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19/04/2005 | FRANCE | N°01BX01719

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 19 avril 2005, 01BX01719


Vu, I), sous le n°0101719, la requête enregistrée le 13 juillet 2001, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE PAU, dont le siège est 4, boulevard Hauterive B.P. 1156 à Pau Cedex (64011), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; le CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE PAU demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9900064 du 2 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable du préjudice subi par Mme X du fait de la perte d'une chance d'éviter les risques postopératoires de l'intervention chirurgicale du

21 mars 1994 et a désigné un expert en vue de l'évaluation de ce préjudic...

Vu, I), sous le n°0101719, la requête enregistrée le 13 juillet 2001, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE PAU, dont le siège est 4, boulevard Hauterive B.P. 1156 à Pau Cedex (64011), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; le CENTRE HOSPITALIER GÉNÉRAL DE PAU demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9900064 du 2 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable du préjudice subi par Mme X du fait de la perte d'une chance d'éviter les risques postopératoires de l'intervention chirurgicale du 21 mars 1994 et a désigné un expert en vue de l'évaluation de ce préjudice ;

2°) de rejeter la demande de Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2005 :

- le rapport de Mme Jayat,

- les observations de Me Soucadauch représentant Mme X

- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 01BX01719 et 03BX01362 présentées par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU tendent l'une à l'annulation du jugement en date du 2 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable du préjudice subi par Mme X du fait de la perte d'une chance d'éviter les risques postopératoires de l'intervention chirurgicale du 21 mars 1994 et a désigné un expert en vue de l'évaluation de ce préjudice, et l'autre à l'annulation du jugement du 28 avril 2003 en tant que, par ce jugement, le même tribunal l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule la somme de 15 656,30 euros et à Mme X la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des désagréments et des douleurs liés à l'intervention chirurgicale du 21 mars 1994 ; qu'elles sont relatives aux conséquences d'une même intervention chirurgicale ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Considérant que Mme X, atteinte d'une très forte myopie des deux yeux, a été opérée d'un glaucome dans une clinique parisienne, le 22 février 1994 s'agissant de l'oeil gauche et le 1er mars suivant s'agissant de l'oeil droit ; que, le lendemain de la seconde opération, il a été constaté sur l'oeil droit une importante hémorragie accompagnée d'un décollement choroïdien ; qu'en l'absence d'amélioration de son état après le retour à son domicile dans les Pyrénées-Atlantiques, elle a été adressée le 19 mars 1994 à un praticien du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU qui a décidé une intervention chirurgicale programmée le 21 mars 1994 ; qu'après réalisation de cette intervention, devant une récidive de l'hémorragie et la formation d'une nouvelle membrane pupillaire, la patiente a reçu des soins consistant essentiellement à aspirer le sang et à effectuer une ouverture de la membrane ; qu'au mois de juin suivant, il a été à nouveau constaté un épanchement sanguin et une perte totale de la vision de l'oeil droit ; que les premiers juges, par le jugement du 2 mai 2001, ont estimé que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU avait commis une faute en n'informant pas Mme X des risques postopératoires qu'elle encourrait et, par le jugement du 28 avril 2003, ont condamné l'établissement à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule le montant des frais afférents à l'intervention chirurgicale du 21 mars 1994 et à indemniser Mme X, à hauteur de 10 000 euros, du préjudice lié aux souffrances physiques entraînées par l'opération et à la part non physiologique des troubles dans ses conditions d'existence, liés à son hospitalisation à l'occasion de cette opération ; que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, fait appel de ces deux jugements ; que, par la voie de l'appel incident, Mme X demande l'annulation du jugement en date du 28 avril 2003 en tant qu'il n'a fait droit à ses conclusions indemnitaires qu'à hauteur de 10 000 euros ;

Sur le défaut d'information de la patiente :

Considérant, en premier lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que, si Mme X soutient qu'elle n'a pas été informée des risques de cécité qu'elle encourrait, il résulte de l'instruction et notamment des expertises ordonnées par le tribunal, que la perte de la vision qui a atteint son oeil droit procède de l'évolution de son état initial, résultant lui-même d'un état inflammatoire chronique des conjonctives, d'une hypotonie oculaire observée avant l'intervention du 21 mars 1994 et d'une complication de la chirurgie du glaucome liée notamment à la gravité de la myopie et à l'absence de cristallin ; que les seules circonstances que la perte totale de vision soit survenue postérieurement à l'intervention du 21 mars 1994 et que le praticien ayant opéré Mme X à Paris a émis un avis défavorable à l'intervention réalisée au centre hospitalier, ne sont pas de nature à établir que la cécité de l'intimée constituerait la réalisation d'un risque inhérent à l'intervention du 21 mars 1994 ;

Considérant, en second lieu, que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU, qui n'établit pas avoir informé Mme X des risques d'échec de l'intervention proposée, a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que cette intervention qui, comme il sera dit ci-après, était justifiée, constituait la seule thérapeutique envisageable de nature à éviter la perte de vision qui n'aurait pas manqué de résulter de l'hémorragie postopératoire présentée par la patiente lorsqu'elle a été adressée au centre hospitalier ; que, dans ces conditions, et alors même que cette intervention impliquait des soins douloureux, la faute de l'établissement n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de perte de chance pour Mme X de se soustraire aux douleurs et désagréments de l'opération ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a retenu sa responsabilité sur le fondement d'un défaut d'information de la patiente ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par Mme X ;

Sur la faute médicale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des expertises ordonnées en première instance, qu'eu égard aux risques qu'encourrait la patiente en cas d'abstention thérapeutique, et en l'absence de tout traitement alternatif, la décision de procéder à une intervention après quinze jours à trois semaines d'attente et de persistance de l'hémorragie, était justifiée, en l'état des connaissances médicales ; que la seule circonstance que le praticien ayant opéré Mme X du glaucome de l'oeil droit aurait été d'un avis contraire ne suffit pas à établir que le geste réalisé au centre hospitalier aurait été contre-indiqué ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU n'a pas commis de faute médicale de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que, lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la dégradation de la vision subie par Mme X après l'opération réalisée au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU n'est pas sans rapport avec l'état initial de la patiente ni avec l'évolution prévisible de cet état ; qu'ainsi, et en tout état de cause, Mme X n'est pas fondée à invoquer la responsabilité sans faute de l'établissement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité des jugements attaqués, que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable de dommages subis par Mme X à la suite de l'intervention chirurgicale du 21 mars 1994 et l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule et à Mme X les sommes susmentionnées et que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise de première instance à la charge de Mme X ; que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE PAU, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 mai 2001 et les articles 1, 2 et 3 du jugement du 28 avril 2003 du tribunal administratif de Pau sont annulés.

Article 2 : Les demandes de Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule devant le tribunal administratif de Pau et l'appel incident de Mme X sont rejetés.

Article 3 : Les frais d'expertise de première instance sont mis à la charge de Mme X.

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N°s 01BX01719 et 03BX01362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 01BX01719
Date de la décision : 19/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-04-19;01bx01719 ?
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