à durée déterminée ne peuvent être regardés comme placés dans une situation distincte des personnels enseignants ou personnels d'éducation titulaires ou en contrat à durée indéterminée. Il souligne que cette indemnité peut être, en application de l'article 2 de ce même décret, à titre transitoire et pendant une durée de trois ans, accordée à des personnels titulaires ou recrutés en contrat à durée indéterminée qui ne sont pas titulaires du certificat de professionnalisation prévu à l'article 2 précité du décret du 2 mai 2017.

10. Dans ses écritures en défense, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse fait valoir que pour exercer au sein de la mission de lutte contre le décrochage scolaire les candidatures de personnels enseignants expérimentés ont été privilégiées, soit des agents titulaires ou, dans une moindre mesure, des agents non titulaires en contrat à durée indéterminée dont l'ancienneté de service et les acquis de l'expérience professionnelle dans le domaine de la lutte contre le décrochage scolaire sont les plus à même de garantir l'efficacité du service. Il fait valoir que c'est pour répondre à des besoins croissants dans le domaine de la lutte contre le décrochage scolaire et satisfaire à un objectif de constitution d'une filière professionnelle de manière pérenne qu'il a été décidé non seulement d'accorder l'indemnité de fonctions en litige aux détenteurs de la certification de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire, ou aux enseignants réputés en être titulaires, mais également d'instituer, même en l'absence de détention de cette certification, un dispositif transitoire de versement de l'indemnité en cause afin d'inciter les agents exerçant déjà des fonctions dans le domaine ou ceux qui l'envisageraient à détenir cette certification.

11. En l'occurrence, si le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 en conditionnant l'indemnité de fonctions à l'obtention d'un certificat qui implique la réussite à un examen, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ne démontre toutefois pas que la différence de traitement critiquée entre les titulaires ou agents contractuels à durée indéterminée et les contractuels à durée déterminée serait fondée sur une exigence objective tirée de la volonté de recruter des agents expérimentés et spécialisés en vue de l'exercice d'une mission spécifique et pérenne, alors qu'il n'est pas contesté que les agents contractuels à durée déterminée sont susceptibles d'enseigner pendant une période supérieure à trois ans et à temps complet à des élèves en difficulté scolaire dans les conditions posées par le décret du 5 mai 2017 précité, et que les personnels d'enseignement titulaires ou les contractuels à durée indéterminée peuvent n'exercer qu'une partie de leurs fonctions au titre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire et pendant une durée inférieure à trois années. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que l'exercice préalable de fonctions d'enseignement dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire pendant une durée minimale constitue un prérequis pour être autorisé à présenter les épreuves de l'examen conduisant à la délivrance du certificat de professionnalisation en application de l'article 2 du décret, que la nature de ces épreuves tienne compte de l'expérience acquise en matière de lutte contre le décrochage scolaire, ou que la délivrance de ce certificat ne soit pas assortie d'une formation dans ce domaine. En outre, alors que, ainsi qu'il a été indiqué, les fonctions d'enseignement dans le domaine de la lutte contre le décrochage scolaire peuvent être exercées dans les mêmes conditions par les personnels enseignants employés à durée déterminée, les personnels titulaires ou en contrat à durée indéterminée qui ne détiennent pas la certification mais qui assurent au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une telle qualification ont pu bénéficier de l'indemnité de fonctions au titre de la période transitoire de trois ans allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2020, sans obligation de présenter les épreuves conduisant à la certification mentionnée ou de poursuivre leur service au sein de la mission de lutte contre le décrochage scolaire pendant une certaine durée. Cette indemnité est également versée sans condition de certification aux personnels d'enseignement et d'éducation, titulaires ou employés par contrat à durée indéterminée, qui exerçaient leur activité à temps complet depuis au moins trois ans à la date de la rentrée scolaire de 2017, dans le cadre des missions mises en place pour prévenir le décrochage scolaire et accompagner les jeunes qui bénéficient du droit au retour en formation initiale prévu à l'article L. 122-2 du code de l'éducation dans les services académiques et départementaux ainsi que dans les établissements du second degré de l'enseignement public et privé sous contrat. Enfin, l'administration ne démontre également pas que la délivrance de la certification lui a permis de constituer une filière professionnelle dotée d'un effectif spécialisé et stable, notamment au travers d'engagements de maintien dans un poste relevant de cette filière pendant une durée minimale, permettant d'assurer, de manière pérenne, la mission mentionnée à l'article L. 122-2 du code de l'éducation. Ainsi, l'inégalité de traitement constatée n'est pas justifiée par l'existence d'éléments précis et concrets, caractérisant la condition d'emploi dont il s'agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s'insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents. Il résulte de ce qui précède qu'en excluant les contractuels à durée déterminée de toute possibilité de passer le certificat de professionnalisation ou d'être réputés en être titulaires et, par voie, de conséquence, de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévues à l'article 1er du décret du 23 décembre 2019, ainsi que de toute possibilité d'en bénéficier à titre transitoire en application de l'article 2 du même décret, le pouvoir réglementaire a méconnu les dispositions de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999.

12. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, le syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du droit des professeurs coordonnateurs de la MLDS en contrat à durée déterminée de la Seine-Saint-Denis, dont il n'est pas contesté que l'emploi requiert la qualification correspondant au certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire, de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévue par le décret du 23 décembre 2019 dans les mêmes conditions que s'ils disposaient d'un contrat à durée indéterminée.

