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15/12/2023 | FRANCE | N°23PA03157

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 15 décembre 2023, 23PA03157


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2304763 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par requête enregistrée le 18 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Tchiakp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2304763 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par requête enregistrée le 18 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Tchiakpe, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2304763 du 21 juin 2023 précité ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, d'une part, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 70 euros par jour de retard, et d'autre part, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour assortit d'une autorisation de travail, dans un délai de trois mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas sollicité la communication de son dossier médical auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;

- la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2023, l'OFII a produit, en qualité d'observateur, le dossier médical de M. A....

Par une ordonnance du 3 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.

Un mémoire en défense, produit par le préfet de police a été enregistré le 24 novembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article

L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 7 octobre 1963 et entré en France le 2 octobre 2000 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour pour des motifs médicaux valable jusqu'au 3 juin 2022, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n° 2304763 du 21 juin 2023 dont M. A... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. A... doit être regardé comme soutenant que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de solliciter la communication de son dossier médical auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ".

4. Le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a levé le secret relatif aux informations médicales le concernant en faisant état de sa pathologie et en produisant des certificats médicaux relatifs à son état de santé. Toutefois, il en ressort également que celui-ci avait sollicité auprès des premiers juges, la communication du dossier médical sur le fondement duquel le collège des médecins a rendu son avis. Le requérant a produit, en première instance, des certificats médicaux et divers comptes-rendus médicaux indiquant qu'il est suivi dans le service des urgences cérébro-vasculaires d'un hôpital parisien depuis 2016 à raison d'un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique du tronc cérébral dont il garde des séquelles et qu'il présente une cardiopathie rythmique associée à une fibrillation auriculaire à l'origine de cet AVC, et pour une hypertension artérielle sévère secondaire à un hyperaldostéronisme. Son état de santé a nécessité deux hospitalisations en 2022 et il doit s'astreindre à un traitement anticoagulant et à une polythérapie anti-hypertensive mais ne démontre nullement l'indisponibilité du traitement suivi dans le pays d'origine du requérant. Dans ces conditions, la circonstance que les premiers juges n'aient pas sollicité la production du dossier médical, qui auraient été détenues par l'OFII, n'affecte pas la régularité du jugement dès lors que cette mesure n'était pas utile au règlement du litige. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire.

6. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité à M. A..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII, rendu le 30 décembre 2022, et a relevé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège des médecins de l'OFII est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

9. Si M. A..., qui a levé le secret médical, soutient qu'il ne peut bénéficier dans son pays d'origine de la prise en charge médicale nécessaire de la cardiopathie rythmique associée à une fibrillation auriculaire et de l'hypertension artérielle sévère secondaire dont il souffre depuis son accident vasculaire cérébral dont il a été victime, compte tenu de ce que les médicaments qui lui sont prescrits à savoir du Ramipril 5 mg Viatris, de l'Amlodipine 10 mg Arrow, de l'Aldactone 50 mg, du Bisoce 5 mg, du Xarelto 20 mg, du Tahor 40 mg, du Mianserine 10 mg Arrow, du Lansoprazole 15 mg, du Fortans PDR, de l'Atorvastatine 40 mg et du Circadin 2 mg, ne sont pas commercialisés en Côte d'Ivoire à l'exception de l'Amlodipine et du Ramipril et ne sont pas substituables, il ne l'établit pas plus en appel qu'en première instance par les éléments qu'il produit en se bornant à se prévaloir de la liste nationale des médicaments et produits essentiels de Côte d'Ivoire, actualisée en 2020, dont l'objet est seulement de déterminer les " médicaments d'importance primordiale en santé publique (qui) doivent être disponibles à tout moment, en quantité suffisante et sous la forme pharmaceutique appropriée ", et alors qu'aucun des certificats médicaux ni des prescriptions qu'il produit ne mentionne que ce traitement ne serait pas substituable par d'autres molécules aux propriétés thérapeutiques comparables et adaptées aux soins que requiert l'état de santé de l'intéressé, l'ordonnance du 11 février 2022 versée au dossier médical transmis par l'OFII précisant même que des " génériques sont souhaités ", et que la liste nationale des médicaments produite par le requérant mentionne notamment des traitements pour les maladies cardiovasculaires et l'hypertension artérielle. En tout état de cause, en se bornant à faire état du suivi dont il bénéficie en France et à indiquer qu'il n'y a pas de structure adaptée dans le pays dont il est originaire, M. A... n'établit pas l'indisponibilité alléguée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 janvier 2023. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de police et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03157 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03157
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : TCHIAKPE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23pa03157 ?
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