La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2008 | FRANCE | N°07BX02686

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 08 juillet 2008, 07BX02686


Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 décembre 2007 sous le n° 07BX02686, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702172 en date du 13 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en date du 21 août 2007 refusant à Mlle Azan Djatougbe X la délivrance d'un titre de séjour, lui enjoignant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mlle X ;

...........................

...............................................................................

Vu II°) la...

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 décembre 2007 sous le n° 07BX02686, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702172 en date du 13 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en date du 21 août 2007 refusant à Mlle Azan Djatougbe X la délivrance d'un titre de séjour, lui enjoignant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mlle X ;

..........................................................................................................

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 décembre 2007 sous le n° 07BX02687, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 0702172 en date du 13 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en date du 21 août 2007 par lequel il a refusé à Mlle Azan Djatougbe X la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du doit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2008,

- le rapport de M. Lafon, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Balzamo, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du PREFET DE LA VIENNE sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête à fin d'annulation :

Considérant que, par arrêté en date du 21 août 2007, le PREFET DE LA VIENNE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mlle X, de nationalité togolaise, lui a enjoint de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, par jugement en date du 13 décembre 2007, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté au motif que son signataire ne disposait pas, à la date de la décision attaquée, d'une délégation lui permettant de signer celle-ci aux lieu et place du préfet ; que le PREFET DE LA VIENNE relève appel de ce jugement ;

Considérant que l'arrêté attaqué a été signé pour le PREFET DE LA VIENNE par M. Frédéric Benet-Chabellan, secrétaire général de la préfecture de la Vienne ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susmentionné en date du 9 juillet 2007 du PREFET DE LA VIENNE, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne du 11 juillet 2007 : « délégation de signature est donnée à M. Frédéric Benet-Chambellan, sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne, à l'exception : - des mesures générales concernant la défense nationale, la défense intérieure et le maintien de l'ordre, - des matières qui font l'objet d'une délégation à un chef de service de l'Etat dans le département. » ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : « s'agissant de l'application des dispositions du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et notamment des articles L. 552-1, L. 552-7, L. 552-8 et L. 552-9, délégation de signature est donnée au secrétaire général, à l'effet de saisir le président du tribunal de grande instance ou un magistrat du siège délégué par lui et le premier président de la Cour d'Appel ou un magistrat du siège délégué par lui. » ;

Considérant que les actes susmentionnés relevant des attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; qu'il résulte de la rédaction de l'article 1er de l'arrêté précité en date du 9 juillet 2007 que le secrétaire général de la préfecture de la Vienne est compétent pour signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception des deux catégories d'actes explicitement visés ; que l'article 3 de cet arrêté n'a pas eu pour objet d'établir une nouvelle exception concernant les décisions en matière de police des étrangers ; qu'il se borne à ajouter un domaine supplémentaire à la délégation de signature consentie au secrétaire général de la préfecture de la Vienne en ce qui concerne la saisine des autorités judiciaires ; que les dispositions précitées de l'article 1er donnaient dès lors compétence à M. Frédéric Benet-Chambellan pour signer l'arrêté du 21 août 2007 refusant l'admission au séjour de Mlle X, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur ce qu'il aurait été pris par une autorité incompétente ;

Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le Tribunal administratif de Poitiers ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ( ...) » ; qu'aux termes de son article 3 : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; que la décision attaquée vise les textes dont il est fait application et mentionne les faits sur lesquels elle se fonde ; que le PREFET DE LA VIENNE a ainsi suffisamment motivé sa décision au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA VIENNE ne se soit pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mlle X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7°) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que Mlle X, née en 1970 et de nationalité togolaise, est entrée en France en 2003 ; que si elle soutient avoir tissé des liens personnels en France et être insérée dans la société française, elle déclare qu'elle est célibataire et que son compagnon et ses deux enfants sont restés au Togo ; qu'elle n'allègue ni n'établit avoir des attaches familiales en France ; que, dans ces conditions, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que si Mlle X invoque son intégration en France, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ; que Mlle X, dont les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié politique ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Commission des recours des réfugiés, soutient qu'elle encourt des risques de poursuites et de traitements dégradants en cas de retour au Togo ; qu'elle produit à ce titre un exposé de l'arrestation dont elle a été victime en 2003 en raison de son engagement, lors de la campagne des élections présidentielles d'alors, en faveur du parti d'opposition ; qu'elle produit également à l'appui de ses allégations un avis de recherche dressé à son encontre le 22 septembre 2003 par le commissariat du second district de Lomé, une convocation établie le 17 septembre 2003 par la brigade aéroport de la gendarmerie de Lomé et des lettres qui lui ont été adressées en 2004 par des membres de sa famille l'informant du danger qu'elle courrait en cas de retour au Togo ; que l'ensemble de ces éléments est de nature à justifier que Mlle X pourrait être exposée à des risques graves en cas de retour dans son pays ; que, par suite, la décision distincte par laquelle le PREFET DE LA VIENNE a fixé le pays de destination est intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en date du 7 septembre 2007 par lequel il a refusé à Mlle X la délivrance d'un titre de séjour et lui a enjoint de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il annule le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français et qui se borne à confirmer l'annulation de la décision fixant le pays de destination, interdit seulement au PREFET DE LA VIENNE d'éloigner Mlle X à destination du Togo et n'implique pas la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mlle X doivent être rejetées ;

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

Considérant que le présent arrêt statue sur la requête du PREFET DE LA VIENNE à fin d'annulation du jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 13 décembre 2007 ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au conseil de Mlle X la somme qu'il réclame sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement en date du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il annule l'arrêté en date du 21 août 2007 refusant à Mlle Azan Djatougbe X la délivrance d'un titre de séjour et lui enjoignant de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par Mlle Azan Djatougbe X devant le Tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA VIENNE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mlle Azan Djatougbe X sont rejetées.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du PREFET DE LA VIENNE à fin de sursis à exécution du jugement en date du 13 décembre 2007.

Article 6 : Les conclusions de Mlle Azan Djatougbe X tendant au bénéfice des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

5

Nos 07BX02686, 07BX02687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07BX02686
Date de la décision : 08/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme BALZAMO
Avocat(s) : VOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-07-08;07bx02686 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award