Sur la portée de la reconnaissance du droit à l'indemnité de fonctions :

13. Aux termes de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative : " Le juge qui fait droit à l'action en reconnaissance de droits détermine les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée la reconnaissance des droits. S'il lui apparaît que la reconnaissance de ces droits emporte des conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence, il peut déterminer les effets dans le temps de cette reconnaissance ".

14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les professeurs coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire en contrat à durée déterminée de la Seine-Saint-Denis ont droit à l'indemnité de fonctions instituée par le décret du 23 décembre 2019 portant attribution d'une indemnité de fonctions à certains personnels enseignants et d'éducation titulaires du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire s'ils exerçaient leur activité à temps complet depuis au moins trois ans à la date de la rentrée scolaire de 2017, dans le cadre des missions mises en place pour prévenir le décrochage scolaire et accompagner les jeunes qui bénéficient du droit au retour en formation initiale prévu à l'article L. 122-2 du code de l'éducation dans les services académiques et départementaux ou dans les établissements du second degré de l'enseignement public et privé sous contrat. Ils ont également droit à cette indemnité pour toute la période comprise entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2020 au cours de laquelle ils ont assuré au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une qualification correspondant au certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire. Ils ont, enfin, le droit de se présenter à l'examen conduisant à la délivrance du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire institué par le décret du 5 mai 2017 relatif au certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire et ont droit à l'indemnité de fonctions, dès lors qu'ils sont titulaires de ce certificat et qu'ils assurent au moins un demi-service sur tout poste ou emploi requérant une telle qualification.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Aux termes de l'article R. 77-12-6 du code de justice administrative : " (...) La requête ne peut comporter d'autres conclusions que celles tendant à la satisfaction de l'action en reconnaissance de droits considérée ".

16. Il résulte de ces dispositions que les conclusions de la requête à fin d'injonction sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2117366 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Le droit de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévues par les articles 1er et 2 du décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019 est reconnu aux professeurs-coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire en contrat à durée déterminée exerçant effectivement des missions sur le territoire du département de la Seine-Saint-Denis, dans les conditions mentionnées au point 14 de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT Educ'Action de Seine-Saint-Denis et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Il sera en outre publié sur le site internet du Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 8 décembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00220 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00220
Date de la décision : 08/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-02 1. Il résulte des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, issues de la loi du 18 novembre 2016 de « modernisation de la justice du XXème siècle, que l'action en reconnaissance de droits vise à permettre de reconnaître un droit individuel au regard d'une norme supérieure, en écartant l'application des normes qui la méconnaissent, alors même que le droit revendiqué ne peut être satisfait eu égard à une condition posée par l'une de ces normes. Ainsi, nonobstant la circonstance que le droit au versement de l'indemnité de fonctions revendiquée est subordonné à la réussite à un examen conduisant à la détention d'une certification professionnelle, l'action tendant à la reconnaissance de ce droit peut être utilement fondée sur la méconnaissance, par la condition ainsi posée, de l'exigence d'égalité de traitement entre les personnels enseignants employés à durée déterminée et les autres personnels, telle que celle-ci s'impose en application d'un acte dérivé du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.......2. Les conditions découlant des articles 1er du décret n° 2019-1440 du 23 décembre 2019 et 2 du décret n° 2017-791 du 5 mai 2017, tenant à la qualité de fonctionnaire titulaire ou contractuel à durée indéterminée pour se présenter à l'examen conduisant à la délivrance du certificat de professionnalisation en matière de lutte contre le décrochage scolaire, et, en cas de détention du certificat, pour bénéficier de l'indemnité de fonctions attachée aux fonctions d'enseignant au titre de la mission correspondante, ne sont pas justifiées par un motif objectif, tiré de la nature particulière des tâches en cause ou de l'objectif de constitution d'une filière professionnelle spécialisée dotée d'un caractère pérenne. Alors qu'il n'est pas soutenu que les fonctions d'enseignement exercées le seraient dans des conditions différentes par les personnels en contrat à durée déterminée, il ne résulte pas de l'instruction, notamment, qu'une condition de durée minimale d'exercice des fonctions soit nécessaire pour se présenter à l'examen, ou qu'un engagement de service pour une durée minimale dans un poste relevant de cette filière soit prévu en cas d'obtention de la certification. Au surplus, pendant une période transitoire de trois ans, l'indemnité de fonctions peut être versée aux personnels enseignants qui y ont droit alors même qu'ils ne sont pas titulaires du certificat, sans être tenus de se présenter à l'examen conduisant à sa délivrance. Par suite, les dispositions dont l'application conduit à refuser aux personnels contractuels à durée déterminée le bénéfice de l'indemnité de fonctions revendiquée, y compris en ce qu'elles ne leur permettent pas de présenter les épreuves conduisant à l'obtention du certificat de professionnalisation ou d'être réputés le détenir, méconnaissent le principe de non-discrimination résultant de la clause 4 de l'accord-cadre du 18 mars 1999 annexé à la directive européenne 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999. En conséquence, le droit de bénéficier de l'indemnité de fonctions prévue par les articles 1er et 2 du décret du 23 décembre 2019, y compris dans les conditions mentionnées, doit être reconnu aux personnels contractuels à durée déterminée. [RJ1].


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BONNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-08;23pa00220 ?
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