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07/10/2010 | FRANCE | N°08BX02445

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 07 octobre 2010, 08BX02445


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 octobre 2008, présentée pour la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET, société anonyme, représentée par son représentant légal, dont le siège est situé 1 rue du Docteur Guisard à Guéret (23000), par Me Dewavrin ; la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0500135 et 0600505 en date du 18 juillet 2008 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie

au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, pour...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 octobre 2008, présentée pour la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET, société anonyme, représentée par son représentant légal, dont le siège est situé 1 rue du Docteur Guisard à Guéret (23000), par Me Dewavrin ; la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0500135 et 0600505 en date du 18 juillet 2008 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, pour un montant total de 130 252 euros ;

2°) de lui accorder la restitution des droits en litige assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2010 :

- le rapport de M. Braud, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, qu'elle a acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, au motif que cette taxe constituait, selon elle, une aide d'État qui aurait dû faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne, en application des articles 87 et 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle fait appel de l'ordonnance du 18 juillet 2008 du vice-président du Tribunal administratif de Limoges rejetant ses demandes tendant à la restitution de la taxe mentionnée ci-dessus ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET, le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments qu'elle invoquait dans ses demandes à l'appui du moyen tiré de ce que la taxe sur les achats de viande constituerait une aide incompatible avec les principes et règles communautaires en raison de la prétendue existence d'un lien d'affectation contraignant entre cette taxe et l'aide accordée au service public de l'équarrissage ; que le tribunal a indiqué, d'une part, qu'en adoptant l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, le législateur n'a pas seulement entendu modifier le régime antérieur de la taxe sur les achats de viande mais abroger l'imposition spécifiquement perçue à l'effet de financer les mesures d'aides jusqu'au 31 décembre 2000 et instituer une nouvelle taxe dépourvue de tout lien avec le service public de l'équarrissage et que, depuis le 1er janvier 2001, aucune disposition législative ou réglementaire n'emporte affectation du produit de la taxe d'équarrissage à une catégorie particulière de dépenses, d'autre part, que le produit de la taxe, d'ailleurs plus élevé que le montant des dépenses du service public de l'équarrissage, est affecté au budget général de l'Etat et que, dès lors, il n'existe aucun lien contraignant entre le produit de la taxe et les crédits affectés au service public de l'équarrissage inscrits au budget du ministère de l'agriculture ; que le tribunal a, en outre, précisé que les intentions du gouvernement et du législateur exprimées à l'occasion de débats parlementaires ou de réponses ministérielles, qui étaient de ne pas obérer le budget général de l'Etat des dépenses autrefois supportées par le fonds spécial géré par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles ne sont à elles seules pas suffisantes pour établir un tel lien ; que le tribunal a ainsi suffisamment répondu au moyen invoqué par la société requérante et n'a pas entaché son ordonnance d'une omission à statuer ;

Sur les conclusions à fin de restitution :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne :

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États (...) 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'État ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'État ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'État pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;

Considérant qu'un rapport parlementaire ne comporte pas d'interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration ; qu'ainsi et à supposer que la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET ait entendu se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du rapport préalable à l'instauration de la taxe d'abattage de M. Carrez, député, rapporteur de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi de finances pour 2004, ce rapport ne peut être utilement invoqué sur le fondement des dispositions de cet article ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA LEADER DISTRIBUTION GUERET est rejetée.

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N° 08BX02445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX02445
Date de la décision : 07/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme VIARD
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DEWAVRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-10-07;08bx02445 ?
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