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11/12/2023 | FRANCE | N°22PA02997

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA02997


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 25 février 2021 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé son licenciement.



Par jugement n° 2100383 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 30

juin, 13 septembre et 22 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Dupuy, demande à la cour :



1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 25 février 2021 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé son licenciement.

Par jugement n° 2100383 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 30 juin, 13 septembre et 22 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Dupuy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100383 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision du 25 février 2021 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de la direction des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête de première instance n'est pas tardive ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de l'avis de la commission d'enquête prévu par l'article 36 de la convention collective des gens de mer dans sa version applicable aux officiers des navires de commerce ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la décision de licenciement n'a pas été notifiée à l'organisation syndicale à laquelle il appartenait en méconnaissance des dispositions de l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est liée à ses fonctions représentatives et à son activité syndicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représentée par son président en exercice, représenté par la SCP Meier-Bourdeau Lecuyer, conclut au rejet des conclusions de M. B... et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de première instance formée par M. B... est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2023, la société des remorqueurs calédoniens (SORECAL), représentée par la SELARL Calexis, conclut au rejet de la requête de M. B... et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance formée par M. B... est irrecevable dès lors qu'elle est tardive ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations Me Lecuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 10 février 2021, la société des remorqueurs calédoniens (SORECAL) a saisi le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute grave de M. B..., salarié de la société depuis le 10 novembre 2008, exerçant les fonctions d'abord de second capitaine puis de capitaine de navire en contrat à durée déterminée et depuis le 26 septembre 2016 en contrat à durée indéterminée. M. B... était, à la date de la demande, délégué du personnel titulaire et délégué syndical auprès du syndicat des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie - Transports (SOENC Transports). Par décision du 25 février 2021, le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé son licenciement. Par jugement n° 2100383 du 31 mars 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 25 février 2021 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé le licenciement de M. B... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la convention collective des gens de mer - officiers des navires de commerce : " La présente convention et ses annexes fixent les conditions de recrutement, d'engagement, d'avancement, de travail et de rémunération des Capitaines et des Officiers de la Marine Marchande. / Ces conditions s'appliquent à toutes les entreprises de navigation armant des navires de plus de 250 tonneaux de jauge brute au grand cabotage d'Outre-Mer ". L'article 36 de cette convention précise que : " (...) la révocation, ne [peut] être [prononcée] par la direction qu'après avis d'une commission d'enquête, ou de tout autre commission si tel est déjà l'usage de l'entreprise, constituée paritairement et comprenant le Chef d'entreprise ou son délégué, le chef d'armement ou du service technique ou son délégué, le capitaine le plus ancien présent en Nouvelle- Calédonie, deux officiers d'un grade au moins égal à celui de l'intéressé, présents en Nouvelle-Calédonie, ces derniers désignés par celui-ci et appartenant à l'entreprise ".

3. Il ressort des termes de la convention collective précitée qu'elle ne s'applique qu'aux " entreprises de navigation armant des navires de plus de 250 tonneaux de jauge brute au grand cabotage d'Outre-Mer ". Or, la SORECAL, laquelle arme des navires de moindre tonnage, n'appartient pas à cette catégorie d'entreprises. Par suite, le moyen selon lequel la commission d'enquête prévue par l'article 36 de convention collective précitée aurait dû être consultée préalablement à la prise de la décision du 25 février 2021 du directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie est inopérant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / Il statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article Lp. 353-1. Le délai ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur du travail avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés à l'alinéa suivant. / La décision est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ".

5. La circonstance que la décision du 25 février 2021 du directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie n'a pas été notifiée à l'organisation syndicale à laquelle M. B... appartenait, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie est sans influence sur sa légalité.

6. En troisième lieu, en application des dispositions du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'il était reproché à M. B... lors de l'évènement de mer survenu les 27 et 28 janvier 2021 au cours duquel le remorqueur Chambon Largade, dont il était le capitaine, a embarqué 25 mètres cubes d'eau de mer, noyant ainsi un compartiment avec son faisceau électrique et le cofferdam, d'avoir mis en danger la vie de l'équipage du remorqueur lors de la navigation retour sur Nouméa, par des risques électriques, de naufrage et de retournement, d'avoir manqué d'actions et de consignes pour évaluer la situation, mettre en alerte l'équipage et assécher les compartiments envahis, d'avoir délibérément minimisé ou dissimulé les évènements pendant la navigation, ne pas avoir informé l'armement et ne pas avoir rédigé de rapport et de n'avoir pas prévenu le centre de coordination de sauvetage maritime de Nouvelle-Calédonie. Si M. B... conteste les faits qui lui sont reprochés, il ressort toutefois de la combinaison des déclarations qu'il a faites lors de l'entretien préalable du 8 février 2021, du rapport d'avarie du 28 janvier 2021 et du constat d'huissier du même jour que les faits précités sont établis. En effet, bien qu'ayant été alerté sur la présence d'infiltrations d'eau, il s'est borné à les mentionner dans le journal de bord sans rédiger de rapport, sans vérifier personnellement l'ampleur de l'incident ni qu'il était terminé avant de quitter le navire alors que les moyens de détection d'envahissement d'eau avaient été éteints. Il n'a, par ailleurs, pas informé l'ensemble de son équipage du danger d'électrocution notamment encouru ni aucune autorité extérieure de l'incident et de l'état de son navire tout en admettant néanmoins que tout n'était pas normal mais qu'il pensait que le service machine avait puisé l'eau. Compte tenu du risque que le comportement de M. B... a fait courir à l'équipage sous sa responsabilité le jour de l'incident et au navire qui lui était confié, les manquements de ce dernier à ses obligations professionnelles de capitaine de navire étaient, contrairement à ce qu'il soutient, d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée. Par suite, M. B..., n'est pas fondé à soutenir que le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie aurait inexactement apprécié les faits qui lui étaient soumis en estimant qu'ils étaient fautifs et de nature à justifier son licenciement.

8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement sollicitée serait liée aux fonctions représentatives et à l'activité syndicale de M. B..., lequel n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale pour avoir retenu que le projet de licencier M. B... n'était pas en rapport avec son mandat doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la tardiveté de la requête de première instance qui est opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 février 2021 par laquelle le directeur des affaires maritimes de la Nouvelle-Calédonie a autorisé son licenciement. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et de cette décision ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 500 euros au profit de la Nouvelle-Calédonie et de 500 euros au profit de la SORECAL sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la Nouvelle-Calédonie et à la SORECAL la somme de 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et à la SORECAL.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTYLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02997
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS CALEXIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa02997 ?
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